Vu enregistré le 20 juillet 2001 au greffe de la cour, le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 9518643/1 en date du 26 février 2001 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a d'une part prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1988 et la réduction du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1989 et, d'autre part, condamné l'Etat à leur verser une somme de 10 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de décider que M. et Mme X seront rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu à raison des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée par le tribunal ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement litigieux ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2005 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'un examen de leur situation fiscale personnelle M. et Mme X, de nationalité libanaise, ont été imposés d'une part au titre des années 1988 et 1989 à raison de revenus d'origine indéterminée s'élevant respectivement à 26 373 270 F et 11 646 028 F sur le fondement des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et d'autre part au titre de l'année 1989 à raison de revenus de capitaux mobiliers d'un montant de 11 896 F ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relève appel du jugement du 26 février 2001 en tant que, par cette décision, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions résultant de l'imposition de revenus d'origine indéterminée ; que M. et Mme X forment pour leur part appel incident de ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;
Sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des...justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés... ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : Les demandes... de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois ; qu'enfin aux termes de l'article L. 69 : ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes... de justifications prévues à l'article L. 16 ;
Considérant que, par une lettre en date du 15 juillet 1991, adressée à leur représentant fiscal en France désigné en application de l'article 164 D du code général des impôts, l'administration a demandé à M. et Mme X de lui fournir dans un délai de deux mois des justifications sur l'origine et la nature de crédits figurant sur leurs comptes bancaires au cours des années 1988 et 1989 ; que ce courrier exposait d'abord les raisons pour lesquelles M. et Mme X pouvaient être, selon le vérificateur, regardés comme imposables en France et demandait ensuite des justifications portant sur 63 crédits figurant sur 12 comptes différents pour l'année 1988 et sur 54 crédits figurant sur 11 comptes bancaires pour l'année 1989 ; que, par une lettre du 2 septembre 1991, le mandataire des époux X, contestait tout d'abord, de manière motivée, que ceux-ci soient imposables en France et demandait ensuite à l'administration de lui accorder un délai supplémentaire de réponse pour produire les justifications demandées sur les crédits bancaires ; que, compte tenu notamment de la difficulté, pour le mandataire, de réunir pendant cette période les éléments de justifications requis, du nombre de crédits et de comptes bancaires concernés et de l'existence d'une première réponse sur la question de la domiciliation fiscale à laquelle la première partie de la demande de justification était consacrée, la demande de délai supplémentaire ne peut en l'espèce être regardée comme dilatoire, nonobstant la circonstance qu'aucun début de justification n'ait encore été produit et qu'il ne soit pas établi que des recherches aient été encore entreprises à cette fin ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le service n'avait pu, sans tenir compte de la demande de prorogation formulée par le représentant de M. et Mme X, procéder immédiatement à la taxation d'office des crédits sur lesquels portaient les demandes de justification, sans que l'administration, qui n'était d'ailleurs pas tenue d'accorder la totalité du délai supplémentaire d'au moins deux mois sollicité, puisse utilement se prévaloir de ce que la prescription du droit de reprise des impositions dues le cas échéant au titre de l'année 1988 était acquise au 31 décembre 1991 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme X en conséquence de la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée ;
Sur l'appel incident de M. et Mme X :
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'aucune cotisation d'impôt sur le revenu ne peut être mise à la charge de M. et Mme X sur la base des seuls revenus de capitaux mobiliers de 11 896 F perçus au cours de l'année 1989 ; que la réduction de base d'imposition prononcée par le tribunal administratif conduisait dès lors à une décharge de l'imposition établie au titre de cette année ; que l'appel incident de M. et Mme X est dès lors sans objet et, partant, irrecevable ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
Article 2 : L'appel incident de M. et Mme X est rejeté.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 01PA02380