(1ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée le 9 décembre 1998 au greffe de la cour, présentée par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n 9619031/7 en date du 22 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 15 décembre 1995 par laquelle le ministre a rejeté la demande de MM. Bertrand et Gabriel X... tendant à l'adjonction du nom de "de Bec" à leur nom patronymique ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2000 :
- le rapport de Mme MONCHAMBERT, premier conseiller,
- les observations de M. Gabriel X...,
- et les conclusions de M. BARBILLON, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : "Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré" ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la demande de changement de nom a pour objet d'éviter l'extinction d'un nom, il appartient au demandeur d'apporter tous éléments de nature à justifier de son intérêt légitime à changer son nom par substitution ou adjonction du nom menacé d'extinction et notamment de justifier de son degré de parenté par rapport au dernier titulaire du nom revendiqué ainsi que de l'extinction ou du risque sérieux d'extinction du nom sollicité ; que pour refuser à MM. Bertrand et Gabriel X... l'autorisation de prendre le nom de "X... de Bec", le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE s'est fondé sur la circonstance qu'en l'absence d'élément probant démontrant l'extinction du nom et la priorité à le relever, il n'est pas permis de déroger aux principes de dévolution et de fixité du patronyme établis par la loi ; qu'en prenant une telle décision, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n'a pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, édicté des conditions non prévues par la loi ; qu'il lui appartenait, en effet, de vérifier la réalité de l'extinction du nom revendiqué ; qu'eu égard au principe de dévolution du patronyme énoncé par le code civil, la priorité à relever un nom éteint ou menacé de l'être est au nombre des critères susceptibles d'être retenus pour apprécier l'intérêt légitime de la demande ; que dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le ministre n'avait pas procédé à l'appréciation de l'intérêt légitime invoqué par les requérants pour annuler la décision du 15 décembre 1995 comme entachée d'erreur de droit ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant le tribunal administratif que devant la cour d'appel ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, MM. X... peuvent produire, tant devant le tribunal que devant la cour, tout document nouveau démontrant l'extinction du nom et leur priorité à la relever dès lors que ces documents sont relatifs à des faits antérieurs à la décision attaquée ; qu'il résulte de l'arbre généalogique produit par les requérants, document que le ministre pouvait demander de produire lors de l'instruction de la demande s'il s'estimait insuffisamment informé sur la menace d'extinction des noms, que les frères et soeurs de M. X... Gabriel n'ont aucune descendance et ne sont plus susceptibles d'assurer la postérité du nom de "de Bec" et qu'aucune autre branche de la famille n'est susceptible d'assurer la postérité du nom ; qu'ainsi les requérants ont établi l'extinction du nom de "de Bec" porté par leur mère et grand-mère ainsi que leur priorité à le relever ; que, par suite, MM. X... sont fondés à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
Considérant que le ministre n'est, en tout état de cause, pas fondé à solliciter une substitution de motif tirée de la circonstance que le nom revendiqué correspond à un nom de terre dès lors, d'une part, que MM. X... ne sollicitaient pas un titre de noblesse et que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que le nom de "de Bec" a été porté indépendamment du titre nobiliaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée du 15 décembre 1995 ;
Article 1er : La requête du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est rejetée.