(3ème Chambre)
VU la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 10 janvier 1996 annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 4 décembre 1990 et renvoyant à la même cour le jugement de la requête présentée par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1057/TAP/87 en date du 6 décembre 1988 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Papeete a annulé la décision implicite rejetant la demande de M. X... et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 501.970 FCP, augmentée des intérêts, en remboursement de ses loyers ;
2°) de rejeter la demande de M. X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret du 26 mai 1937 modifié ;
VU le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 modifié par le décret n° 85-1237 du 25 novembre 1985 ;
VU le décret n° 83-1035 du 28 novembre 1983 ;
VU les arrêtés des 6 janvier 1986 et 24 juin 1987 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 septembre 1996 :
- le rapport de M. HAIM, conseiller,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X... a présenté devant le tribunal administratif de Papeete, une demande tendant au remboursement de loyers acquittés, d'une part, entre le 1er février 1986 et le 30 juin 1987 et, d'autre part, le 1er septembre 1987 et le 31 août 1988, au cours de séjours qu'il a accomplis en Polynésie française ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er alinéa 2 du décret du 25 novembre 1985 modifiant l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 précité concernant le logement des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer lorsqu'ils ne sont pas logés par l'administration, le loyer qu'ils paient effectivement fait l'objet d'un remboursement partiel ainsi défini : "Le montant du remboursement ne pourra pas excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté, d'une part, et, d'autre part, la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée le cas échéant de l'un ou l'autre ou des deux éléments suivants : a) Une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue prévue à l'article 3 du décret susvisé et celui du loyer réel dans la limite du loyer-plafond fixé par arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et du budget, du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des simplifications administratives ; b) Une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède le loyer-plafond prévu ci-dessus" ;
Considérant qu'en retenant, pour déterminer la part du loyer acquitté restant à la charge des agents qui se logent par leurs propres moyens, des critères tirés du montant du traitement perçu, du coût du loyer versé dans la limite d'un plafond et de la retenue opérée sur le traitement des agents logés par l'administration, les auteurs du décret du 25 novembre 1985 n'ont pas édicté des règles qui seraient par elles-mêmes susceptibles de créer des disparités entre des agents se trouvant dans une situation comparable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour la période en cause, le tribunal administratif s'est fondé sur la violation du principe d'égalité du traitement des agents publics par le décret du 25 novembre 1985 et, par suite, sur son illégalité pour annuler la décision implicite du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et condamner l'Etat à verser à M. X... une indemnité en application de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 dans sa rédaction antérieure à celle qui résulte du décret du 25 novembre 1985 ;
Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Papeete et en appel ;
En ce qui concerne la légalité du décret du 25 novembre 1985 :
Considérant que le moyen tiré par M. X... des erreurs que comporterait le décret du 25 novembre 1985 n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier la portée ; que, contrairement à ce qu'il soutient, la complexité des règles de remboursement instituées par ledit décret n'est pas de nature à en rendre impossible l'application ;
En ce qui concerne la légalité des arrêtés des 6 janvier 1986 et 24 juin 1987 :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 29 novembre 1967 : "Cessent d'être applicables aux magistrats et fonctionnaires de l'Etat visés à l'article 1er toutes dispositions antérieures contraires au présent décret" ; que les dispositions de l'article 7 du décret du 26 mai 1937 relatif à la réglementation du logement et de l'ameublement aux colonies, qui prévoyaient que les logements attribués aux fonctionnaires pouvaient être répartis en classes donnant lieu à des taux de retenue différents, sont contraires à celles de l'article 3 du décret du 29 novembre 1967 instituant une retenue à taux unique ; qu'elles ont, par suite, cessé d'être applicables à compter de l'entrée en vigueur de ce dernier décret ; que M. X... ne saurait en conséquence s'en prévaloir pour soutenir que l'arrêté du 6 janvier 1986, qui fixe le taux de la retenue, uniformément, à 15 % de la rémunération pour l'ensemble des fonctionnaires concernés, serait illégal ;
Considérant que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires est principalement dirigé contre le décret précité du 25 novembre 1985 ; que ce moyen a été écarté ; qu'il doit l'être pour les mêmes motifs en tant qu'il est invoqué à l'encontre des arrêtés des 6 janvier 1986 et 24 juin 1987 ;
Considérant que la circonstance que les arrêtés litigieux n'établissent pas de distinction permettant de tenir compte de la situation familiale des intéressés et de la localisation du logement à l'intérieur du territoire n'est pas de nature à entacher leur légalité ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en fixant à 3.400 F puis à 4.900 F le loyer-plafond applicable en Polynésie française, les ministres signataires des arrêtés des 6 janvier 1986 et 24 juin 1987 aient entaché leurs décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que, dans ces conditions, les moyens de première instance et d'appel tirés de l'illégalité, et, par suite, de l'inapplicabilité des arrêtés susmentionnés doivent être écartés ;
En ce qui concerne la légalité du refus implicite de tout remboursement opposé par le ministre à M. X... ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret précité du 25 novembre 1985, modifiant l'article 6 du décret du 29 novembre 1967, que l'ensemble des magistrats et fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent et qui se logent par leurs propres moyens sans avoir refusé d'occuper le logement administratif mis à leur disposition ont droit au remboursement d'une partie du loyer acquitté dans les conditions susrappelées ; que M. X... satisfait aux conditions lui permettant de bénéficier du remboursement prévu par ce texte ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ne pouvait légalement lui refuser tout remboursement des loyers acquittés ;
En ce qui concerne le montant du remboursement dû à M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 susvisé : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements" ; que, par circulaire du 26 juin 1986, le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation a prévu que "les fonctionnaires présents dans le territoire d'outre-mer ou la collectivité territoriale avant le 1er février 1986, continueront à titre tout à fait exceptionnel, à bénéficier du remboursement de leur loyer réel ..." ; que de telles dispositions sont contraires au décret du 25 novembre 1985 ; que, par suite, M. X... ne saurait utilement s'en prévaloir ;
Considérant que les droits à remboursement de M. X... doivent être déterminés à partir des dispositions de l'article 1er alinéa 2 du décret du 25 novembre 1985 et des circulaires datées des 18 novembre et 4 décembre 1986 émanant respectivement du vice-recteur de Polynésie française et du ministre chargé du budget, dans la mesure où les dispositions de ces circulaires sont applicables au cas de l'intéressé et ne sont pas contraires aux lois et règlements ; que ni la complexité des circulaires, ni le fait qu'elles n'établissent pas de distinction permettant de tenir compte de la situation familiale des fonctionnaires, ne sont de nature à les entacher d'illégalité ; qu'enfin, le moyen tiré de l'irrégularité de la deuxième des formules qu'elles exposent est inopérant, seules les première et troisième de ces formules, conformes au décret du 25 novembre 1985, s'appliquant à la situation de M.Tytgat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le loyer effectivement acquitté par M. X..., supérieur au loyer-plafond de 3.400 F applicable avant l'entrée en vigueur, le 9 juillet 1987, de l'arrêté du 24 juin 1987 publié au Journal officiel de la République française le 7 juillet 1987, portant la somme précitée à 4.900 F est, à compter de cette entrée en vigueur, devenu inférieur au nouveau loyer-plafond ; que la retenue de 15 % opérée sur son traitement a été pendant toute la période en cause inférieure, d'une part, au loyer acquitté, et, d'autre part, aux loyers-plafonds successifs ;
Considérant, en premier lieu, que, pour la période du 1er février 1986 au 30 juin 1987 au cours de laquelle le loyer réellement acquitté par M. X... était supérieur au loyer-plafond, le remboursement qui lui est dû doit correspondre à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer-plafond et d'une somme égale à 75 % de la partie du loyer acquitté excédant le loyer-plafond ;
Considérant, en second lieu, que, pour la période du 1er septembre 1987 au 31 août 1988 où son loyer réel était inférieur au loyer-plafond, M. X... a droit à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté, et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer acquitté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour la période ci-dessus mentionnée, le tribunal administratif de Papeete a décidé que le remboursement dû à M. X... devait correspondre à la différence entre le loyer effectivement acquitté et la seule retenue de 15 % ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits se rapportant à la période précitée dans les conditions susindiquées, en tenant compte, éventuellement, des sommes déjà perçues par l'intéressé ;
Sur les intérêts :
Considérant que les sommes dues à M. X... pour la période courant du 1er février 1986 au 30 juin 1987 et du 1er septembre 1987 au 31 août 1988 inclus devront porter intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de sa demande préalable en date du 30 mars 1987 pour la partie de la créance échue à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour la partie postérieure à cette date ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que les dispositions de l'ar- ticle 1154 du code civil ont pour objet de limiter la capitalisation des intérêts échus au cours de la période pendant laquelle le principal de la créance n'ayant pas encore été payé, les intérêts continuent de courir ; qu'elles sont sans application dans le cas où le débiteur s'étant acquitté de sa dette en principal a interrompu le cours des intérêts mais ne les a pas payés, obligeant ainsi le créancier à en solliciter le versement par une demande distincte ; que, dans ce cas, les intérêts qui étaient dus au jour du paiement du principal forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts dans les conditions de l'article 1153 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en exécution du jugement attaqué, M. X... a perçu une indemnité de 27.608,35 F qui lui a été réglée le 24 janvier 1989 ; que, toutefois, l'administration ne lui a pas versé les intérêts afférents à cette somme ; que M. X... a demandé, le 9 août 1990, la capitalisation des intérêts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions de M. X... tendant à la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Papeete lui a accordée ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à la réparation de troubles dans les conditions d'existence :
Considérant que si M. X... demande en appel à être indemnisé des troubles dans les conditions d'existence que lui aurait causé le refus opposé par l'administration à sa demande de remboursement, il n'allègue pas que la somme allouée à ce titre par les premiers juges serait insuffisante ; que les conclusions susanalysées doivent, en conséquence, être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 1.000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. X... en remboursement de ses loyers par l'article 2 du jugement n° 1057/TAP/87 du tribunal administratif de Papeete en date du 6 décembre 1988 est ramenée à une somme correspondant au montant cumulé des deux sommes suivantes :
- pour la période courant du 1er février 1986 au 30 juin 1987 inclus durant laquelle les loyers acquittés étaient supérieurs au loyer-plafond de 3.400 F, une somme correspondant à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer-plafond et d'une somme égale à 75 % de la partie du loyer acquitté excédant le loyer-plafond ;
- pour la période postérieure courant du 1er septembre 1987 au 31 août 1988 inclus, durant laquelle les loyers acquittés étaient inférieurs au loyer-plafond de 4.900 F, une somme correspondant à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer acquitté.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits dans les conditions susmentionnées en tenant compte des sommes déjà perçues par lui. L'indemnité due en application de l'article précédent portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de la demande préalable en date du 30 mars 1987 pour la partie de la créance échue à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour la partie postérieure à cette date.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 6 décembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS et de la demande de M. X... est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à M. X..., une somme de 1.000 F, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.