(4ème chambre A)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 septembre 1999 présentée pour M. Albert X... demeurant villa La Roche Bleue, avenue C. Secretar à Lausanne (Suisse), représenté par Me LARDIN, avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 1999 qui a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a rejeté sa demande de déclassement du portrait du duc d'Orléans peint par Ingres ;
2 ) d'annuler la décision implicite de rejet susvisée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30.000 F sur le fondement des
C+ dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;
VU la loi n 92-1477 du 31 décembre 1992 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 juin 2000 :
- le rapport de M. AUPOIX, premier conseiller,
- les observations de Me DU Z..., avocat, pour M. X... et celle de M. Y..., pour la ministre de la culture et de la communication,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X... est propriétaire depuis 1986 du tableau intitulé le duc d'Orléans peint par Ingres en 1842, lequel a été classé monument historique par décret du 16 septembre 1988 ; que la requête présentée par le requérant et qui tendait à l'annulation dudit classement a été rejetée par arrêt du Conseil d'Etat du 10 janvier 1990 ; que M. X... a saisi le 26 décembre 1996 le ministre de la culture et de la communication d'une demande de déclassement de ladite oeuvre ; que M. X... relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 30 juin 1999 rejetant ses conclusions qui tendaient à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre à sa demande ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1913 susvisée : "Le déclassement d'un objet mobilier classé peut-être prononcé par le ministre chargé des beaux-arts, soit d'office soit à la demande du propriétaire" ; qu'il ressort de ces dispositions qu'il appartient au ministre saisi par une personne intéressée d'une demande en ce sens, de procéder à l'abrogation de la décision de classement qui n'est pas réglementaire et qui n'a pas créé de droits, si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de fait ou de droit intervenus postérieurement à son édiction ;
Considérant, en premier lieu, que M. X... fait valoir qu'il n'a découvert qu'au cours de l'année 1996 l'existence d'un "dossier confidentiel concernant le portrait du duc d'Orléans" comprenant notamment une étude juridique qui aurait été portée par l'administration, dès 1990, à la connaissance des membres du Conseil d'Etat, statuant sur sa requête qui tendait à l'annulation du décret du 22 septembre 1988 portant classement de ce tableau ; que cette circonstance, à la supposer avérée, ne peut se rattacher qu'aux conditions dans lesquelles le principe du contradictoire a été mis en oeuvre devant le Conseil d'Etat lors de l'examen de cette requête et ne saurait être utilement invoquée au soutien d'une demande de déclassement dudit tableau ;
Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de ce que le décret du 22 septembre 1988 portant classement parmi les monuments historiques du portrait du duc d'Orléans peint par Ingres aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales et du protocole n 1 annexé à cette convention, de ce que le tableau en cause, qui n'est pas le seul portrait du duc d'Orléans, ne présentait pas un intérêt public justifiant son classement et de ce que le décret serait entaché d'un détournement de procédure, sont inopérants pour contester le refus qui a été opposé à la demande d'abrogation, dès lors qu'ils sont dirigés contre la légalité de la décision de classement au moment où elle a été prise ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1913 : "Les objets mobiliers, soit meubles proprement dits, soit immeubles par destination, dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique, un intérêt public, peuvent être classés ..." ; que selon l'article 7 de la loi susvisée du 31 décembre 1992 : "Le certificat ne peut être refusé qu'aux biens culturels présentant le caractère de trésor national. Il est accordé aux biens culturels licitement importés dans le territoire douanier depuis moins de cinquante ans, sauf s'ils font l'objet de la procédure de classement prévue par les lois du 31 décembre 1913 et n 79-18 du 3 janvier 1979" ; que ces dernières dispositions, relatives à la délivrance du certificat autorisant l'exportation des biens culturels, n'ont pas pour objet de modifier les conditions du classement prévu à l'article 14 précité, et notamment d'interdire le classement des biens culturels importés depuis moins de cinquante ans ; que, par suite, l'intervention de la loi du 31 décembre 1992, mettant en place une protection spéciale indépendante de celles prévues par la loi du 31 décembre 1913, ne constitue pas un changement dans les circonstances de droit susceptible de rendre illégale une décision de classement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant, d'une part, que le requérant succombe dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peuvent qu'être rejetées ; que d'autre part, l'Etat ne justifie pas avoir exposé des frais non compris dans les dépens ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de M. X... doivent être rejetées ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat à l'encontre de M. X... sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.