Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 21 juin 2000 au greffe de la Cour, présentés pour la société SEBRENTH, dont le siège est ..., par la SCP Guiguet-Bachellier-de la Varde, société d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société SEBRENTH demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 9700450 en date du 23 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 1994 et des pénalités y afférentes ;
2) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ;
Vu le code territorial des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2004 :
- le rapport de Mme HELMLINGER, premier conseiller,
- les observations de Me X... de la VARDE, avocat, pour la société SEBRENTH,
- et les conclusions de M. BATAILLE, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la vérification de la comptabilité :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la vérification de comptabilité de la société SEBRENTH s'est déroulée dans ses locaux, entre le 20 juin et le 19 septembre 1995 ; que la seule circonstance que le vérificateur ait adressé, le 29 août 1995, une demande d'informations écrite à ladite société, au demeurant remise en mains propres à son gérant , ne saurait suffire à établir qu'elle a été privée des garanties qu'elle tenait des dispositions des articles 957 et 962 du code territorial des impôts, lesquelles ont pour objet d'assurer au contribuable, au lieu de son entreprise, des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant que le délai de huit jours imparti à la société ne saurait être regardé comme insuffisant pour lui permettre de répondre à cette demande ; que la circonstance qu'elle ne mentionnait pas explicitement que les renseignements ainsi recueillis pourraient servir à établir les redressements, n'a pu vicier la régularité d'une procédure dont l'objet est précisément de rechercher si les résultats déclarés doivent ou non être redressés ;
En ce qui concerne l'absence de consultation d'un organisme de conciliation et d'arbitrage :
Considérant que la société requérante conteste, par voie de l'exception, la légalité des dispositions du code territorial des impôts relatives à la procédure de redressement contradictoire en tant qu'elles n'ont pas prévu la possibilité de saisir un organisme de conciliation et d'arbitrage comprenant des représentants des contribuables ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 9 novembre 1988 susvisée, en vigueur à la date à laquelle le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a procédé, aux termes de sa délibération n° 17/CP du 15 novembre 1989, à la codification de la réglementation territoriale en matière fiscale : Le territoire est compétent dans les matières suivantes : 1° Les impôts, droits et taxes perçus dans le territoire... ;
Considérant que cette disposition donnait pleine compétence au Congrès de la Nouvelle-Calédonie pour déterminer les règles régissant la procédure d'imposition sur le territoire, dans le respect de la Constitution et des principes généraux du droit, sans qu'il soit tenu, ainsi que le soutient la société requérante, de transposer les règles prévalant en France métropolitaine ; qu'en tant qu'elles ne prévoient pas la consultation d'un organisme de conciliation et d'arbitrage, à l'instar de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les dispositions du code territorial des impôts susmentionnées n'ont méconnu aucun principe de valeur constitutionnelle, ni aucun principe général du droit ;
Sur la charge de la preuve et le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 1101 du code territorial des impôts : Lorsqu'un contribuable relevant d'un régime réel d'imposition a fait l'objet d'une reconstitution de résultats selon la procédure de redressement contradictoire, la charge de la preuve incombe toutefois au contribuable lorsque la comptabilité présentée comporte de graves irrégularités ; la charge de la preuve concernant les graves irrégularités invoquées par l'administration incombe néanmoins à cette dernière. Il en est de même à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu. Les graves irrégularités ou le défaut de présentation sont constatées par procès-verbal que le contribuable est invité à contre-signer. Mention est faite de son refus éventuel ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, aux termes de son jugement avant dire droit du 13 août 1998, que la comptabilité de la société SEBRENTH était dépourvue de toutes pièces justificatives présentant le détail journalier de ses recettes déclarées ; que cette absence de pièces justificatives doit être regardée comme une grave irrégularité au sens des dispositions précitées de l'article 1101 ;
Considérant que les prescriptions dudit article relatives à l'établissement d'un procès-verbal ne constituent pour l'administration qu'une simple faculté destinée à lui faciliter l'administration de la preuve ; que, dès lors, la circonstance que celle-ci n'ait pas établi un tel procès-verbal ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal administratif, après avoir constaté l'irrégularité de la comptabilité de la société, lui assigne, en application de l'article 1101, la charge d'établir l'exagération des impositions établies à l'issue de la reconstitution de ses résultats opérée par l'administration ;
Considérant que la société requérante ne rapporte pas la preuve que la méthode utilisée par l'administration aux termes de laquelle elle a reconstitué les taux de marge brute et les a appliqués aux achats revendus par la société SEBRENTH, distingués selon les quatre secteurs d'activité de l'entreprise , tabac-presse, bar-brasserie, restaurant et discothèque, aurait été excessivement sommaire ;
Considérant que si la société réitère ses critiques exposées en première instance tenant à la ventilation des fûts de bière de contenance différente entre le secteur bar-brasserie et le secteur discothèque et à l'absence de prise en compte par le vérificateur du fait que les colas entrant dans la préparation de cocktails étaient revendus à prix coûtant, ces deux critiques manquent en fait, l'administration en ayant tenu compte avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, et même dès la notification de redressement pour la seconde ;
Considérant, enfin, que la critique dirigée à l'encontre de l'expertise quant à la ventilation de certaines marques de whisky entre le secteur bar-brasserie et le secteur discothèque repose sur de simples allégations et n'est assortie d'aucune justification précise ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SEBRENTH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 1994 et des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions de la société SEBRENTH tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à la société SEBRENTH la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SEBRENTH est rejetée.
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N° 00PA00957
Classement CNIJ : 46-01-06
C+