(4ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 24 février 1997, le recours présenté par le MINISTRE DE L'OUTRE-MER, lequel demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-00064 en date du 19 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Papeete a condamné l'Etat à verser à M. X..., contrôleur des transmissions du ministère de l'intérieur en détachement auprès de son département ministériel et affecté auprès du Haut-Commissaire de la République française en Polynésie, la prime de rendement et l'indemnité de sujétions particulières correspondant à la période du 12 octobre 1994 au 13 avril 1996 ;
2 ) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Constitution du 27 octobre 1946 et notamment son article 47 ;
VU la loi du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires et notamment ses articles 17 et 18 ;
VU l'ordonnance n 45-14 du 6 janvier 1945 portant réforme des traitements des fonctionnaires de l'Etat et aménagement des pensions civiles et militaires, et notamment son article 7 ;
VU la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
VU la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
VU le décret du 5 novembre 1870 relatif à la promulgation des lois et décrets ;
VU le décret n 50-1348 du 27 octobre 1950 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n 46-2294 du 19 octobre 1946 aux fonctionnaires de certains cadres civils exerçant normalement leur activité dans les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer, demeurant applicable par les dispositions de l'article 91 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 ;
VU le décret n 68-1108 du 9 décembre 1968 relatif à l'emploi des fonctionnaires de l'Etat dans les territoires d'outre-mer ;
VU le décret n 67-600 du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer ;
VU le décret n 69-903 du 29 septembre 1969 modifié relatif au statut du corps des contrôleurs des transmissions ;
VU le décret n 55-1103 du 18 août 1955 relatif à l'attribution d'une prime de rendement au personnel du service des transmissions du ministère de l'intérieur ;
VU le décret du 13 août 1963 portant attribution d'une indemnité de sujétions particulières aux fonctionnaires du cadre des transmissions du ministère de l'intérieur, modifié par le décret du 18 septembre 1974 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juillet 2000 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par M. X... :
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le délai d'appel contre les jugements rendus par les tribunaux administratifs de Papeete et de Nouméa est en principe de trois mois et qu'en vertu de l'article R.230 du même code, s'ajoute à ce délai, le cas échéant, le délai supplémentaire de distance d'un mois prévu par l'article 643 du nouveau code de procédure civil ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions de l'article R.216 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, lorsque la notification d'un jugement des tribunaux administratifs de Papeete et de Nouméa doit être faite à l'Etat, cette notification est adressée dans tous les cas au Haut-commissaire ; que cette notification fait courir les délais d'appel à l'encontre de l'Etat ; qu'il résulte des dispositions susénoncées que le délai pour former appel au nom de l'Etat d'un jugement des tribunaux administratifs de Papeete ou de Nouméa est de quatre mois ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du 19 novembre 1996 du tribunal administratif de Papeete a été notifié le 21 du même mois au Haut-commissaire de la République en Polynésie française ; qu'il suit là que le recours du MINISTRE DE L'OUTRE-MER, enregistré au greffe de la cour le 24 février 1997 soit avant l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de cette notification, n'est pas tardif ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. X... ne peut qu'être écartée ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Loi n 83-634 du 13 juillet 1983 susvisée : "Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l'administration, dans une situation statutaire et réglementaire", et qu'aux termes de l'article 45 de la loi susvisée n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine ( ...) Il est alors soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement." ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret susvisé n 68-1108 du 9 décembre 1968, relatif à l'emploi des fonctionnaires de l'Etat dans les territoires d'outre-mer : "Nonobstant toute disposition contraire, tous les fonctionnaires de l'Etat peuvent être appelés à occuper, en position d'activité, un emploi des services de l'Etat dans les territoires d'outre-mer de la nature et du niveau de ceux qu'ils seraient appelés à occuper dans la métropole." ; qu'en application de l'article 20 de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant ( ...) les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire." ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 du décret n 67-600 du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer : "Les indemnités payables aux magistrats et aux fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer ne sont affectées du coefficient de majoration que lorsque leur montant est fixé directement en francs métropolitains.( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'alors qu'il était contrôleur divisionnaire des transmissions au ministère de l'intérieur, M. X... fut détaché par arrêté du 8 janvier 1990 auprès du ministère des départements et territoires d'outre-mer pour une durée de trois ans et six mois à compter du 2 novembre 1989 pour exercer auprès du Haut-commissaire de la République en Polynésie française les fonctions de responsable du service des transmissions, emploi de fonctionnaire de l'Etat de la nature et du niveau de celui qu'il avait vocation à occuper en métropole et qui restait régi par les dispositions du décret susvisé n 69-903 du 29 septembre 1969 modifié relatif au statut du corps des contrôleurs des transmissions du ministère de l'intérieur ; que, conformément aux dispositions de l'article 45 de la loi n 84-16 susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, M. X... était, durant cette période, soumis aux droits et obligations régissant la fonction exercée par l'effet de son détachement ;
Considérant que le Haut-Commissaire lui ayant refusé, au titre de la période du 12 octobre 1994 au 13 avril 1996, le bénéfice du régime indemnitaire des personnels du cadre des transmissions du ministère de l'intérieur défini respectivement par le décret du 18 août 1955 en ce qui concerne la prime de rendement, et le décret du 13 août 1963 modifié par le décret du 18 septembre 1974 pour ce qui est de l'indemnité de sujétions particulières, M. X... saisit du litige de tribunal administratif de Papeete qui fit droit à sa demande par un jugement du 19 novembre 1996 dont le ministre de l'Outre-Mer demande l'annulation ;
Sur l'indemnité de sujétions spéciales :
Considérant qu'il est constant que le décret susvisé du 13 août 1963 modifié portant attribution d'une indemnité de sujétions particulières aux fonctionnaires du cadre des transmissions du ministère de l'intérieur n'a pas, contrairement d'ailleurs à ce que son article 4 disposait, été publié au Journal officiel de la République française comme le prévoit pourtant le décret susvisé du 5 novembre 1870, sans que des circonstances exceptionnelles aient justifié l'absence de publication régulière ; que, dans ces conditions, les dispositions du décret du 13 août 1963 modifié ne sont pas opposables au MINISTRE DE L'OUTRE-MER et que l'administration, en refusant à M. X... l'octroi d'un avantage prévu par ledit décret, n'a pu méconnaître le prétendu droit de l'intéressé à en bénéficier ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'OUTRE-MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a condamné l'Etat à payer à M. X... l'indemnité de sujétions particulières pour la période du 12 octobre 1994 au 13 avril 1996 ;
Sur la prime de rendement :
Considérant, en premier lieu, que, pour refuser à M. X... le bénéfice de la prime de rendement instituée par le décret n 55-1103 du 18 août 1955 susvisé au profit des personnels du service des transmissions du ministère de l'intérieur, le MINISTRE DE L'OUTRE-MER allègue que le décret n 67-600 du 23 juillet 1967 ne prévoit pas que les fonctionnaires détachés doivent conserver de plein droit le même régime indemnitaire que celui applicable en métropole ; que, toutefois, l'article 4 dudit décret n'en écarte cependant pas la possibilité sous réserve que le coefficient de majoration ne soit appliqué qu'aux indemnités dont le montant est fixé directement en francs métropolitains ; que, par suite, le ministre ne peut soutenir que la prime de rendement dont M. X... revendique le bénéfice ne s'appliquerait qu'aux fonctionnaires du service des transmissions du ministère de l'intérieur en position normale d'activité ; que si le ministre ajoute que ladite prime n'est en tout état de cause pas cumulable avec celle dont bénéficiait l'intéressé dans sa position de détachement, la réalité du cumul allégué ne ressort d'aucune des pièces du dossier ; que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que le MINISTRE DE L'OUTRE-MER ne saurait utilement se prévaloir de l'existence des dispositions du décret n 50-1348 du 27 octobre 1950 susvisé portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n 46-2294 du 19 octobre 1946 aux fonctionnaires de certains cadres civils exerçant normalement leur activité dans les territoires relevant du ministère de la France d'Outre-mer alors que l'article 9 dudit décret précise que ce texte ne concerne que les personnes "nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie des cadres relevant du ministre de la France d'Outre-Mer dont la liste limitative est fixée par décret ( ...)", situation statutaire qui n'était pas celle de M. X... ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que le MINISTRE DE L'OUTRE-MER soutient que le décret n 55-1103 du 18 août 1955 instituant la prime de rendement réclamée par M. X... n'était pas opposable à son département pour le motif que son homologue n'avait alors pas contresigné ce texte ;
Considérant qu'aux termes de la Constitution du 27 octobre 1946 et notamment de son article 47 sous l'empire duquel a été pris le décret en litige : "Le président du conseil des ministres assure l'exécution des lois ( ...) Les actes du président du conseil des ministres prévus au présent article sont contresignés par les ministres intéressés.", et qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires : "le président du conseil est chargé de la fonction publique." et qu'en vertu de l'article 18 de la même loi il lui appartient de signer ou contresigner tous les textes réglementaires relatifs à la fonction publique ; que, par ailleurs, les dispositions de l'ordonnance n 45-14 du 6 janvier 1945 portant réforme des traitements des fonctionnaires de l'Etat et aménagement des pensions civiles et militaires prévoient en son article 7 que les conditions d'attribution et le taux des "primes destinées à tenir compte de la valeur des services rendus" sont fixées par "des décrets contresignés par le ministre des finances" ; que le décret n 55-1103 du 18 août 1955 relatif à l'attribution d'une prime de rendement au personnel du service des transmissions du ministère de l'intérieur, qui a été pris en application des dispositions précitées, a été signé par le président du conseil des ministres et contresigné par le ministre de l'intérieur et le ministre des finances et des affaires économiques ainsi que par le secrétaire d'Etat aux finances et aux affaires économiques et par le secrétaire d'Etat à la présidence du conseil ; qu'il résulte des dispositions législatives ci-dessus rappelées que le ministre chargé de la fonction publique, le ministre de l'intérieur et le ministre des finances et des affaires économiques étaient ainsi les ministres intéressés, au sens de l'article 47 de la Constitution alors en vigueur ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'OUTRE-MER n'est pas fondé à se prévaloir de ce que le décret en cause du 18 août 1955 ne lui serait pas opposable faute d'avoir été contresigné par le ministre alors en charge de son département ministériel ; que le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le MINISTRE DE L'OUTRE-MER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a condamné l'Etat à verser à M. X... la prime de rendement instituée par le décret n 55-1103 du 18 août 1955 au titre de la période du 12 octobre 1994 au 13 avril 1996 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens: Considérant que M. X... est la partie perdante dans la présente instance ; que cette circonstance fait obstacle à la condamnation de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;
Article 1er : Le jugement n 96-00064 en date du 19 novembre 1996 du tribunal administratif de Papeete est annulé en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. X... l'indemnité de sujétions particulières correspondant à la période du 12 octobre 1994 au 13 avril 1996.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Papeete est rejetée en tant qu'elle concerne le paiement de l'indemnité de sujétions particulières correspondant à la période du 12 octobre 1994 au 13 avril 1996.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'OUTRE-MER est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. X... fondées sur les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunal administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.