(4ème Chambre B) VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 16 août et 21 octobre 1996, présentés pour Mme Martine Y..., demeurant ..., par la SCP WAQUET-FARGE-HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9408235/5 en date du 18 avril 1996, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du directeur de la chambre de commerce et d'industrie de Paris rejetant sa demande de réparation pécuniaire de son licenciement ainsi qu'à la condamnation de l'établissement à lui verser une indemnité de 548.016 F, si les droits d'un agent titulaire lui sont reconnus, ou de 530.000 F, dans le cas contraire, et à supporter les dépens et les frais exposés par elle dans l'instance ;
2 ) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur de la chambre de commerce et d'industrie de Paris a rejeté sa demande en date du 28 avril 1994 tendant à ce que la chambre lui verse une somme de 60.000 F à titre d'indemnité de préavis, une somme de 120.000 F à titre d'indemnité de licenciement et une somme de 350.000 F à titre de dommages-intérêts ;
3 ) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Paris à lui verser une somme de 550.000 F à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande initiale et des intérêts des intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
VU l'arrêté du ministre du commerce et de l'artisanat du 13 novembre 1973 modifié homologuant le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 1998 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la chambre de commerce et d'industrie de Paris a, par une décision en date du 1er février 1988, recruté Mme Y... pour la période allant du 11 janvier 1988 au 10 janvier 1989, en qualité d'agent contractuel, dans le cadre d'une action qu'elle qualifiait expressément de "temporaire" ; que, par quatre lettres datées respectivement du 27 décembre 1988, du 9 janvier 1990, du 12 mars 1991 et du 10 avril 1992, ses fonctions ont été reconduites, "sans changement de situation", chaque fois pour une période d'un an dont le terme était précisé, jusqu'au 10 janvier 1993, sans solution de continuité et sans clause de tacite reconduction ; que, si Mme Y... soutient ne pas avoir reçu la lettre du 19 janvier 1993 renouvelant son engagement dans les mêmes conditions que précédemment jusqu'au 10 janvier 1994, elle a, le 9 novembre 1993, accusé réception de la lettre datée du même jour lui "confirmant" que ses fonctions prendraient fin "comme prévu" le 10 janvier 1994 et doit donc être regardée comme ayant été informée seulement le 9 novembre 1993 que la chambre de commerce et d'industrie de Paris avait entendu renouveler son contrat à la date du 11 janvier 1993 en lui fixant un terme ; que, par trois lettres datées des 4, 11 et 26 janvier 1994, l'établissement public a renouvelé l'engagement de l'intéressée jusqu'au 31 janvier 1994, en précisant que l'agent cesserait alors ses fonctions "définitivement" ; que la dernière lettre précitée indiquait que le non renouvellement de l'engagement au-delà de cette date était motivé par la réorganisation du service dont Mme Y... était responsable ; que la requérante demande à la cour, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable du 28 avril 1994 tendant à ce que l'organisme consulaire lui verse une somme de 530.000 F à titre d'indemnités de préavis et de licenciement ainsi que de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat, d'autre part, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Paris à lui payer une somme de 550.000 F, assortie des intérêts et des intérêts des intérêts ;
Sur les conclusions relatives à la non titularisation de la requérante :
Considérant que la loi susvisée du 10 décembre 1952 prévoit, en son article 1er, que "La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle"; qu'aux termes de l'article 1er du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, homologué par l'arrêté ministériel du 22 décembre 1973 susvisé, dans sa rédaction alors en vigueur, ce statut "s'applique de plein droit à tous les agents titulaires d'un emploi permanent et travaillant à temps complet dans les services de l'administration générale des compagnies consulaires" et qu'à ceux de l'article 49 du même statut, "les compagnies consulaires peuvent recruter, pour remplir des tâches temporaires ou exceptionnelles et pour la durée de ces tâches, des agents auxiliaires qui seront placés hors statut et dont la situation sera réglée par un contrat particulier" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... a été recrutée pour mettre en place le réseau "Point Europe Ile-de-France" comprenant notamment un "Euro-Info-Centre", correspondant à une première phase d'information sur les questions communautaires des petites et moyennes entreprises d'Ile-de-France, destinée essentiellement à aider celles-ci à se préparer à l'échéance de l'ouverture du marché unique européen, dans le cadre des conventions conclues respectivement en 1988 et 1989 entre l'Etat français, la chambre de commerce et d'industrie de Paris et la chambre régionale de commerce et d'industrie et entre la Communauté économique européenne et le réseau "Point Europe"constitué par lesdits organismes consulaires ; qu'ainsi, l'emploi qu'occupait Mme Y..., était un emploi temporaire, contrairement aux allégations de la requérante ; qu'il suit de là qu'en l'absence de toutes dispositions prévoyant la possibilité pour des agents d'une chambre de commerce et d'industrie occupant des emplois temporaires d'être titularisés, Mme Y... n'avait pas vocation à être recrutée en qualité d'agent titulaire ni à obtenir ultérieurement sa titularisation ; que dès lors elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été "frauduleusement soustraite" aux dispositions statutaires applicables aux seuls agents titulaires d'un emploi permanent et, en particulier, aux règles statutaires de procédure dont ces agents bénéficient en cas de licenciement ;
Sur les conclusions relatives à la nature du contrat de la requérante :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 susvisée que les agents de droit public, titulaires ou non titulaires, des chambres de commerce et d'industrie ne sont régis ni par les lois du 13 juillet 1983 et du 11 janvier 1984 portant respectivement droits et obligations des fonctionnaires et dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ni par les autres textes applicables aux personnels titulaires ou non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs ; que Mme Y... ne saurait en conséquence utilement invoquer les dispositions de l'article 8 du décret du 17 janvier 1986 applicable aux agents non titulaires de droit public de l'Etat et de ses établissements publics à caractère administratif pour soutenir que son engagement ayant fait l'objet de renouvellements successifs devait être réputé à durée indéterminée ;
Considérant, toutefois, que la chambre de commerce et d'industrie de Paris n'établit pas que la décision du 19 janvier 1993 renouvelant le contrat de Mme Y..., à compter du 11 du même mois, pour la cinquième année consécutive, lui ait effectivement été notifiée ; qu'à partir de cette dernière date, l'intéressée a continué à travailler au service de l'organisme consulaire, sans qu'un nouvel engagement ait été formellement conclu entre la chambre de commerce et d'industrie de Paris et l'agent ; que ce n'est que le 9 novembre 1993 que la chambre de commerce et d'industrie de Paris, en même temps qu'elle indiquait à Mme Y... que ses fonctions prendraient fin le 10 janvier 1994 au soir, lui a écrit qu'elle avait entendu renouveler son contrat qui s'était achevé le 10 janvier de l'année précédente, pour une période limitée à un an ; que, par suite, nonobstant la décision expresse de reconduction de l'engagement de Mme Y... du 11 au 31 janvier 1994 inclus, la requérante doit être regardée comme ayant exercé ses fonctions à compter du 11 janvier 1993 en vertu d'un contrat à durée indéterminée tacite ; que, par suite, la décision mettant fin aux fonctions de l'intéressée ne peut s'analyser comme un refus de renouveler un engagement à terme fixe mais comme un licenciement ;
Sur les conclusions fondées sur l'illégalité du licenciement de la requérante :
Considérant que le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie n'autorise pas les compagnies consulaires à recruter des agents en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; que, dès lors, le contrat à durée indéterminée tacite dont Mme Y... doit être regardée comme bénéficiaire, était nul et n'a donc pu faire naître d'obligation envers la requérante à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, dont la responsabilité ne peut, par suite, être recherchée à raison de sa résiliation, laquelle est d'ailleurs intervenue dans le cadre d'une réorganisation du service dont les pièces du dossier suffisent à établir l'exactitude matérielle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme Y... n'a droit ni à une indemnité de préavis ni à une indemnité de licenciement, d'autre part, que la chambre de commerce et d'industrie de Paris, en décidant de mettre fin aux fonctions de l'intéressée après le 31 janvier 1994 n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la requérante ; que, par suite, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner Mme Y... à payer à la chambre de commerce et d'industrie de Paris la somme de 2.000 F ;
Article 1er : La requête de Mme Y... est rejetée.
Article 2 : Mme Y... versera à la chambre de commerce et d'industrie de Paris une somme de 2.000 F, au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.