(1ère Chambre B)
VU la requête enregistrée le 30 septembre 1996 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU VAL-DE-MARNE (OPAC DU VAL-DE-MARNE), dont le siège est sis ..., représenté par ses dirigeants sociaux domiciliés en cette qualité audit siège, par Me Z..., avocat ; l'OPAC DU VAL-DE-MARNE demande à lacour :
1 ) d'annuler le jugement n 9412258/7 et 9500424/7 en date du 10 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. et Mme Y..., l'arrêté en date du 18 juillet 1994 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui avait accordé un permis de construire en vue de l'édification d'un immeuble à usage d'habitation à Charenton-le-Pont ;
2 ) de condamner M. et Mme Y... à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
C+ VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 1999 :
- le rapport de M. BARBILLON, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, substituant Me A..., avocat, pour M. et Mme Y...,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article UA 14-2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Charenton-le-Pont : " ... Pour les terrains entièrement situés dans le secteur Uab et disposant d'une double façade avec la rue de Paris et la rue de Verdun ou la rue de Conflans ou la rue A. France, une bonification supplémentaire de coefficient d'occupation des sols de 0,40 sera appliquée à l'ensemble du terrain sous réserve d'être consommée dans une bande de 20 mètres comptée à partir de l'alignement des rues de Verdun, de Conflans et A. France. Cette disposition aura pour effet de porter le coefficient d'occupation des sols global à 2,80 ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Provini et fils a acquis un terrain en forme d'équerre d'une superficie de 1913 m2, qui jouxte les rues de Paris, de Bordeaux et de Conflans à Charenton-le-Pont, et sur lequel elle projetait de construire un ensemble immobilier comportant deux bâtiments, implantés l'un rue de Paris et l'autre au coin des rues de Bordeaux et de Conflans, et un parking souterrain ; qu'à la suite de la cession par la société Provini d'une partie de ses droits à construire à l'OPAC DU-VAL-DE MARNE, le maire de la commune de Charenton-le-Pont et le projet du Val-de-Marne, par deux permis de construire délivrés respectivement les 26 juin 1994 et 18 juillet 1994, ont autorisé respectivement la société Provini et fils à construire les parkings souterrains et le bâtiment prévu rue de Paris, et l'OPAC DU VAL-DE-MARNE à réaliser la partie du projet donnant sur les rues de Bordeaux et de Conflans, correspondant aux droits à construire qui lui avaient été cédés ; qu'il est constant que l'ensemble immobilier qui fait l'objet de ces deux permis respecte le coefficient d'occupation des sols majoré de 2,80 dont il bénéficie, en raison de sa situation, en bordure des rues de Paris, de Conflans et de Bordeaux ; que par suite, dès lors que le terrain d'assiette n'est pas divisé, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article UA 14-2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune en accordant le 18 juillet 1994 à l'OPAC DU VAL-DE-MARNE un permis de construire destiné à la réalisation sur le terrain d'assiette de l'ensemble immobilier projeté l'un des bâtiments de cet ensemble ; qu'il en résulte que l'OPAC DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 14-2 pour annuler le permis de construire dont il s'agit ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité externe du permis de construire attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet, la situation et la superficie du terrain, l'identité de son propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande, la nature des travaux et la destination des constructions ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice de présentation du projet, jointe à la demande de permis de construire que l'OPAC DU VAL-DE-MARNE avait déposée, parallèlement à celle de la société Provini, qui indique notamment qu'un règlement de copropriété en volume avait été élaboré entre les deux pétitionnaires, que l'OPAC DU VAL-DE-MARNE était habilité par la société Provini à demander qu'un permis de construire lui soit délivré pour la réalisation d'une partie du projet sur le terrain appartenant à la société ; que dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme en estimant que l'OPAC DU VAL-DE-MARNE devait être regardé comme disposant d'un titre l'habilitant à demander un permis de construire ; que, dès lors, M. et Mme Y... ne sont pas fondés à se prévaloir de la violation de ces dispositions pour demander l'annulation du permis de construire litigieux ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que l'OPAC a fourni dans son dossier de demande le plan-masse exigé par les dispositions de l'article R.421-2 du code de l'urbanisme ; qu'aucune disposition de ce code n'exige que le plan soit établi par un géomètre ;
Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.421-2-1 du code de l'urbanisme : "Dans les communes où un plan d'occupation des sols a été approuvé, le permis est délivré par le maire au nom de la commune ... Sont toutefois délivrés ou établis, au nom de l'Etat, par le maire ou le représentant de l'Etat dans le département, après avis du maire ... les autorisations ou actes relatifs à l'utilisation et à l'occupation du sol concernant : a) Les constructions, installations ou travaux réalisés pour le compte de l'Etat, de la région, du département, de leurs établissements publics ..." ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme Y..., dès lors que l'OPAC DU VAL-DE-MARNE est un établissement public départemental, le préfet du Val-de-Marne était compétent pour lui délivrer le permis de construire litigieux, alors même que la commune de Charenton-le-Pont est pourvue d'un plan d'occupation des sols approuvé ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Charenton-le-Pont : "les terrains non bâtis, les constructions de toute nature doivent être aménagés de façon à ne porter atteinte ni à l'harmonie des paysages ou de l'architecture régionale, locale ou de la zone ou du secteur" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en accordant le permis de construire litigieux à l'OPAC DU VAL-DE-MARNE pour édifier une construction R + 4 dans le centre-ville de Charenton-le-Pont, le préfet du Val-de-Marne ait méconnu les dispositions de cet article, compte tenu de la présence de plusieurs immeubles d'une hauteur comparable dans le bâti environnant et de l'hétérogénéité de ce bâti ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article UA 7 du règlement de la zone dispose que "la longueur de vue directe (vue principale) à réserver par rapport aux limites de propriété est d'au moins 8 mètres, sauf convention résultant d'un contrat de cour commune, cette dimension minimale étant ramenée à 3 mètres pour les vues secondaires" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire litigieux respecte ces dispositions dès lors que d'une part, les fenêtres de la façade de l'immeuble correspondant aux vues principales respectent la distance de 8 mètres énoncée par cet article ; que si d'autre part les requérants font valoir que la fenêtre de l'un des appartements a une longueur de vue sur leur propriété de 3,80 mètres, inférieure aux 8 mètres requis, il ressort de ces mêmes pièces que ladite fenêtre ouvre sur une cuisine de moins de 10 m2 et correspond ainsi, en vertu de l'annexe 1 du règlement du plan d'occupation des sols, à une vue secondaire, laquelle n'est soumise, selon les dispositions susrappelées, qu'à une longueur de vue minimum de 3 mètres ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article UA 12 du même règlement : "la distribution des places de stationnement, le tracé en plan, en profil et en long de leurs accès devront être étudiés de façon à éviter des manoeuvres excessives ou difficiles. En particulier pour des raisons de visibilité et de sécurité publique, les rampes d'accès aux parkings devront obligatoirement comporter à la sortie sur le domaine public un palier d'au moins 3,50 mètres de longueur." ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan d'ensemble du rez-de-chaussée de la construction projetée, que la rampe d'accès aux parkings débouche sur un palier de 5,50 mètres de faible déclivité et satisfait ainsi aux dispositions précitées de l'article UA 12 ;
Considérant, en quatrième lieu, que selon les dispositions de l'article UA 10 du règlement de la zone, le gabarit sur rue des immeubles est calculé selon la formule : H = L + 3 ; que M. et Mme Y... font valoir que le permis de construire litigieux est entaché d'illégalité dès lors que le bâtiment projeté atteint les hauteurs de 17,93 mètres sur la rue de Bordeaux et de 15,70 mètres à 18,30 mètres sur la rue de Conflans alors que, compte tenu de la largeur de ces deux rues, les hauteurs maximales du bâtiment devraient être limitées respectivement à 17,72 mètres et 14,84 mètres pour que ledit bâtiment soit conforme aux dispositions de cet article ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que les hauteurs retenues par les requérants ne correspondent pas à celles des façades de l'immeuble qui donnent sur les deux rues, lesquelles satisfont à la règle énoncée par l'article UA 10 ; que le moyen tiré par les requérants du non respect de cet article par le permis de construire litigieux doit dès lors être rejeté ;
Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme Y... ne peuvent se prévaloir utilement de l'article R.111-18 du code de l'urbanisme, lequel n'est pas applicable aux communes qui, comme en l'espèce, sont dotées d'un plan d'occupation des sols approuvé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'OPAC DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé le permis de construire que le préfet du Val-de-Marne lui avait délivré le 18 juillet 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande de l'OPAC DU VAL-DE-MARNE ;
Article 1 : Le jugement n 9412258/7 et 9500424/7 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'OPAC tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 sont rejetées.