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18/01/2001 | FRANCE | N°99PA02845;00PA01280

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 18 janvier 2001, 99PA02845 et 00PA01280


(1ère chambre B)
VU, 1 ) le recours et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour les 23 août 1999, 10 février et 4 avril 2000 sous le n 99PA02845, présentés au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9807578/4, 9807579/4 et 9807580/4 du 2 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. X..., la décision du 20 mars 1999 par laquelle il a maintenu sa décision d'interdire l'accès au territoire français de ce dernier et a refusé de mettre fin à son

signalement sur le fichier "Système d'information Schengen" ;
2 ) de ...

(1ère chambre B)
VU, 1 ) le recours et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour les 23 août 1999, 10 février et 4 avril 2000 sous le n 99PA02845, présentés au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9807578/4, 9807579/4 et 9807580/4 du 2 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. X..., la décision du 20 mars 1999 par laquelle il a maintenu sa décision d'interdire l'accès au territoire français de ce dernier et a refusé de mettre fin à son signalement sur le fichier "Système d'information Schengen" ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
VU 2 ) sous le n 00PA01280, la lettre, enregistrée au greffe de la cour le 26 janvier 2000, par laquelle M. X... a saisi la cour d'une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement n 9807578/4, 9807579/4 et 9807580/4 rendu le 2 avril 1999 par le tribunal administratif de Paris, sous astreinte de 500 F par jour de retard à compter du 23 décembre 1999 ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2001 :
- le rapport de M. SCHILTE, président-rapporteur,
- les observations du cabinet KRAMER-LEVIN, avocat, pour M. X...,
- et les conclusions de M. BARBILLON, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR et la demande présentée par M. X... en application de l'article L.911-4 du code de justice administrative, sont relatifs au même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions du ministre de l'intérieur à fin d'annulation du jugement :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR qui n'avait pas contesté devant le tribunal administratif de Paris que la décision attaquée entrait dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979 instituant une obligation de motivation, n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 2 avril 1999 serait insuffisamment motivé pour n'avoir pas précisé à quelle catégorie d'actes énumérée par l'article 1er de ladite loi se rattacherait cette décision ;
En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :
Considérant d'une part qu'en vertu de l'article 96 de la convention susvisée d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990, le signalement sur le "système d'information Schengen" d'un étranger aux fins de non admission sur le territoire de l'un des Etats contractants résulte de "décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes" ; que l'article 3 du décret susvisé du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen dénommé N-SIS reprend, en ces termes, ces stipulations : "I. Peuvent faire l'objet d'un traitement automatisé dans le N-SIS les données nominatives relatives aux personnes suivantes : ... - les étrangers signalés aux fins de non-admission à la suite d'une décision administrative ou judiciaire ..." ; qu'aux termes de l'article 4 dudit décret : "I : pour les signalements relatifs aux personnes, les données nominatives enregistrées sont les suivantes : l'état civil (nom, prénoms et alias, date et lieu de naissance), le sexe et la nationalité ; les signes physiques particuliers, objectifs et inaltérables, ainsi que l'indication que la personne est armée ou violente ; le motif du signalement ; la conduite à tenir en cas de découverte" ; qu'enfin aux termes de l'article 6 : "le droit d'accès aux informations visées à l'article 4 s'exerce auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés conformément aux articles 109 et 114 de la convention et à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux données susceptibles d'être consultées directement par l'intéressé exerçant ce droit" ;
Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "L'accès au territoire français peut-être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public ... Tout refus d'entrée doit faire l'objet d'une décision écrite ...spécialement motivée d'après les éléments de l'espèce, dont le double est remis à l'intéressé" ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée en date du 20 mars 1998 que le MINISTRE DE L'INTERIEUR a refusé de réserver une suite favorable à la demande de M. X... dirigée à l'encontre de la "décision initiale de lui interdire l'accès au sol français" qui avait fondé son signalement au "système d'information Schengen" et avait conduit, à plusieurs reprises, à son refus d'admission sur le territoire de l'un des Etats parties à l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas fondé à soutenir que la demande de M. X... devait être regardée comme tendant à exercer son droit d'accès aux données le concernant enregistrées dans le "système d'information Schengen" et qu'elle ne pouvait, en conséquence, conformément à l'article 6 du décret susvisé du 6 mai 1995, qu'être soumise à la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;
Considérant que la décision par laquelle le MINISTRE DE L'INTERIEUR refuse d'abroger une décision d'interdiction d'accès au territoire français constitue une mesure de police qui doit être motivée en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précitée ; qu'en se bornant à indiquer que "la présence en France de M. X... constituerait, en raison de ses activités et de son comportement, une menace pour l'ordre public au sens de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée", sans mentionner aucune circonstance de fait, le ministre ne peut être regardé comme ayant satisfait aux exigences de l'article 3 de ladite loi ; que la circonstance que la décision initiale d'interdire à M. X... l'accès au territoire français ait conduit le ministre à inscrire l'intéressé au sein du système d'information N-SIS aux fins de non admission et que l'article 6 du décret susrappelé prévoit un droit d'accès aux informations contenues dans le système N-SIS par l'intermédiaire de la commission nationale de l'informatique et des libertés ne saurait être utilement invoquée pour justifier l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ;
Considérant qu'à supposer même que le MINISTRE DE L'INTERIEUR entende se prévaloir de la nécessité réservée par le second alinéa de l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 de garantir un secret protégé par la loi, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'était pas en mesure de préciser les considérations de fait sur lesquelles il se fondait sans porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 20 mars 1999 par laquelle il a refusé d'abroger la mesure d'interdiction d'accès au territoire français dont M. X... fait l'objet ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'allocation de dommages-intérêts :
Considérant que les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts n'ont pas été présentées devant les premiers juges ; que, par suite, ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'exécution du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. En cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et de prononcer une astreinte. Les articles 3 à 5 de la loi n 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes de droit public s'appliquent aux astreintes prononcées en application du présent article. Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel exerce les pouvoirs conférés par ces articles au Conseil d'Etat ..." ;
Considérant qu'en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 2 avril 1999, confirmé par le présent arrêt, le MINISTRE DE L'INTERIEUR était tenu de statuer, à nouveau, sur la demande de M. X... tendant à l'abrogation de la mesure d'interdiction d'accès au territoire français dont il fait l'objet, par une décision dûment motivé ; que le ministre se borne à faire valoir que cette demande a fait l'objet d'une nouvelle décision de rejet sous une forme implicite et n' a pas donné suite à la demande de la cour de céans tendant à la communication des motifs de ladite décision ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner au MINISTRE DE L'INTERIEUR de statuer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, par une décision écrite motivée sur la demande de M. X..., sous astreinte de 500 F par jour de retard ;
Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction que le MINISTRE DE L'INTERIEUR a procédé au mandatement en faveur de M. X... de la somme de 5.000 F due, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en exécution dudit jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme qu'il demande ;
Article 1er : Le recours n 99PA02845 du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint au MINISTRE DE L'INTERIEUR de statuer par une décision écrite motivée sur la demande de M. X... tendant à l'abrogation de la mesure d'interdiction d'accès du territoire français dont il fait l'objet, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 F par jour de retard.
Article 4 : La demande présentée par M. X... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99PA02845;00PA01280
Date de la décision : 18/01/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU DES ARTICLES 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979 - DECISION RESTREIGNANT L'EXERCICE DES LIBERTES PUBLIQUES OU - DE MANIERE GENERALE - CONSTITUANT UNE MESURE DE POLICE.

ETRANGERS - ENTREE EN FRANCE.


Références :

Code de justice administrative L911-4, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L911-4, L8-1
Décret du 06 mai 1995 art. 3, art. 4, art. 6
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1, art. 3, art. 4
Ordonnance du 02 novembre 1945 art. 5


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. SCHILTE
Rapporteur public ?: M. BARBILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-01-18;99pa02845 ?
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