(1ère Chambre) VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 mai 1995, présentée pour M. Gaston Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9407619/5 du 9 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de la coopération du 5 juin 1990 et de septembre 1990 le radiant des effectifs de la coopération et emportant cessation de paiement de son traitement à compter du 1er octobre 1990, ainsi que de la décision du 25 mai 1994 du même ministre rejetant sa demande préalable d'indemnisation ;
2 ) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 72-659 du 13 juillet 1972 ;
VU la loi n 84-16 du 11 janvier 1984, notamment ses articles 73, 74 et 82 ;
VU les décrets n s 84-715 à 84-721 du 17 juillet 1984 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 1996 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, par M. Y...,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte du 1 de l'article 74 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 que les agents non titulaires de l'Etat ayant la qualité de personnels civils de coopération culturelle, scientifique et technique en fonctions auprès d'Etats étrangers ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois permanents à temps complet, de même nature, des administrations, services et établissements publics de l'Etat, sous réserve d'être en fonctions ou dans une position régulière de congé à la date de la publication de la loi du 11 juin 1983, d'avoir, à la date du dépôt de la candidature, des services effectifs d'une durée équivalente à deux ans au moins de services à temps complet dans un des emplois susindiqués ou en coopération, et de remplir les conditions énumérées à l'article 5 du titre Ier du statut général des fonctionnaires ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 82 de la même loi : "Les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions qui précèdent ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire jusqu'à l'expiration des délais d'option qui leur sont ouverts par les décrets prévus à l'article 80. Les agents non titulaires, qui ne demandent pas leur titularisation ou dont la titularisation n'a pas été prononcée, continuent à être employés dans les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit. Lorsque les intéressés occupent un emploi d'une des catégories déterminées en application de l'article 4 et que leur contrat est à durée déterminée, le contrat peut être renouvelé dans les conditions fixées audit article." lequel précise que ce renouvellement ne peut intervenir que par reconduction expresse ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que les personnels civils non titulaires de coopération répondant aux conditions requises pour avoir vocation à être titularisés et dont le contrat était en cours d'exécution le 14 juin 1983, date à laquelle la loi précitée du 11 juin 1983 a été publiée, ne pouvaient être licenciés, à compter de cette date jusqu'à l'expiration des délais d'option que devaient ouvrir les décrets prévus à l'article 80 de la loi du 11 janvier 1984, que pour des motifs tirés de l'insuffisance professionnelle ou d'une faute disciplinaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... a bénéficié de contrats à durée déterminée pour servir, à partir du 1er juillet 1974, au titre de la coopération, en qualité de professeur de mécanique automobile dans des établissements d'enseignement technique en Côte d'Ivoire, en Haute-Volta et au Niger ; qu'il remplissait les conditions requises par les dispositions susmentionnées de la loi du 11 janvier 1984 et qu'il était en fonction le 14 juin 1983 ; qu'il avait, ainsi, vocation à être titularisé dans un emploi permanent à temps complet, de même nature, d'une administration, d'un service ou d'un établissement public de l'Etat ; que, s'il n'a pas sollicité sa titularisation dans le corps des professeurs de collège d'enseignement technique, laquelle d'ailleurs ne lui a pas été proposée par l'administration, dans le délai d'option fixé par le décret susvisé du 17 juillet 1984, il ne peut être regardé, de ce seul fait, comme ayant été déchu de la garantie d'emploi résultant des dispositions précitées, en l'absence de toute insuffisance professionnelle ou faute disciplinaire retenue à son encontre, dès lors, d'une part, qu'en dehors des six décrets pris le 17 juillet 1986 par le ministre de l'éducation nationale, aucun autre décret n'a été pris pour ouvrir l'accès des agents en coopération aux emplois de même nature des administrations, services ou établissements publics de l'Etat et, d'autre part, qu'aucun nouvel emploi d'agent contractuel correspondant à la nature de l'emploi qu'il occupait ne lui a été proposé ; que, dans ces conditions, le licenciement de M. Y..., prononcé à l'issue de son dernier contrat qui prenait fin le 30 septembre 1990, est intervenu en violation des dispositions rappelées ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du ministre de la coopération refusant de renouveler son contrat, le rayant des effectifs de la coopération et rejetant son recours gracieux ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. Y... une somme de 8.000 F ;
Article 1er : Le jugement n 9407619/5 du 9 novembre 1994 du tribunal administratif de Paris est annulé, ensemble les décisions du ministre de la coopération en date du 5 septembre 1990 et du 25 mai 1994.
Article 2 : L'Etat versera à M. Y... une somme de 8.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Y... tendant à l'application de l'article L.8-1 précité est rejeté.