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30/05/2000 | FRANCE | N°99PA01200;99PA03137

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 30 mai 2000, 99PA01200 et 99PA03137


(1ère Chambre A)
VU I, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 20 avril et 23 août 1999, sous le n 99PA01200, présentés pour M. Hubert X... dit AH PONG, demeurant Quartier Mahuohe, Papeete, par la SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le requérant demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 97-186 en date du 11 décembre 1998, par lequel le tribunal administratif de Papeete l'a condamné à payer une amende de 36 000 FCP, à verser une somme de 1.895.040 FCP au titre de la remise en état du d

omaine public ainsi qu'à régler les frais afférents au procès-verbal ...

(1ère Chambre A)
VU I, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 20 avril et 23 août 1999, sous le n 99PA01200, présentés pour M. Hubert X... dit AH PONG, demeurant Quartier Mahuohe, Papeete, par la SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le requérant demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 97-186 en date du 11 décembre 1998, par lequel le tribunal administratif de Papeete l'a condamné à payer une amende de 36 000 FCP, à verser une somme de 1.895.040 FCP au titre de la remise en état du domaine public ainsi qu'à régler les frais afférents au procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à son encontre le 28 mai 1997 ;
2 ) de prononcer la relaxe des fins des poursuites exercées à son encontre ;
VU II, la requête, enregistrée le 13 septembre 1999, sous le n 99PA03137, présentée pour M. Hubert X... dit AH PONG, par la SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le requérant demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n 97-186 du 11 décembre 1998 du tribunal administratif de Papeete attaqué dans la précédente instance ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi organique n 96-312 du 12 avril 1996 complétée par la loi organique n 96-624 du 15 juillet 1996 ;
VU la loi n 93-313 du 12 avril 1996 ;
VU le décret du 7 septembre 1881 qui rend applicable à toutes les colonies françaises le décret du 5 août 1881 ;
VU le décret du 5 août 1881 modifié concernant l'organisation et la compétence des conseils du contentieux administratif et réglementant la procédure a suivre devant ces conseils et, notamment, son article 99 ;
VU la délibération n 77-142 du 29 décembre 1977 modifiée de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ;
VU la délibération n 78-128 du 3 août 1978 de la commission permanente de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 16 mai 2000 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller,
- les observations de la SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. X... dit AH PONG,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. X..., enregistrées sous les n s 99PA01200 et 99PA03137, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 11 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Papeete l'a condamné à payer une amende de 36.000 FCP ainsi qu'à verser une somme de 1.895.040 FCP au titre de la remise en état des lieux et à payer les frais du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à son encontre le 28 mai 1997 ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Papeete a omis de statuer sur le moyen invoqué devant lui par M. X... et tiré de l'irrégularité de la procédure, au motif qu'en violation du principe du contradictoire le procès-verbal de contravention de grande voirie n'avait pas été établi en sa présence et que la notification de ce procès-verbal était intervenue tardivement ; que ce moyen présentait un caractère opérant ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 11 décembre 1998 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le déféré présenté par le haut-commissaire de la République en Polynésie française devant le tribunal administratif de Papeete ;
Sur la fin de non recevoir opposée par M. X... au déféré du haut-commissaire de le République en Polynésie française :
Considérant que les dispositions de l'article 44 de la loi n 93-1352 du 30 décembre 1993 portant loi de finances pour 1994 modifiant l'article 1089 B du code général des impôts qui a institué un droit de timbre pour la présentation des requêtes devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat n'ont pas été rendues applicables aux actes de procédure accomplis devant les juridictions administratives ayant leur siège dans un territoire d'outre-mer ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à opposer une fin de non recevoir, tirée du défaut d'acquittement du droit de timbre par le haut-commissaire de la République de la Polynésie française, aux conclusions dont celui-ci a saisi, le 20 juin 1997, le tribunal administratif de Papeete en vue de la condamnation de l'intéressé à payer une amende de 36.000 CFP et à prendre en charge les frais de remise en état du domaine public fluvial du territoire de la Polynésie évalués à 1.895.040 CFP ;
Au fond :

Considérant, d'une part, que les articles L.12 à L.21 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel portant dispositions particulières en matière de contravention de grande voirie, invoqués par le requérant, n'ont pas été étendus au territoire de la Polynésie française par une disposition expresse ; que, par suite, ces articles ne sont pas applicables au présent litige qui concerne une contravention de grande voirie constatée sur le domaine public de ce territoire d'outre-mer ; que la procédure applicable en la matière est régie par les dispositions de l'article 99 du décret susvisé du 5 août 1881, qui prévoient que "Lorsqu'il s'agit de contraventions, il est procédé comme il suit, à défaut de règles établies par des lois spéciales. Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, et son affirmation quand elle est exigée, le gouverneur fait faire à l'inculpé notification de la copie du procès-verbal ainsi que de l'affirmation avec citation devant le conseil du contentieux, dans un délai qui ne peut pas être moindre d'un mois ..." ; que pour l'interprétation de cet article à la lumière de l'évolution du statut de la Polynésie française, avec lequel il n'est pas inconciliable, il y a lieu de substituer aux mots "gouverneur" et "conseil du contentieux" respectivement ceux de "haut-commissaire de la République" et de "tribunal administratif de Papeete", conformément, d'une part, aux dispositions de l'article 6, 3 de la loi organique n 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française qui mettent la justice et l'organisation judiciaire au nombre des matières limitativement énumérées relevant de la compétence des autorités de l'Etat, d'autre part, des dispositions statutaires qui ont institué en 1984 un tribunal administratif de la Polynésie française dont le siège est à Papeete ;

Considérant, d'autre part, que l'article 7 de la délibération susvisée du 3 août 1978 portant réglementation en matière d'occupation du domaine public de la commission permanente de l'assemblée territoriale de la Polynésie française prévoit que "nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucuns remblaiements, travaux, installations et aménagements quelconques sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. Les infractions au précédent alinéa sont constatées par les agents assermentés du service de l'équipement, ceux des domaines et les agents de la force publique. Ces infractions, qui sont des contraventions de grande voirie, peuvent donner lieu à poursuites du service des domaines pour le recouvrement des redevances et de tous dommages intérêts sans préjudice de la remise en état des lieux " ; qu'aux termes de l'article 1-1 de la délibération n 77-142 du 29 décembre 1977 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française portant réglementation des carrières à Tahiti, Moorea et Ralatea, avec interdiction d'extraction dans les lits des rivières et les bords de mer, "en vue de la conservation et de la protection des rivages de la mer et des cours d'eau, plus généralement du milieu naturel, sont interdites à Tahiti, Moorea et Ralatea toutes extractions de sable, terre, pierre, graviers ou de tous autres matériaux et produits et notamment des matériaux coralliens et autres amendements marins, dans le domaine public maritime et fluvial " ; que les infractions à ces dernières dispositions constituent des contraventions de grande voirie relevant de l'article 7 précité de la délibération du 3 août 1978 ; que l'article 11-1 de la délibération du 29 décembre 1977 dispose que "les personnes qui auront enfreint le règlement défini à l'article 1 de la présente délibération seront punies de peines d'amende pouvant atteindre 2.000 FF et devront assurer à leurs frais la remise en état des lieux" ;
En ce qui concerne la régularité des poursuites :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés par M. X... de la méconnaissance des articles L.12 à L.21 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont inopérants et que ceux tirés d'irrégularités des poursuites doivent donc être examinés au regard notamment des dispositions précitées de l'article 99 du décret du 5 août 1881 ;

Considérant que la circonstance que le procès-verbal de contravention de grande voirie du 28 mai 1997, qui a été établi par un agent assermenté comme en attestent les pièces produites par l'administration, n'a pas été dressé en présence de M. X... n'est pas de nature à en entacher la régularité ; qu'aucun texte n'exigeait son affirmation ; que si le haut-commissaire de la République a saisi le tribunal administratif de Papeete avant de notifier le procès-verbal, sa demande accompagnée notamment de ce procès-verbal a été notifiée par les soins du tribunal à l'intéressé qui a présenté un mémoire en défense ; que M. X... ne conteste pas avoir reçu un avis d'audience ; qu'ainsi, M. X... ayant été en mesure d'exposer utilement sa défense, la procédure doit être regardée comme ayant été régularisée ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en raison du délai, très supérieur à celui prévu par les dispositions réglementaires précitées, qui s'est écoulé entre l'établissement du procès-verbal et sa notification, l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en vertu duquel tout accusé doit être informé "dans le plus court délai" des accusations portées contre lui, aurait été méconnu ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des poursuites engagées à l'encontre de M. X... doit être écarté ;
En ce qui concerne l'infraction retenue à l'encontre de M. X... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 21 janvier 1997, un agent assermenté des services de l'équipement a constaté que des travaux d'extraction d'une quantité de tout-venant estimée à 680 m3 avaient été réalisés, sans autorisation administrative, par l'entreprise de M.
X...
, dans la rivière Vaipohe au droit de la propriété de M. Y..., à Paea dans l'île de Tahiti ; que ce dommage causé au domaine public fluvial du territoire de la Polynésie française constitue une contravention de grande voirie en application des dispositions précitées des délibérations du 29 décembre 1977 et du 3 août 1978 ; que l'intéressé n'établit pas qu'il serait intervenu pour le compte de M. Y..., propriétaire d'un terrain en bordure de la rivière Vaipohe et titulaire d'une autorisation administrative d'effectuer des travaux de curage datée du 26 juin 1992 ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la validité de cette autorisation, M. X... n'est, en tout état de cause, pas fondé à prétendre qu'il n'était pas l'auteur de la contravention de grande voirie qui lui est reprochée ;
En ce qui concerne le montant des frais de remise en état mis à la charge de M. X... :

Considérant que le requérant, qui ne justifie pas que les prix d'achat et de livraison du mètre cube de tout-venant et de location d'une pelle mécanique ainsi que d'un semi-remorque retenus par l'administration pour l'évaluation du dommage subi par le domaine public auraient excédé les prix du marché, ni que les matériaux indûment extraits du lit de la rivière Vaipohe aurait pu être récupérés, n'établit pas que l'estimation des frais de remise en état des lieux mis à sa charge présenterait un caractère anormal ; qu'il y a donc lieu de le condamner à verser au territoire de la Polynésie française une somme de 1.895.040 FCP au titre de la remise en état des lieux et à payer les frais du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à son encontre le 28 mai 1997 ;
En ce qui concerne l'amende :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner M. X... à une amende de 36.000 FCP ;
Article 1er : Le jugement du 11 décembre 1998 du tribunal administratif de Papeete est annulé.
Article 2 : M. X... est condamné à payer au territoire de la Polynésie française une somme de 1.895.040 FCP, au titre de la remise en état des lieux, ainsi qu'une amende de 36.000 FCP, et à payer les frais du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à son encontre le 28 mai 1997.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99PA01200;99PA03137
Date de la décision : 30/05/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE - POURSUITES - PROCEDURE DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - APPLICABILITE DANS LES D - O - M - -T - O - M - DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES - TERRITOIRES D'OUTRE-MER.


Références :

CGI 1089 B
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L12 à L21
Décret du 05 août 1881 art. 99, art. 6
Loi 93-1352 du 30 décembre 1993 art. 44
Loi 96-312 du 12 avril 1996


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme LASTIER
Rapporteur public ?: Mme MASSIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-05-30;99pa01200 ?
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