(1ère chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 janvier 1999, présentée pour la société LAGRANGE, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège , par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société LAGRANGE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9616270/7 en date du 22 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision du 22 mars 1996 du préfet de Paris lui refusant une dérogation en vue de l'affectation à usage commercial d'un appartement de 108 m sis, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 24 avril 1996 dirigé contre la décision du 22 mars 1996 ;
2 ) d'annuler ces décisions ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la construction et de l'habitation ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2001 :
- le rapport de Mme BOSQUET, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société GRANGE,
- et les conclusions de M. BARBILLON, commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui ... - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des 2 et 5 alinéa de l'article 6 de la loi n 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public" ; que l'article 3 de la même loi dispose : "la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ;
Considérant que la société LAGRANGE avait demandé au préfet de Paris une dérogation pour affecter à un usage professionnel des locaux d'habitation dans un immeuble sis; que cette dérogation lui a été refusée par une décision en date du 22 mars 1996 ;
Considérant que cette décision, qui doit être regardée comme un refus d'autorisation est, en admettant même qu'elle énonce suffisamment les considérations de droit qui la fondent, motivée par la seule mention de l'importance des besoins en logements non satisfaits à Paris ; que cette énonciation est dépourvue de toute précision quant aux éléments de fait retenus par le préfet de Paris pour statuer sur la demande de la société LAGRANGE ; que, si la décision vise l'avis défavorable du maire de Paris en date du 23 octobre 1995, si le maire a motivé son refus dans une lettre adressée le 8 juillet 1996 à la société LAGRANGE et si le préfet a explicité les motifs de son refus dans sa réponse du 29 août 1996 au recours gracieux qui lui avait été adressé, ces documents ne permettent pas de suppléer à l'insuffisance de motivation de la décision du 22 mars 1996 ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du préfet de Paris ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement, ensemble la décision attaquée ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-2 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé" ;
Considérant qu'il convient, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions en impartissant au préfet de Paris un délai d'un mois pour prendre la nouvelle décision qui lui incombe ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la ville de Paris à verser à la société LAGRANGE une somme de 6.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 1998, ensemble la décision du préfet de Paris en date du 22 mars 1996, sont annulés.
Article 2 : Le préfet de Paris statuera dans un délai d'un mois sur la demande qui lui a été présentée par la société LAGRANGE.
Article 3 : La ville de Paris versera à la société LAGRANGE une somme de 6.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.