VU la requête, enregistrée le 8 août 1996 au greffe de la cour, présentée par M. Henri X..., demeurant ... ; M. SECAIL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9403325/6 en date du 4 juin 1996 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du marché par lequel la commune de Joinville-le-Pont a confié à la société Bouygues la construction d'une école primaire, en tant qu'il a statué sur ses conclusions dirigées contre la délibération du 24 juin 1993, ainsi qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que le tribunal ordonne à la commune de constater la nullité du contrat et lui ordonne d'émettre un ordre de reversement à l'encontre de la société Bouygues sous astreinte de 10.000 F par jour ;
2 ) d'annuler ledit marché et d'ordonner à la commune d'émettre un ordre de reversement ou un arrêté de débet à l'encontre de la société Bouygues d'un montant minimum de 1.124.503 F hors taxes, à défaut, de saisir le juge du contrat en vue d'obtenir la condamnation de la société Bouygues au remboursement des sommes qu'elle a perçues et qui seraient supérieures à l'enrichissement sans cause dont aurait bénéficié la commune, ce sous astreinte de 2.000 F par jour ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des marchés publics ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 1999 :
- le rapport de Mme ADDA, premier conseiller,
- les observations du cabinet BOUSQUET, avocat, pour la société Bouygues,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par délibération du 24 juin 1993, le conseil municipal de Joinville-le-Pont a décidé la construction d'une école élémentaire de onze classes et d'un logement de fonctions dans le Parc du Parangon et a autorisé le maire à signer au nom de la commune les marchés à intervenir pour ce projet ; que l'appel d'offres restreint ayant été déclaré infructueux par la commission d'appel d'offres le 3 novembre 1993, le maire de ladite commune a signé le 23 novembre 1993, dans le cadre de la procédure négociée, l'acte d'engagement de la société Bouygues relatif à la construction d'une école élémentaire ne comportant plus que huit classes avec possibilité d'extension ; que, sur demande de M. SECAIL, conseiller municipal de Joinville-le-Pont et contribuable de cette commune, le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, annulé la décision du maire de Joinville-le-Pont de signer le marché litigieux au motif que le maire ne pouvait être regardé comme ayant été habilité à signer ce marché, mais rejeté, en premier lieu, les conclusions de l'intéressé tendant à l'annulation de ce marché, transmis le 11 janvier 1993 au représentant de l'Etat, en deuxième lieu, celles, formulées "en tant que de besoin", dirigées contre la délibération du 24 juin 1993, en troisième lieu, celles tendant à ce que le tribunal ordonne sous astreinte à la commune de constater la nullité du contrat et d'émettre un ordre de reversement à l'encontre de la société Bouygues ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire en date du 23 novembre 1993 de signer le marché litigieux :
Considérant qu'en retenant un moyen de légalité externe pour annuler la décision du maire de Joinville-le-Pont de signer le marché litigieux sans examiner les autres moyens de la demande, le tribunal administratif n'a entaché son jugement ni d'insuffisance de motivation, ni d'omission à statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché par lequel la commune de Joinville-le-Pont a confié à la société Bouygues la construction d'une école primaire :
Considérant que le contrat par lequel une commune confie à une entreprise la construction d'une école primaire n'est pas au nombre des actes dont l'annulation peut être demandée au juge administratif par un tiers ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. SECAIL n'était pas recevable à demander l'annulation du marché passé le 23 novembre 1993 entre la commune de Joinville-le-Pont et la société Bouygues ; qu'il suit de là que M. SECAIL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 24 juin 1993 du conseil municipal de Joinville-le-Pont autorisant le maire à signer le marché litigieux :
Considérant que dès lors que M. SECAIL avait présenté des conclusions tendant à l'annulation "en tant que de besoin" de la délibération du 24 juin 1993 du conseil municipal de Joinville-le-Pont, le tribunal administratif, en rejetant pour irrecevabilité les conclusions dirigées contre ladite délibération, n'a pas statué au-delà des demandes du requérant ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement sur ce point doit donc être écarté ;
Sur les conclusions aux fins d'injonctions :
Considérant que le tribunal administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à une commune de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité d'un contrat signé par le maire en application d'une décision de ce dernier annulée par son jugement pour une irrégularité qu'il estime régularisable, est tenu de vérifier si, parmi les moyens invoqués par le demandeur, il en existe au moins un qui fait obstacle à toute régularisation et donc implique nécessairement le prononcé de l'injonction ;
Considérant que, pour rejeter les conclusions de M. SECAIL tendant à ordonner à la commune de Joinville-le-Pont de saisir le juge du contrat afin que soit déclarée la nullité du marché litigieux, le tribunal administratif s'est appuyé sur le seul motif que l'illégalité sanctionnée par son jugement pouvait donner lieu à régularisation et n'entraînait donc pas nécessairement la nullité du contrat ; qu'en statuant ainsi, sans examiner si parmi les autres moyens soulevés par M. SECAIL il en existait un qui fît obstacle à toute régularisation, ce qui eût impliqué nécessairement le prononcé de l'injonction, le tribunal administratif n'a pas épuisé sa compétence de juge de l'exécution ; que, par suite, M. SECAIL est fondé à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a ainsi rejeté ses conclusions aux fins d'injonction ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie le cas échéant d'un délai d'exécution par le même jugement ou le même arrêt" ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant qu'il n'appartient qu'au juge du contrat, saisi par l'une des parties, de prononcer la nullité du marché litigieux ; que, par suite, les conclusions de M. SECAIL tendant à ce que le tribunal ordonne à la commune, d'une part, de constater la nullité du contrat, d'autre part, d'émettre un ordre de reversement à l'encontre de la société Bouygues ne peuvent être accueillies ;
Considérant que dans la mesure où les conclusions de M. SECAIL tendant à ce que le juge de l'exécution prononce la nullité du contrat doivent être regardées comme tendant à ce qu'il use des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles susvisés pour ordonner sous astreinte à la commune de Joinville-le-Pont de saisir le juge du contrat aux fins de constater la nullité du contrat litigieux et, par suite, l'absence de toute obligation contractuelle à la charge de la commune, une telle injonction ne doit être prononcée qu'après que le juge de l'exécution s'est assuré dans les conditions décrites ci-dessus que l'illégalité entachant la décision du maire de passer le contrat litigieux est insusceptible de régularisation ;
Considérant qu'en l'espèce, une délibération par laquelle le conseil municipal, au lieu d'autoriser le maire à signer un nouvel engagement, se serait borné à délivrer au maire l'autorisation -dont le tribunal a sanctionné l'absence- de signer le contrat litigieux ne pouvait intervenir et être transmise au représentant de l'Etat que postérieurement à la conclusion effective, en date du 23 novembre 1993, de ce même contrat ; que, dès lors, ainsi que le soutient M. SECAIL, l'illégalité résultant de ce que le contrat signé par le maire n'était pas celui qu'il avait été autorisé à signer par la délibération du 24 juin 1993 du conseil municipal était insusceptible de régularisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré par M. SECAIL de ce que, au surplus, le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant au prix du marché, il appartient à la commune de Joinville-le-Pont, si elle ne peut obtenir de la société Bouygues la résolution d'un commun accord du marché passé le 11 janvier 1994, de saisir le juge du contrat aux fins de constater la nullité dudit marché ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de prononcer contre cette commune, à défaut pour elle de justifier de ces mesures dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 2.000 F par jour jusqu'à la date à laquelle ces mesures auront été prises ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. SECAIL, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, soit condamné à payer à la commune de Joinville-le-Pont une somme sur ce fondement ;
Article 1er : Le jugement en date du 4 juin 1996 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'injonctions présentées par M. SECAIL.
Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Joinville-le-Pont, si elle ne justifie pas, dans le mois suivant la notification du présent arrêt et faute d'obtenir de la société Bouygues la résolution d'un commun accord du marché passé le 11 janvier 1994, avoir saisi le juge du contrat aux fins de constater la nullité dudit marché, et jusqu'à la date à laquelle ces mesures auront été prises. Le montant de cette astreinte est fixé à 2.000 F par jour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. SECAIL est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Joinville-le Pont tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.