Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 1995 au greffe de la cour, présentée pour Mme Paule Y... demeurant ... par Me X..., avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 534/92 du 23 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande tendant à ce que la commune du Tampon soit condamnée à lui verser la somme de 30.657.000 F à titre d'indemnisation, suite à l'annulation par le même tribunal de l'arrêté du maire du Tampon exerçant le droit de préemption urbain sur un terrain de 60.429 m2 sur lequel la requérante projetait une opération de lotissement à usage d'habitations et de résidence hôtelière ;
2°) de condamner ladite commune à lui verser la somme de 30.657.000 F en réparation de l'illégalité fautive commise par elle et la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 1997 :
- le rapport de Mme MILLE, conseiller,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme Y..., qui était titulaire d'une promesse de vente d'un terrain situé sur le territoire de la commune du Tampon, au titre duquel elle avait obtenu un certificat d'urbanisme positif, a sollicité le 22 juin 1987 une autorisation de lotir afin de réaliser une opération immobilière résidentielle et hôtelière ; que toutefois, le 10 janvier 1989, la commune du Tampon a exercé son droit de préemption sur ce terrain ; que Mme Y... demande l'annulation du jugement du 23 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande de réparation du préjudice résultant de l'illégalité entachant la dite décision de préemption ;
Sur la responsabilité de la commune du Tampon :
Considérant, d'une part, que par une décision du 27 avril 1994, le Conseil d'Etat a confirmé l'annulation prononcée le 18 décembre 1991 par le tribunal administratif de l'acte de préemption du 10 janvier 1989 ; que l'illégalité ainsi sanctionnée engage la responsabilité de la commune du Tampon ; qu'en vertu de la promesse susmentionnée qui lui conférait la qualité d'acquéreur, Mme Y... est recevable à demander réparation des conséquences dommageables de cette faute ;
Considérant, d'autre part, que la décision de préemption a été suivie de l'achat du terrain en cause par la commune alors que la demande d'autorisation de lotir n'était pas complètement instruite, mettant ainsi définitivement fin à la réalisation du projet de la requérante ; que, par suite, et dans les circonstances de l'espèce, le préjudice indemnisable de Mme Y... ne peut comprendre que les dépenses justifiées, effectuées ou engagées par elle avant le 10 janvier 1989, en vue d'acquérir le terrain et d'y obtenir une autorisation de lotir ;
Sur le préjudice :
Considérant que la requérante évalue son préjudice indemnisable à la somme de 30.657.000 F comprenant 16.400.000 F au titre du manque à gagner sur les engagements fermes d'achat des lots, 600.000 F au titre du préjudice professionnel et des troubles dans les conditions d'existence et 13.657.000 F au titre des diverses démarches menées pour réaliser ladite opération ;
En ce qui concerne la somme de 16.400.000 F :
Considérant que le manque à gagner résultant de l'impossibilité de réaliser les ventes de lots pour lesquels ont été souscrits des options d'achat n'entre pas dans le préjudice indemnisable tel que défini ci-dessus dès lors que Mme Y... ne pouvait, sans méconnaître l'article L.316-3 du code de l'urbanisme, procéder à la commercialisation des lots avant l'obtention de l'autorisation de lotir ;
En ce qui concerne la somme de 600.000 F :
Considérant que si Mme Y... allègue avoir été obligée, en raison de difficultés de trésorerie liées aux dépenses inutilement exposées, de vendre des biens professionnels et familiaux à concurrence de 400.000 F, elle ne l'établit pas ; que, de même, ne sont pas justifiés les troubles dans les conditions d'existence au titre desquels elle sollicite la somme de 200.000 F ;
En ce qui concerne le somme de 13.657.000 F :
Considérant que si Mme Y... produit des décomptes et des notes d'honoraires, elle ne peut prétendre à l'indemnisation de dépenses autres que celles définies ci-dessus ; qu'ainsi, et à ce titre, doivent seules être prises en compte les factures du cabinet Bordier-géomètre expert qui se réfèrent à des relevés de terrains , soit un total de 47.851 F, celle du cabinet Belnet chargé d'une étude sur les avantages fiscaux du projet, soit 5.930 F, celle de la société Provençale Immobilière ayant élaboré l'avant-projet sommaire et le dossier d'autorisation de lotir, soit 51.828 F ; que, par suite, il y a lieu de condamner la commune du Tampon à verser à Z... Michel la somme de 105.609 F et de rejeter le surplus de ses conclusions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement et de faire droit aux conclusions de Mme Y... dans les limites précisées ci-dessus ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune du Tampon à verser à Z... Michel la somme de 8.000 F en application de ces dispositions ;
Considérant en revanche qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune fondée sur lesdites dispositions ;
Article 1er : Le jugement du 23 novembre 1994 du tribunal administratif de la Réunion est annulé.
Article 2 : La commune du Tampon versera à Z... Michel la somme de 105.609 F en réparation de son préjudice et de 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme Y... et les conclusions de la commune du Tampon fondées sur l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.