VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 février 1993, présentée pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ..., représenté par son syndic M. Raymond X... par la SCP VIER, BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le syndicat des copropriétaires demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 9200330/6 du 11 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 22.550 F avec les intérêts au taux légal au titre des loyers non payés, une indemnité de 2.500 F tous intérêts compris au jour du jugement au titre des troubles divers en réparation des préjudices qui lui ont été causés par le refus du concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice du 4 octobre 1990 et une somme de 1.500 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23.000 F par mois, de 7.600 F par an jusqu'au départ de Mme Y... et la somme de 29.650 F, avec les intérêts de droit desdites sommes ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11.860 F toutes taxes comprises en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 2 décembre 1993 :
- le rapport de M. MASSIOT, président-rapporteur,
- les observations de la SCP VIER, BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ...,
- et les conclusions de M. MERLOZ, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.195 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les audiences des tribunaux administratifs et des cours d'appel sont publiques" et qu'aux termes de l'article R.200, 1er alinéa, du même code : "Les jugements et arrêts mentionnent que l'audience a été publique" ;
Considérant qu'il ne ressort d'aucune des mentions du jugement attaqué que l'audience du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 1992 au cours de laquelle l'affaire concernant le SYNDICAT DES COPRO-PRIETAIRES DU ... a été portée, a été publique ; que la lecture du jugement en séance publique ne démontre pas que l'audience a été publique ; que, dès lors, le syndicat requérant est fondé à soutenir que le jugement susvisé a été rendu sur une procédure irrégulière et à demander son annulation pour ce motif ;
Considérant que l'affaire est en état ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... devant le tribunal administratif ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, par arrêt du 4 octobre 1990 rendu au profit du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ..., la cour d'appel de Paris a ordonné l'expulsion de Mme Y... et de tous occupants de son chef de la loge de concierge qu'ils occupent dans ledit immeuble ; que le syndicat requérant a requis le concours de la force publique le 18 décembre 1990 pour faire assurer l'exécution de cet arrêt ;
Considérant que si, eu égard aux risques pour l'ordre public qu'aurait entraîné le recours à la force, le commissaire de Police n'a pas commis une faute lourde en s'abstenant d'agir matériellement et si cette abstention ouvre au syndicat un droit à indemnité contre l'Etat sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques, la responsabilité de l'Etat ne se trouve engagée qu'à compter du 16 mars 1991, compte tenu du délai normal de deux mois dont dispose l'administration pour exercer son action et des dispositions de l'article L.613-3 du code de la construction qui font obstacle à l'exécution d'une mesure d'expulsion entre le 1er décembre et le 15 mars de l'année suivante ; qu'à supposer même que la responsabilité de l'Etat soit susceptible d'être engagée pour faute lourde, comme le soutient le syndicat requérant, cette circonstance est sans incidence sur le cours des délais précités dont dispose l'administration pour faire droit à une demande de concours de la force publique ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne l'indemnité d'occupation et les charges :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'appartement occupé par Mme Y... au rez-de-chaussée de l'immeuble sis ... (4ème) comprend une pièce principale, une cuisine, une salle d'eau et des toilettes séparées ; que, compte tenu de ces caractéristiques et de la situation géographique dudit immeuble, il sera fait une exacte appréciation de la valeur locative mensuelle du logement en cause, toutes charges comprises, en la fixant à 2.300 F au 16 mars 1991 ; qu'il y a lieu, comme le demande le syndicat requérant, d'actualiser cette valeur annuellement en fonction de l'évolution du coût de la construction, tel que fixé par l'Institut national des statistiques et des études économiques ; qu'ainsi, il est dû, au titre de la période du 16 mars 1991 au 15 mars 1992 : 27.600 F, au titre de la période du 16 mars 1992 au 15 mars 1993 : 28.560 F, au titre de la période du 16 mars 1993 au 10 mai 1993 : 4.355 F et que le montant total du préjudice indemnisable s'élève à 60.515 F ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser cette somme au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... ;
En ce qui concerne la privation d'un gardien à demeure :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le syndicat requérant ne produit aucune justification à l'appui de ce chef de demande ; qu'aucune indemnité ne saurait donc lui être allouée à ce titre ;
En ce qui concerne le coût d'installation d'un dispositif de télésurveillance des deux ascenseurs de l'immeuble :
Considérant que la décision d'installer un tel dispositif constitue un acte de gestion du syndicat au bénéfice des copropriétaires et qu'elle ne saurait dès lors être regardée comme une conséquence directe du refus de concours ; que, par suite, le syndicat n'est pas fondé à demander une indemnité de ce chef ;
En ce qui concerne les troubles divers subis par les copropriétaires :
Considérant qu'il sera fait une équitable appréciation de ce chef de préjudice en condamnant l'Etat à verser une indemnité de 10.000 F au syndicat requérant, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;
Sur les intérêts :
Considérant que le syndicat requérant a droit à compter du 24 juin 1991, date de réception de sa réclamation par l'administration, aux intérêts de la somme représentative des indemnités d'occupation échues avant cette date et, pour la période postérieure au 24 juin 1991, à compter de la date d'échéance de chaque indemnité mensuelle ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 26 février 1993 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts sur les indemnités d'occupation échues avant le 26 février 1992 ; qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil de faire droit à cette demande ;
Sur la subrogation :
Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'intérieur tendant à ce que l'Etat soit subrogé aux droits que le syndicat requérant peut faire valoir à l'encontre de Mme Y... pour avoir paiement des indemnités d'occupation, dans la limite de la somme de 60.515 F ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administra-tives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstance de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser au titre de l'ensemble des frais exposés et non compris dans les dépens une somme de 5.000 F au syndicat requérant ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 1992 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... :
1°) une somme de 60.515 F, au titre des indemnités d'occupation, qui portera intérêts au taux légal à compter du 24 juin 1991 pour la fraction de cette somme représentative des indemnités d'occupation échues avant cette date, et pour le surplus, à compter de la date d'échéance de chaque indemnité mensuelle. Les intérêts du montant des indemnités d'occupation arrivées à échéance avant le 26 février 1992 porteront intérêts à compter du 26 février 1993,
2°) une somme de 10.000 F, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : L'Etat est subrogé dans les droits du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... à l'encontre de Mme Y... à concurrence de la somme de 60.515 F.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU ... est rejeté.