(4ème Chambre)
VU I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1996 sous le n 96PA00175, présentée pour M. Dominique Y..., demeurant 17 Plants Orange, appartement 278, 95000 Cergy, par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 904064 en date du 29 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant au paiement des sommes dues au titre de la reconstitution de sa carrière de sapeur-pompier ;
2 ) de condamner le centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise à lui payer, à titre principal les sommes représentatives du traitement qui lui est dû au titre des périodes du 1er novembre 1986 au 15 avril 1987 et du 1er septembre 1987 au 1er septembre 1990, à titre subsidiaire au paiement d'une indemnité pour la première de ces périodes et du rappel de traitement pour la seconde ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 1997 :
- le rapport de Melle PAYET, conseiller,
- les observations de la SELARL MOLAS et associés, avocat, pour le président du conseil général du Val-d'Oise,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par jugements rendus le même jour, le tribunal administratif de Versailles a respectivement rejeté, dans l'instance : n 904064 la demande de M. Y... tendant à la condamnation du centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise à la réparation des préjudices qu'il a subis du fait de deux décisions illégales d'éviction du service, dans l'instance n 904860 : la demande de M. Y... tendant à l'annulation d'ordres de versement émis pour le recouvrement de sommes représentatives de l'avantage tiré de son maintien dans le logement de fonction qui lui a été concédé ;
Considérant que les requêtes présentées par M. Y... respectivement enregistrées sous les n s 96PA00175 et 95PA04012 ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n 96PA00175 :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :
Considérant, en premier lieu, que si le centre départemental d'incendie et de secours soutient que la demande de M. Y... devant le tribunal administratif était irrecevable faute d'une demande préalable à l'administration, il résulte de l'instruction que cette dernière a accusé réception le 29 octobre 1990 de la lettre que lui a adressée à cette fin l'avocat de l'intéressé et lui a d'ailleurs répondu le 27 novembre suivant ; qu'au surplus le centre départemental a, par un mémoire en date du 2 janvier 1991, lié le contentieux en discutant des conclusions et moyens exposés par l'intéressé dans sa demande contentieuse ;
Considérant, en deuxième lieu, que la demande de M. Y..., contrairement à ce qu'allègue le centre départemental d'incendie et de secours, satisfaisait aux conditions de forme posées par les dispositions de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et comportait notamment une détermination précise, bien que non chiffrée, du montant de la réparation recherchée ;
Considérant, enfin, que la substitution par M. Y... d'une demande de condamnation du centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise à lui payer une indemnité à titre de dommages et intérêts à sa demande initiale de condamnation dudit service à lui payer les sommes qui auraient dû lui être versées au titre de traitements et indemnités durant la période où il aurait été irrégulièrement écarté de ses fonctions, ne procède pas, contrairement à ce que soutient l'administration défenderesse, d'un changement de cause juridique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que la demande de M. Y..., objet de l'instance n 904064, était irrecevable ;
En ce qui concerne la demande d'indemnisation :
S'agissant de la période du 1er novembre 1986 au 15 avril 1987 :
Considérant que, par un jugement en date du 13 février 1987, devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a annulé pour erreur de droit l'arrêté du 3 septembre 1986 portant exclusion temporaire de fonctions de M. Y... pour une durée de deux ans avec effet du 1er novembre 1986 ; que l'illégalité ainsi commise est constitutive d'une faute qui engage la responsabilité de la commune ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que cette sanction avait été motivée par un manquement grave de l'intéressé au règlement organisant le fonctionnement du service qui aurait pu entraîner la mort d'une personne appelant au secours ainsi que par l'insubordination de l'intéressé et les menaces qu'il a proférées envers un sous-officier ; qu'eu égard à la gravité des faits relevés à l'encontre du requérant, dont l'exactitude matérielle n'est pas sérieusement contestée, il y a lieu de limiter la responsabilité de la commune en ne mettant à la charge de cette dernière que 50 % de la réparation du préjudice matériel de M. Y... dont les bases sont définies ci-après ;
S'agissant de la période du 1er septembre 1987 au 1er septembre 1990 :
Considérant qu'il résulte du jugement du 6 février 1990 devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la sanction de révocation infligée à M. Y... par décision du président du centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise du 26 juin 1987, que la mesure prise était entachée d'une illégalité fautive engageant la responsabilité du centre vis-à-vis de M. Y... ; qu'eu égard à l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs qui sont le soutien du dispositif dudit jugement, le centre départemental ne peut utilement soutenir que sa responsabilité devrait être limitée à raison des fautes commises par l'intéressé antérieurement à l'arrêté du 1er novembre 1986 ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'établissement public à réparer l'intégralité du préjudice matériel subi par l'intéressé au cours de la période susdéfinie et dont les bases sont déterminées ci-après ;
S'agissant des bases de réparation du préjudice :
Considérant qu'il y a lieu de fixer le préjudice matériel de M. Y... à la différence entre le montant des traitements qu'il aurait perçus s'il était demeuré en activité au cours des périodes ci-dessus définies, à l'exclusion de toute indemnité liée à l'exercice effectif des fonctions, et le montant des sommes perçues durant ces mêmes périodes par l'intéressé au titre des allocations de chômage ou de rémunérations tirées de l'exercice d'activités ; que la cour ne trouvant pas au dossier les éléments nécessaires à la fixation à partir de ces bases du montant de l'indemnité, il y a lieu, dès lors, de renvoyer M. Y... devant le centre départemental d'incendie et de secours afin qu'il soit procédé à la liquidation de celle-ci ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune à payer à M. Y... une indemnité correspondant à 50 % du préjudice ainsi défini pour la période du 1er novembre 1986 au 15 avril 1987 et à son intégralité pour la période du 1er septembre 1987 au 1er septembre 1990 ; que M. Y... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de réparation et à en demander l'annulation ;
Sur la requête n 95PA04012 :
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du statut des sapeurs-pompiers professionnels départementaux alors applicable au cas d'espèce : "Le personnel logé dans les conditions suivantes, par nécessité de service, bénéficiera de la gratuité du logement, de l'eau, du chauffage et de l'éclairage : - a) dans les logements réalisés dans les casernes ; - b) dans les logements réalisés en dehors des casernes et loués, soit par les agents, soit par le service départemental d'incendie" ; qu'il résulte de ces dispositions que la gratuité du logement constitue un élément du statut des sapeurs-pompiers professionnels au même titre que les différents autres avantages en nature dont ils bénéficient à raison de la nature de leurs fonctions ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus l'éviction de M. Y... du service était entachée d'illégalité ; que, par suite, le centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise qui, par ailleurs, n'avait pas résilié la concession de logement dont bénéficiait l'intéressé à raison de la nature de son activité de sapeur-pompier professionnel en exécution de l'arrêté préfectoral en date du 12 décembre 1978, ne pouvait légalement faire procéder au recouvrement de sommes représentatives de l'avantage consenti au cours des périodes d'inactivité du fonctionnaire ; que, par suite, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que les ordres de reversement établis par le trésor public soient déclarés dépourvus de base légale ; qu'il y a lieu d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, au centre départemental d'incendie et de secours de prendre les mesures nécessaires pour qu'il soit procédé au remboursement à M. Y... des sommes que celui-ci a versées en exécution de ces dits ordres ;
Sur les conclusions du centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise tendant à l'allocation d'une somme non comprise dans les dépens :
Considérant que le centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise est la partie perdante dans l'une et l'autre instances ; que sa demande tendant à ce que M. Y... soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement n 904860 en date du 29 juin 1995 du tribunal administratif de Versailles et l'article 2 du jugement n 904064 du 29 juin 1995 du même tribunal sont annulés.
Article 2 : L'ordre de versement émis par le comptable du Trésor pour avoir paiement de M. Y... d'une somme de 10.146,03 F est dépourvu de base légale.
Article 3 : Il est prescrit au centre d'incendie et de secours de prendre les mesures nécessaires pour qu'il soit procédé au remboursement des sommes perçues en exécution de l'ordre de versement visé à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le centre départemental d'incendie et de secours est condamné à payer à M. Y... une indemnité correspondant à 50 % du préjudice matériel subi par ce dernier au cours de la période du 1er novembre 1986 au 15 avril 1987 et à son intégralité pour la période du 1er septembre 1986 au 1er septembre 1990, ledit préjudice étant déterminé sur les bases définies dans les motifs du présent arrêt.
Article 5 : M. Y... est renvoyé devant l'administration pour le calcul et la liquidation de l'indemnité fixée à l'article 4 du présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n 96PA00175 et les conclusions du centre départemental d'incendie et de secours du Val-d'Oise tendant à l'allocation d'une somme, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetés.