Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2005, présentée pour M. Moustapha X, demeurant chez M. Y, ..., par Me Derôme ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°05-09329, en date du 5 juillet 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à titre principal, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 26 avril 2005, du préfet de police, ordonnant sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision du même jour fixant le pays de renvoi, et, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler jusqu'à l'issue du réexamen de la demande, et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné le sursis de la mesure de reconduite à la frontière jusqu'à la décision définitive à intervenir concernant la régularité du séjour ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler jusqu'à l'issue du réexamen de la demande ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner le sursis de la mesure de reconduite à la frontière jusqu'à la décision définitive à intervenir concernant la régularité du séjour ;
5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et frais ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative aux réfugiés et le protocole signé à New-York, le 31 janvier 1967 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n°46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la Cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à M. Bernardin ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir, au cours de l'audience publique du 9 février 2006, présenté son rapport et entendu :
- les observations de Me Derôme, pour M. X,
- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ; qu'il est constant que M. X, de nationalité ivoirienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 8 mars 2005, de la décision du 28 février 2005 par laquelle le préfet de police lui a refusé un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée qui permet au préfet de reconduire à la frontière un étranger en situation irrégulière ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que, par arrêté n°2004-18200 du 6 décembre 2004, régulièrement affiché et publié le 7 décembre 2004 au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, signé du préfet de police, ce préfet a donné lui-même à M. Z, administrateur civil, sous directeur de l'administration des étrangers, délégation pour signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 26 avril 2005, par lequel le préfet de police a décidé la reconduite à la frontière de M. X, aurait été signé par une personne incompétente, manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que l'arrêté litigieux qui mentionne expressément que M. X s'est maintenu plus d'un mois après la notification, le 8 mars 2005 du refus du titre de séjour qu'il avait demandé et qui vise l'article L. 511-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, comporte l'exposé des faits et les considérations de droit qui lui servent de fondement à cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé, manque également en fait ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits ou libertés d'autrui.» ;
Considérant que M. X fait valoir qu'arrivé en octobre 2000 en France, ayant été régulièrement admis au séjour pendant presque deux ans sans qu'aucun trouble à l'ordre public ne puisse lui être reproché, et ayant fait preuve d'une grande volonté d'insertion par son travail, sa connaissance de la langue française, et le paiement de ses impôts et taxes, il vit à Paris avec sa femme et leur enfant né en août 2003, lequel comprend et parle le français et uniquement le français ; que M. X précise que le refus de renouvellement de son titre de séjour et a fortiori sa reconduite à la frontière, rendrait sa famille sans ressources ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. et Mme X, cette dernière étant elle-même en situation irrégulière au regard du séjour, et en l'absence de circonstance empêchant les deux époux d'emmener leur enfant avec eux en Côte d'Ivoire, pays dont ils ont tous deux la nationalité, le refus de renouvellement du titre de séjour de M. X et la mesure de reconduite prise en conséquence n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie personnelle et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels, ils ont été pris ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, et publiée par décret du 8 octobre 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, la seule circonstance qu'un refus de titre de séjour ou une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un des parents, puisse de fait, affecter la situation d'un enfant, ne saurait avoir pour conséquence que doive être regardée comme concernant cet enfant au sens des dispositions précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, une mesure qui n'est pas prise pour des motifs tenant audit enfant et dont l'objet est étranger à sa situation juridique ; que, par suite, le moyen tiré des stipulations sus rappelées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est donc, même si on doit regarder ces dispositions comme directement applicables en droit interne, inopérant à l'encontre du refus de renouvellement du titre de séjour de M. X, ou de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'au surplus, et en tout état de cause, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au fait que M. X et sa famille peuvent poursuivre leur vie familiale ailleurs qu'en France et notamment en Côte d'Ivoire, en l'absence de circonstance empêchant M. et Mme X d'emmener leur enfant avec eux dans ce pays dont ils ont tous deux la nationalité, les stipulations sus rappelées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, n'ont pas été méconnues tant par le refus de renouvellement de son titre de séjour opposé à M. X, que par l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de celui-ci ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (…) » ;
Considérant que s'il est constant que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a, les 20 septembre 2002, 3 septembre 2003 et 14 septembre 2004, reconnu que l'état de santé de M. X nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, dans le dernier de ses avis, du 14 septembre 2004, cette autorité médicale a, à la différence des deux avis qu'elle avait émis antérieurement, estimé que M. X pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'en se bornant à faire état des conditions dans lesquelles M. X avait été admis au séjour jusqu'au 2 septembre 2004 en raison de son état de santé, et en se référant au rapport hebdomadaire du 17 juillet 2005 du bureau des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires, M. X n'établit pas que compte tenu de l'évolution de son état de santé, il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces au dossier que, comme le soutient M. X, en procédant à l'examen de la situation de ce dernier, le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne tenant pas compte, notamment pas compte de son état de santé qui nécessite des soins permanents, lesquels ne sauraient être administrés dans son pays d'origine ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) » ; que l'article L. 312-1 du même code dispose que : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) » ; que l'article L. 312-2 précise que « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 ou L. 431-3, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que le requérant n'établissant ni même n'alléguant utilement qu'il remplissait effectivement de telles conditions, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « … Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » ; que ledit article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une reconduite à la frontière, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant, toutefois, que si M. X qui demande expressément l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, en raison de la méconnaissance par le préfet de police de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soutient qu'en raison de la situation actuelle en Côte d'Ivoire, l'accès au soin et la mise en place d'un suivi médical sont illusoires dans ce pays, et que, de ce fait, les soins qu'il pourrait recevoir en Côte d'Ivoire risqueraient d'entraîner des mutilations ou sa mort, et qu'il encourt donc des risques pour sa vie et son intégrité physique, ce qui est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'établit pas par la seule production du rapport hebdomadaire du 17 juillet 2005 du bureau des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires, les risques d'être soumis à la torture ou exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, en cas de retour dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 26 avril 2005, par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière, et la décision fixant le pays de renvoi, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
Sur les autres conclusions de M. X :
Considérant, en premier lieu, que les conclusions de M. X, aux fins d'injonction au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X demande à titre subsidiaire, en appel comme en première instance, de surseoire à la mesure de reconduite à la frontière jusqu'à la décision définitive à intervenir concernant la régularité du séjour ; que, toutefois, le juge des reconduites à la frontière, qui est soumis à une procédure dérogatoire établie, notamment pour les délais de jugement, par les dispositions des articles L. 512-2 et L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait, sans méconnaître sa compétence, faire droit à de telles conclusions ;
Considérant, en troisième lieu, que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peut être condamné aux entiers dépens et frais, comme le demande M. X ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 05PA03656