Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2005, présentée pour M. Farid X, demeurant ..., par Me Dodier ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0507735/8 du 11 juin 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2005 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 2 janvier 2006 par laquelle le Président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par les articles L. 776-1 et R. 222-33 du code de justice administrative à Mme Sichler ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :
- le rapport de Mme Sichler, magistrat délégué,
- les observations de Me Dodier, pour M. X,
- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 28 février 2005, de la décision du préfet de police du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré régulièrement en France en décembre 1993, vit maritalement depuis plus de trois ans avec une compatriote en situation régulière, mère de trois enfants français ainsi que d'une petite fille âgée d'un an et demi, née de leur union ; qu'il n'est pas contesté qu'il participe à l'éducation et à l'entretien de ces enfants ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. X, de la stabilité déjà acquise à la date de l'arrêté de reconduite, des relations avec sa concubine, et enfin de l'intérêt de sa présence pour sa famille, l'arrêté du 27 avril 2005 prononçant la reconduite à la frontière de M. X porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît ainsi les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 11 juin 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 27 avril 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.
Article 2 : Le préfet statuera sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
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N° 05PA02887