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18/10/2001 | FRANCE | N°99PA01005

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 18 octobre 2001, 99PA01005


(1ère chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 avril 1999, présentée pour la société SADE CGTH, dont le siège social est situé ... (8ème), représentée par son représentant légal en exercice, par la SCP TETAUD LAMBARD JAMI, avocat ; la société SADE CGTH demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 2 février 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser une somme de 736.237,32 F à l'établissement public Aéroports de Paris en réparation des dommages qu'elle a causés à divers équipements d'une centrale f

rigorifique de l'aéroport d'Orly ;
2 ) à titre principal, de rejeter la demande...

(1ère chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 avril 1999, présentée pour la société SADE CGTH, dont le siège social est situé ... (8ème), représentée par son représentant légal en exercice, par la SCP TETAUD LAMBARD JAMI, avocat ; la société SADE CGTH demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 2 février 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser une somme de 736.237,32 F à l'établissement public Aéroports de Paris en réparation des dommages qu'elle a causés à divers équipements d'une centrale frigorifique de l'aéroport d'Orly ;
2 ) à titre principal, de rejeter la demande présentée par Aéroports de Paris devant le tribunal administratif de Versailles, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la condamnation mise à charge et d'ordonner une expertise ;
3 ) de condamner Aéroports de Paris à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement attaqué, avec les intérêts de droit à compter du jour du paiement, et à lui payer la somme de 25.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'aviation civile ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2001 :
- le rapport de M. JARDIN, premier conseiller,
- les observations de la SCP TETAUD-LAMBARD-JAMI, avocat, pour la société SADE CGTH et celles de la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Aéroports de Paris,
- les conclusions de M. BARBILLON, commissaire du Gouvernement,

- et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 5 octobre 2001 par Aéroports de Paris, par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Sur la condamnation prononcée à l'encontre de la société SADE CGTH :
Considérant que la société SADE CGTH relève appel du jugement du 2 février 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi par le directeur général de l'établissement public Aéroports de Paris d'un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à l'encontre de ladite société le 11 septembre 1996, l'a condamnée à payer une indemnité de 736.237,32 F, avec les intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1998, sur le fondement de l'article L.282-14 du code de l'aviation civile ;
Sur la régularité de la procédure et l'amnistie :
Considérant qu'il y a lieu de rejeter par adoption des motifs retenus par le premier juge les moyens tirés par la société requérante, d'une part, de l'irrégularité de procédure que constitue la notification du procès-verbal après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article L.13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, d'autre part, de l'amnistie de la contravention qui découle de ce que la notification régulière du procès-verbal n'a été effectuée que plus d'un an après la constatation de l'infraction ;
Sur la contravention :
Considérant que l'article L.282-5 du code de l'aviation civile, qui fait partie de la section II du chapitre II, intitulé "Protection des aérodromes, des aéronefs au sol et des installations à usage aéronautiques", du Titre VIII du Livre II dudit code, dispose : "Si un procès-verbal est dressé pour constater, sur un aérodrome ou dans l'un des lieux visés à l'article L.213-1, des dégradations ou l'exécution d'ouvrages ou de travaux pouvant porter atteinte à la sécurité de la navigation aérienne ou entraver l'exploitation des services aéronautiques, l'autorité compétente visé à l'article L.282-6 peut adresser aux contrevenants une mise en demeure pour leur enjoindre de cesser les travaux et, le cas échéant, de rétablir les lieux dans leur état initial" ; qu'aux termes de l'article L.282-14 dudit code, qui fait partie de la section IV du chapitre dans lequel est inclus l'article L.282-5 précité : "Dans le cas où les infractions aux dispositions du présent chapitre ont porté atteinte à l'intégrité du domaine public ou à sa conservation, les autorités énumérées à l'article L.282-6 saisissent le tribunal administratif territorialement compétent, au besoin, en cas d'urgence, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code des tribunaux administratifs. Le tribunal administratif dispose de tous les pouvoirs reconnus au juge des contraventions de grande voirie pour assurer la réparation des atteintes portées au domaine public ( ...)" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 11 septembre 1996, à l'occasion de travaux de fouille du sol entrepris par la société SADE CGTH dans l'emprise de l'aéroport d'Orly à la demande de la Compagnie Générale des Eaux (C.G.E.) pour rechercher les causes d'une fuite détectée sur le réseau d'eau chaude dudit aéroport, ont été endommagés des câbles électriques de télécontrôle reliant l'automate de la centrale frigorifique qui produit l'eau glacée nécessaire à la climatisation de l'ensemble des bâtiments de l'aéroport, y compris la tour de contrôle, au "PC informatique", situé dans un local distinct, regroupant les équipements de télécommande du système de climatisation ; que le court-circuit consécutif aux dommages subis par les câbles a occasionné la destruction ou la détérioration de divers équipements de la centrale frigorifique ; que la société SADE CGTH, régulièrement poursuivie sur le fondement des dispositions combinées des articles L.282-5 et L.282-14 du code de l'aviation civile, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation de son éventuelle responsabilité devrait s'effectuer, compte tenu de l'irrégularité de la procédure de contravention de grande voirie, selon les règles de la responsabilité pour faute et que les conditions d'application de celles-ci ne sont pas réunies en l'espèce ; Considérant que la société SADE CGTH fait valoir qu'Aéroports de Paris a commis une faute lourde assimilable à son égard à un cas de force majeure en l'autorisant à reprendre ses travaux sans l'informer de la localisation des câbles endommagés, au cours d'une réunion tenue le 9 septembre 1996 en présence des exploitants des divers réseaux implantés dans le sol de l'aéroport et d'un agent d'Aéroports de Paris, et en ne prenant aucune mesure pour que de telles informations lui soient transmises postérieurement à cette réunion ; qu'il résulte de l'instruction qu'un agent d'Aéroports de Paris, le 6 septembre 1996, constatant que la société SADE CGTH exécutait des travaux de terrassement sans avoir déposé de déclaration d'intention de commencement de travaux, lui a demandé d'y mettre un terme en lui signalant la présence de réseaux souterrains dans la zone où ils étaient entrepris ; que le rapport d'incident d'exploitation rédigé par la C.G.E., qui est le seul document produit par la société requérante à l'appui de ses allégations, contestées par Aéroports de Paris, ne suffit à démontrer ni l'existence de la prétendue réunion du 9 septembre 1996, qui n'y est pas mentionnée, ni celle d'une autorisation de reprise des travaux donnée à la société à cette date, dès lors qu'il se borne à énoncer qu'un agent d'Aéroport de Paris a été informé de l'intention de reprise des travaux ; que la réalité de la faute lourde reprochée à l'établissement public Aéroports de Paris ne peut dans ces conditions être tenue pour établie ; que ne constitue pas davantage une telle faute l'absence de grillage avertisseur protégeant les câbles endommagés ;
Sur la réparation des dommages causés au domaine public :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'état détaillé du préjudice dressé le 13 mai 1998 par Aéroports de Paris, que la somme de 736.237,32 F mise à la charge de la société SADE CGTH par le premier juge correspond au coût de remplacement des câbles endommagés, à concurrence de 104.560 F, à celui de l'acquisition et de l'installation d'équipements informatiques, y compris des logiciels, et de postes de commande, qui s'élève à la somme globale de 486.535 F, et à des frais de coordination et de sous-traitance, évalués forfaitairement à 145.142,32 F ;
Considérant que les biens mobiliers que constituent les équipements informatiques et les postes de commande susmentionnés, alors qu'il n'est pas établi que leurs caractéristiques différeraient de celles de biens semblables utilisés pour faire fonctionner la centrale frigorifique du système de climatisation d'un ensemble de bâtiments appartenant à une personne privée, ne peuvent être regardés comme faisant partie du domaine public d'Aéroports de Paris ; que les atteintes à leur intégrité ne peuvent dès lors être réparées dans le cadre de la procédure prévue par les dispositions combinées des articles L.282-5 et L.282-14 du code de l'aviation civile ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif a mis à la charge de la société SADE CGTH la somme de 486.535 F et celle de 145.142,32 F, correspondant à des frais de coordination et de sous-traitance exposés pour l'acquisition et l'installation de biens ne faisant pas partie du domaine public d'Aéroports de Paris ;
Considérant, en revanche, s'agissant du coût de remplacement des câbles endommagés, dont l'appartenance au domaine public d'Aéroports de Paris n'est pas contestée, que la société requérante ne saurait, dès lors qu'il appartient en l'espèce au juge administratif de faire application des règles relatives à la réparation des atteintes portées au domaine public réprimées par une contravention de grande voirie, réclamer une réduction de la somme prise à sa charge pour prendre en compte l'état de vétusté desdits câbles ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la société SADE CGTH est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles, par le jugement attaqué, l'a condamnée à payer la somme de 736.237,32 F à l'établissement public d'Aéroports de Paris ; que cette somme doit être ramenée à 104.560 F ;
Sur les conclusions tendant à la restitution des sommes versées pour l'exécution du jugement attaqué :
Considérant que la société SADE CGTH n'apporte aucune justification du montant des sommes versées pour l'exécution du jugement attaqué ; que les conclusions susanalysées ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur les conclusions d'Aéroports de Paris tendant à la capitalisation des intérêts :

Considérant que, dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 28 septembre 2001, Aéroports de Paris demande la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif lui a accordée, échus au 28 février 2000 et au 28 février 2001 ; que ces conclusions, en l'absence de demande présentée à ces deux dates, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a en revanche lieu, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, d'ordonner la capitalisation des intérêts au 28 septembre 2001, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, dès lors qu'il était dû au moins une année d'intérêts à cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, repris à l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Aéroports de Paris doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Aéroports de Paris à verser la somme de 6.000 F à la société SADE CGTH au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que la société SADE CGTH a été condamnée à payer à l'établissement public Aéroports de Paris par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 2 février 1999 est ramenée de 736.237,32 F à 104.560 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 2 février 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Aéroports de Paris paiera une somme de 6.000 F à la société SADE CGTH au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SADE CGTH est rejeté.
Article 5 : Les intérêts afférents à l'indemnité de 104.560 F échus le 28 septembre 2001 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 6 : Les conclusions d'Aéroports de Paris tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99PA01005
Date de la décision : 18/10/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DELIMITATION - DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL - BIENS NE FAISANT PAS PARTIE DU DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE - FAITS CONSTITUTIFS.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Code de l'aviation civile L282-14, L282-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L13, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JARDIN
Rapporteur public ?: M. BARBILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-10-18;99pa01005 ?
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