VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour, respectivement les 6 décembre 1993 et 18 mars 1994, présentés pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VIANDES, DE L'ELEVAGE ET DE L'AVICULTURE (OFIVAL), dont le siège social est ..., par la SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'OFIVAL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9100597/3 en date du 23 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le titre de recettes émis à l'encontre de la société générale des viandes (SOGEVIANDES) pour le remboursement de la somme de 1.571.570,17 F et rendu exécutoire par le directeur de l'OFIVAL le 7 décembre 1990 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Sogéviandes devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de condamner la société Sogéviandes à lui verser la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le règlement CEE n° 805/68 du 27 juin 1968 du Conseil, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine ;
VU le règlement CEE n° 2730/79 du 29 novembre 1979, de la Commission portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, modifié notamment par le règlement n° 568/85 du 4 mars 1985 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 1996 :
- le rapport de Mme KAYSER, président-rapporteur,
- les observations de la SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour l'Office national interprofessionnel des viandes de l'élevage et de l'aviculture et celles du Cabinet ORENGO, avocat, pour la société générale des viandes (Sogéviandes),
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société générale des viandes (SOGEVIANDES) a perçu une somme de 1.312.141,81 F, au titre des restitutions à l'exportation, entre février et avril 1986, pour la livraison de 105 tonnes de viande bovine en République d'Afrique du Sud ; que l'Office National interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL), qui avait versé cette somme sur production des attestations de dédouanement et des documents douaniers d'exportation, a estimé, au vu des résultats d'une enquête douanière, que les marchandises en cause n'avaient pas été commercialisées en Afrique du Sud, mais transportées au Zimbabwe, pays n'ouvrant pas droit à restitution, et que la restitution avait été indûment perçue par la société Sogéviandes ; que l'OFIVAL a émis en conséquence un titre exécutoire pour le remboursement de la somme en cause, majorée des pénalités, pour un montant total de 1.574.570,17 F ; qu'il demande l'annulation du jugement du 23 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur la demande de la société Sogéviandes, annulé le titre de recettes rendu exécutoire le 7 décembre 1990 ;
Considérant que, pour annuler ce titre, le tribunal administratif de Paris a estimé que la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation en Afrique du Sud avait été apportée conformément aux dispositions de l'article 20 du règlement n° 2730/79 du 29 novembre 1979 de la commission des Communautés économiques européennes dès lors que la société Sogéviandes avait produit un certificat de dédouanement émanant des services douaniers de la République d'Afrique du Sud ;
Considérant que si, aux termes de l'article 20 susmentionné : "Le produit est considéré comme importé lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies", il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés et notamment de l'arrêt susvisé du 31 mars 1993, que l'importation dans un pays tiers ne peut être considérée comme ayant été prouvée, si des doutes motivés sont apparus quant à l'accès effectif au marché du pays de destination de la marchandise indiquée dans le certificat de dédouanement mentionné à l'article 20, paragraphe 3, du règlement n° 2730/79 ;
Considérant qu'il en résulte que l'OFIVAL est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler le titre de recettes rendu exécutoire le 7 décembre 1990, sur le motif tiré de ce que la commercialisation effective dans le pays pour lequel des restitutions ont été octroyées est démontrée par le seul accomplissement des formalités douanières alors que des doutes motivés quant à la mise à la consommation sur le marché de destination étaient émis par l'OFIVAL ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel de Paris saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Sogéviandes tant devant la cour, que devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'il est constant que la restitution de 1.312.141,81 F a été perçue par la société Sogéviandes à raison de l'exportation de la viande bovine en Afrique du Sud ; que le droit à restitution était subordonné à la mise en libre pratique des produits dans ce pays ;
Considérant, d'une part, que si les faits constatés par le juge pénal, qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée, s'imposent à l'Administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il résulte de l'instruction que, par arrêt du 23 novembre 1993, confirmé le 19 septembre 1995 par la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris, statuant sur l'action fiscale engagée par l'adminis- tration des douanes contre divers prévenus dont le dirigeant de la société Sogéviandes, les a relaxés des chefs de la poursuite aux motifs notamment que les certificats de dédouanement présentés à l'OFIVAL ne pouvaient être tenus comme n'étant pas authentiques, et qu'il n'était pas établi que les prévenus auraient eu connaissance de la destination réelle des viandes ; que, par suite, et alors que l'authen- ticité des certificats de dédouanement n'est nullement contestée, il appartient à la Cour administrative de céans qui est saisie du litige opposant l'OFIVAL à la société Sogéviandes et relatif aux procédures administratives à mettre en oeuvre pour remplir les conditions d'octroi des restitutions à l'exportation, de se prononcer sur le bien-fondé des autres faits allégués par l'OFIVAL au soutien de sa requête ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la société Sogéviandes a obtenu le paiement par avance des restitutions, puis la libération de sa caution, sur production de pièces attestant la mise à la consommation de la viande bovine en Afrique du Sud ; que, ultérieurement, la direction nationale des enquêtes douanières a été informée par les services britanniques de l'existence d'un circuit frauduleux ; que l'enquête menée par les services douaniers français, qui a donné lieu à l'établissement de procès-verbaux, a permis d'établir que les viandes exportées par la société Sogéviandes n'avaient pas été réellement mises à la consommation en Afrique du Sud, mais avaient seulement transité par ce pays pour être réexportées vers le Zimbabwe ; que les énonciations des procès-verbaux des 23 janvier et 2 juillet 1987 font foi jusqu'à preuve contraire ; que la société Sogéviandes n'apporte aucun élément établissant que la viande bovine qu'elle a exportée aurait été commercialisée effectivement en République Sud Africaine ; que, par suite, elle ne peut se prévaloir d'un droit à restitution ;
Considérant, enfin, que le droit à restitution dépendant des données objectives constituées par la commercialisation effective dans le pays de destination, la société Sogéviandes ne peut utilement invoquer l'absence d'intention frauduleuse de sa part ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'OFIVAL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'état exécutoire du 7 décembre 1990 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la société Sogéviandes succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'OFIVAL soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Sogéviandes à payer à l'OFIVAL la somme de 8.000 F sur le fondement desdites dispositions ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris du 23 juin 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Sogéviandes devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La société Sogéviandes est condamnée à verser à l'OFIVAL la somme de 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article l 4 : Le surplus des conclusions de l'OFIVAL est rejeté.