(1ère chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 septembre 1994, présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE DE LA PLAINE DE GENLIS ET DE LA REGION D'AUXONNE (SCAPGRA), par Me Y..., avocat ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9100941/3 du 27 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de l'Office national interprofessionnel des céréales (Onic) lui refusant le remboursement de la somme de 3.950.912,28 F perçue au titre du prélèvement de coresponsabilité pour les campagnes de commercialisation 1987-1988 et 1988-1989 ;
2 ) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
3 ) subsidiairement, de renvoyer l'affaire, par question préjudicielle, à la Cour de justice des communautés européennes ;
4 ) de condamner l'Onic à lui verser une somme de 20.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le traité instituant la communauté européenne, notamment son article 39 ;
VU le règlement n 2727/75 du 29 octobre 1975 du Conseil des communautés européennes modifié, notamment, par les règlements n s 1579/86 du 23 mai 1986 et 1097/88 du 25 avril 1988 du même conseil ;
VU l'arrêt n 265/87 du 11 juillet 1989 de la Cour de justice des communautés européennes ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 1997 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de la SCP Y... et associés, avocat pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE DE LA PLAINE DE GENLIS ET DE LA REGION D'AUXONNE et celles de Me X..., avocat, pour l'Office national interprofessionnel des céréales,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE DE LA PLAINE DE GENLIS ET DE LA REGION D'AUXONNE (SCAPGRA), qui a pour objet d'acheter aux producteurs des céréales qu'elle transforme ou revend, a versé à l'Office national interprofessionnel des céréales (Onic), pour les campagnes de commercialisation 1987-1988 et 1988-1989, les sommes respectives de 1.987.197,87 F et 1.968.721,41 F au titre du prélèvement de coresponsabilité, dit communément "de base", institué par le 1 de l'article 4 du règlement susvisé du 23 mai 1986 du Conseil des communautés européennes modifiant le règlement du 29 octobre 1975 du même conseil ; que la société SCAPGRA a sollicité du tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par l'Onic à sa demande, en date du 6 juin 1990, tendant au remboursement de ces deux sommes ; que le tribunal administratif a rejeté la requête de la société ;
Sur le moyen unique tiré, par la voie de l'exception, de l'"invalidité" du règlement du 23 mai 1986 :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort clairement de l'exposé des motifs du règlement susvisé que le Conseil des communautés européennes, tout en instaurant le prélèvement de coresponsabilité aux fins de maîtriser la croissance de la production céréalière des Etats membres, a entendu tenir compte des importations de produits de remplacement des céréales sur le marché communautaire ; que si la société requérante soutient que l'objectif que le conseil précité se fixait ainsi a été vicié dans son principe dès lors que l'avantage donné aux produits de remplacement a favorisé le développement de leur importation et de leur consommation, circonstance constitutive d'une violation du principe de préférence communautaire, elle ne le démontre nullement pas les pièces qu'elle produit ;
Considérant, en second lieu, que dans son arrêt susvisé du 11 juillet 1989, rendu sur un renvoi préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes a estimé que le prélèvement de coresponsabilité dont il s'agit, assimilable aux autres interventions prévues par l'organisation commune du marché des céréales, s'inscrivait dans le cadre des articles 39 et 40 du Traité instituant la communauté européenne ; que la société SCAPGRA n'est, par suite, pas fondée à soutenir que ledit prélèvement serait contraire à l'article 39 de ce Traité ;
Considérant, en troisième lieu, que si la société SCAPGRA fait valoir que les sommes prélevées ne sont pas utilisées conformément à leur destination, cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la "validité" du règlement contesté dont l'objectif est, ainsi qu'il vient d'être dit, de maîtriser, grâce aux prélèvements eux-mêmes, la croissance de la production céréalière communautaire ;
Considérant, enfin, que la société SCAPGRA soutient qu'en l'absence d'excédent de production par rapport à la quantité maximale garantie de 160 millions de tonnes de céréales, fixée par le règlement susvisé du 25 avril 1988 du Conseil des communautés pour les campagnes de commercialisation 1988-1989 et suivantes, le prélèvement de coresponsabilité de base ne se justifiait pas et que, faisant double emploi avec le prélèvement de coresponsabilité supplémentaire institué par le même règlement, leur cumul constituait une violation du principe de proportionnalité ; que, d'une part, ce moyen est inopérant à l'égard des prélèvements perçus pour la campagne de commercialisation 1987-1988 ; que, d'autre part, si, pendant la campagne de commercialisation 1988-1989, la production communautaire de céréales n'a été que très légèrement supérieure à 160 millions de tonnes et que le prélèvement supplémentaire a été, au moins partiellement, remboursé, ces circonstances ne démontrent nullement, d'une part, que le prélèvement de base ait été inutile alors qu'il avait précisément pour but de freiner la croissance de la production et prouvent, d'autre part, qu'il n'a pas fait double emploi avec le prélèvement supplémentaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes, que la société SCAPGRA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la société SCAPGRA succombe en la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Onic soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés, doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la société SCAPGRA à verser à l'Onic une somme de 8.000 F ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE DE LA PLAINE DE GENLIS ET DE LA REGION D'AUXONNE est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE DE LA PLAINE DE GENLIS ET DE LA REGION D'AUXONNE est condamnée à verser à l'Onic une somme de 8.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office national interprofessionnel des céréales tendant à l'application de l'article L.8-1 précité est rejeté.