VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 28 août et 2 novembre 1993, présentés pour la société d'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES (SETIL), dont le siège social est rue Afarerii, Pirae, ..., par Me Y..., avocat ; la société d'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 92-00261 du tribunal administratif de Papeete en date du 18 mai 1993 en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence de la juridiction administrative ;
2°) de se déclarer incompétente en renvoyant les parties à mieux se pourvoir ;
3°) de condamner la société Horizon Pacifique à lui verser la somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
et à titre subsidiaire :
1°) d'annuler le jugement en ce qu'il a condamné la société d'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES à payer à la société Horizon Pacifique une somme de 70.020.000 F CFP ;
2°) de rejeter la demande de la société Horizon Pacifique ;
3°) de condamner cette société à lui verser la somme de 20.000.000 F CFP avec intérêts de droit à compter de la demande ainsi qu'une somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 6 février 1996 :
- le rapport de Mme ALBANEL, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, substituant Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société d'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES et celles de la SCP MONOD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société Horizon Pacifique EURL,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par une convention de prestation de services en date du 1er juillet 1991, la société Horizon Pacifique a été chargée par la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES, pour une durée de deux ans, d'accueillir et de renseigner le public sur tous les services proposés dans ses aéroports ; qu'à la suite de différentes "remarques" formulées par la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES à l'issue du bilan de la première année d'application, le directeur des concessions des aéroports, M. Z..., a informé la société Horizon Pacifique, par lettre en date du 13 juillet 1992, de la résiliation de la convention, en application de son article 6.2, alinéa 1er ; que, par jugement en date du 18 mai 1993, le tribunal administratif de Papeete a condamné la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES pour "abus de droit de résiliation" à indemniser la société Horizon Pacifique à hauteur de 7.020.000 F CFP ; que la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES fait appel de ce jugement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 5.3 de la convention susmentionnée : "la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES département "Aéroports" fournit au prestataire, à titre gracieux, le comptoir agence "Information Tourisme"" ; qu'il est constant que ce comptoir d'information est situé sur le terrain de l'aéroport de Tahiti-Faaa et comporte ainsi occupation du domaine public ; que la convention litigieuse, qui emporte un droit à l'occupation du domaine public et dont les prestations ne sont pas indépendantes de cette occupation à laquelle la mesure critiquée a eu d'ailleurs pour effet de mettre fin, présente de ce fait le caractère d'un contrat de la nature de ceux prévus à l'article L.84 du code du domaine de l'Etat qui est applicable en Polynésie française, alors même que la convention stipule dans son article 5.4 que la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES département "Aéroports" fournit au prestataire à titre gracieux le comptoir agence "Information Tourisme" ; que, par suite, la convention passée par la société Horizon Pacifique avec la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES, concessionnaire d'outillage public "de l'aéroport de Tahiti-Faaa", en vertu d'une concession ayant le caractère de concession de service public, ressortit à la compétence de la juridiction administrative ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de demande préalable :
Considérant qu'à supposer même que la société Horizon Pacifique n'ait pas adressé de demande préalable en réparation du préjudice subi, il est constant que la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES a présenté des observations au fond devant les premiers juges qui ont lié le contentieux ;
Sur les conditions de la résiliation de la convention :
Considérant qu'aux termes de l'article 6.1 de la convention : "Le contrat pourra être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des parties, sous préavis de trois mois ..." ; qu'aux termes de l'article 6.2 de cette convention : "Dans le cas où le prestataire ne respecterait pas ses engagements, le contrat pourra être dénoncé immédiatement sur simple avis motivé de la part de la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES département "Aéroports", sans que le prestataire puisse prétendre à une indemnité quelconque" ; et qu'à ceux de l'article 6.3 : "En cas de rupture abusive de la présente convention du fait de la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES département "Aéroports", cette dernière s'engage à verser au prestataire une indemnité équivalente à trois fois le montant de la rémunération mensuelle du prestataire" ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 des statuts de la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES : "Le Conseil d'Administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour gérer la société et agir en son nom. Il a notamment les pouvoirs suivants ... il établit tous cahiers des charges, consent, accepte et résilie tous contrats ..." ; et qu'aux termes de son article 17 : "Le Conseil d'Administration délègue au Président et en accord avec lui au Directeur Général, s'il en est nommé un, les pouvoirs nécessaires pour l'exercice de leurs fonctions. Il peut, en outre, conférer des pouvoirs spéciaux pour un ou plusieurs objets déterminés à telles personnes que bon lui semble, actionnaire ou non" ; qu'en l'absence de toute délégation de pouvoirs accordée par le conseil d'administration lui-même au directeur des concessions des aéroports, M. Z..., qui agissait en vertu de la seule délégation accordée le 25 juin 1992 par le président du conseil d'administration, ne disposait pas, à la date du 13 juillet 1992, d'une délégation régulière de compétence lui permettant de procéder à la résiliation ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la délibération du conseil d'administration, intervenue a posteriori le 18 août 1992 en vue d'entériner cette délégation, n'a pu conférer à l'intéressé les pouvoirs nécessaires ;
Considérant, en second lieu, et en tout état de cause, qu'aucune des clauses de la convention qui la liait à la société Horizon Pacifique et notamment celle de l'article 6.2 qui n'a pour objet que de dispenser la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES de l'observation du délai de préavis prévu à l'article 6.1, ne dispensait expressément la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES, en cas de méconnaissance par la société d'un de ses engagements contractuels, de l'obligation d'adresser une mise en demeure de s'y conformer avant d'engager une procédure de résiliation ;
Au fond :
Considérant que contrairement à ce que soutient la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES, bien que le contrat ait prévu dans son article 6.2 la possibilité d'une résiliation sans indemnité "dans le cas où le prestataire ne respecterait pas ses engagements", il appartient au juge du contrat de rechercher si les faits reprochés au cocontractant ont constitué des manquements suffisamment graves pour justifier la mesure prise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la société Horizon Pacifique a méconnu certaines de ses obligations contractuelles - telles que l'absence de création et de suivi d'un journal du concessionnaire - ces manquements ne présentaient pas, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment du caractère imprécis des obligations fixées par le contrat, un caractère de gravité suffisant pour justifier une mesure de résiliation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que la décision de résiliation était irrégulière et non fondée ;
Sur l'indemnisation :
Considérant, en premier lieu, que si la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES fait valoir que sa demande reconventionnelle formée devant les premiers juges est fondée, en raison de l'inexécution par la société Horizon Pacifique de ses obligations, des substantiels profits dont elle a bénéficié et de l'atteinte portée à son image de concessionnaire, celle-ci n'apporte, en tout état de cause, aucun élément permettant de justifier de la réalité de son préjudice ;
Considérant, en second lieu, que les stipulations susmentionnées de l'article 6.3 de la convention ont entendu limiter l'indemnité accordée en cas de rupture abusive à trois fois le montant de la rémunération mensuelle, soit 7.020.000 F CFP, à l'exclusion de toute autre indemnité ; qu'ainsi la société Horizon Pacifique n'est pas fondée à solliciter, par la voie de l'appel incident, la réparation de l'intégralité de son préjudice pour un montant de 28.080.000 F CFP ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la société Horizon Pacifique a droit aux intérêts de la somme de 7.020.000 F CFP seulement à compter du 13 avril 1994, en l'absence de toute justification de l'envoi de la réclamation préalable du 25 septembre 1992 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 13 avril 1994 et 23 novembre 1995 ; qu'à cette seule dernière date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la seule demande de capitalisation formulée le 23 novembre 1995 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la société Horizon Pacifique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES à verser à la société Horizon Pacifique la somme de 5.000 F sur ce fondement ;
Article 1er : La requête de la société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES est rejetée.
Article 2 : L'indemnité de 7.020.000 F CFP accordée par le tribunal portera intérêts au taux légal à compter du 13 avril 1994. Les intérêts échus le 23 novembre 1995 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La société D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES est condamnée à verser à la société Horizon Pacifique la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes de la société Horizon Pacifique est rejeté.