Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2003 au greffe de la cour, présentée pour la SARL MAGASIN LEOGITE dont le siège social est situé à Uturoa RCS 1990B, enseigne Magasin Z, par Me USANG, avocat ; la SARL MAGASIN LEOGITE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200162 en date du 3 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 ainsi que la décharge des cotisations d'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et de la contribution des patentes réclamée pour les années 1998 à 2000 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de lui accorder la somme de 5000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi organique n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 23 juin 2006 :
- le rapport de Mme Evgenas, rapporteur,
- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur la régularité de la procédure :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté 4494 AA du 22 décembre 1983 rendant exécutoires les délibérations 83-197 et 83-198 du 15 décembre 1983 :
Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 12 juillet 1977, applicable à la date d'adoption de la délibération n° 83-198 du 15 décembre 1983 : « Dans toutes ses fonctions, le haut-commissaire est assisté par un secrétaire général nommé par décret, auquel il peut déléguer tout ou partie de ses attributions et qui le supplée de plein droit en cas d'absence ou d'empêchement… » ; que l'article 64 de la même loi disposait : « Le haut-commissaire promulgue les lois et décrets dans le territoire après en avoir informé le Conseil de gouvernement. Il assure leur exécution… » ; qu'aux termes de l'article 65 de la même loi : « Le haut-commissaire … rend exécutoire, par arrêté, les délibérations de l'Assemblée territoriale dans un délai de trente jours à compter de la date où il en est saisi… » ;
Considérant que la délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française n° 83-198 du 15 décembre 1983, de laquelle sont issues les dispositions du code des impôts, applicables au présent litige, relatives au contrôle fiscal, a été rendue exécutoire par un arrêté du haut-commissaire en date du 22 décembre 1983, signé par délégation par le secrétaire général ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que MM X, haut-commissaire, et Y, secrétaire général, ont été nommés dans leur emploi respectivement par décrets du 6 janvier 1983 et du 3 juin 1983 ; qu'ils étaient habilités à exercer les fonctions afférentes à leur emploi dès la signature des décrets en cause ; que, par suite, à la supposer établie, la circonstance que ces décrets n'auraient pas été promulgués ni publiés en Polynésie française est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 22 décembre 1983 ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté du haut-commissaire donnant délégation de signature à M. Y a été publié au Journal officiel de la Polynésie française, dans l'édition du 5 juillet 1983 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions mêmes de l'article 63 de la loi du 12 juillet 1977 que le haut-commissaire peut déléguer toutes ses attributions au secrétaire général ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délégation de signature consentie par M. X à Y était générale et portait sur la totalité des attributions du haut-commissaire ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL MAGASIN LEOGITE n'est pas fondée à soutenir qu'en raison de l'illégalité de l'arrêté du 22 décembre 1983, les délibérations n°83-197 et n° 83-198 du 15 décembre 1983 ne sont pas exécutoires et que le contrôle dont elle a fait l'objet est par conséquent dépourvu de base légale ;
En ce qui concerne la légalité de la délibération n°83-198 du 15 décembre 1983 portant modification et complétant le code des impôts :
Considérant que la SARL MAGASIN LEOGITE fait valoir que la délibération susvisée du 15 décembre 1983 porte atteinte à la protection des documents comptables et n'offre pas de garantie suffisante au respect du secret professionnel ;
Considérant, en premier lieu , que la possibilité de procéder à des vérifications de comptabilité ou de se faire communiquer des documents comptables, soit auprès du contribuable, soit auprès de tiers, est inhérente au pouvoir de contrôle en matière fiscale transféré au territoire de la Polynésie française par les articles 62 et 44 de la loi du 12 juillet 1977 et par les lois ultérieures portant statut du territoire de la Polynésie française ; que par suite, la SARL MAGASIN LEOGITE n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité porte atteinte à la protection des documents comptables, protection qui, au demeurant, n'est édictée par aucun texte à l'encontre du service des contributions ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'administration pourrait, dans le cadre des opérations de contrôle de l'impôt, violer le secret professionnel est sans incidence sur les impositions en litige dès lors qu'en l'espèce aucun renseignement couvert par le secret professionnel n'a été utilisé au cours de la vérification de comptabilité et que la SARL MAGASIN LEOGITE n'allègue ni n'établit qu'une telle violation aurait été commise ;
En ce qui concerne la compétence des agents du territoire et celle de l'inspecteur des impôts qui a diligenté la procédure de vérification de comptabilité :
Considérant que pour contester la compétence des agents du territoire et celle de l'inspecteur des impôts qui a diligenté la procédure de vérification de comptabilité, la SARL MAGASIN LEOGITE se borne à reprendre les moyens exposés en première instance ; que par suite, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter cette contestation ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité dirigée contre l'article 412-1 du code des impôts :
Considérant que contrairement à ce que soutient la SARL MAGASIN LEOGITE, l'article 412-1 du code des impôts qui prévoit que « la vérification fait l'objet, au moins quinze jours à l'avance, de l'envoi d'un avis de vérification mentionnant la période sur laquelle porte la vérification… » laisse un délai suffisant au contribuable pour assurer le respect des droits à la défense ; qu'en outre, la SARL MAGASIN LEOGITE n'allègue ni ne justifie qu'au titre de la vérification de comptabilité litigieuse, elle n'aurait pas bénéficié d'un délai suffisant pour assurer ses droits à la défense ; que par suite, sa contestation est sans incidence sur les impositions en litige et doit être rejetée ;
En ce qui concerne le défaut d'envoi d'un avis de vérification de comptabilité :
Considérant que la SARL MAGASIN LEOGITE fait valoir que « sauf erreur aucun avis de vérification de comptabilité n'a été envoyé », reprenant ainsi le moyen exposé en première instance ; que par suite, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ce moyen ;
En ce qui concerne le moyen selon lequel le code des impôts ne fixe aucune limite à la durée du contrôle fiscal :
Considérant que la SARL MAGASIN LEOGITE n'allègue pas que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ait porté atteinte à ses droits du fait de sa durée, ; que par suite sa contestation est sans incidence sur la validité des impositions en litige et doit être écartée ;
En ce qui concerne l'absence de notification de la charte du contribuable vérifié :
Considérant que la SARL MAGASIN LEOGITE se borne à reprendre le moyen exposé en première instance selon lequel, en Polynésie française, l'absence de notification de la charte du contribuable vérifié porte atteinte aux droits à la défense ; par suite, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ce moyen ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure de taxation d'office :
Considérant que pour contester la régularité de la procédure de taxation d'office, la SARL MAGASIN LEOGITE se borne à reprendre les moyens exposés en première instance ; par suite, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ces moyens ;
En ce qui concerne la violation du secret professionnel et du principe d'indépendance des procédures :
Considérant qu'en retenant dans les bases imposables de la SARL MAGASIN LEOGITE au titre de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et de la contribution de solidarité territoriale, une créance détenue sur la société MAGASIN LEOGITE dont elle avait eu connaissance dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette dernière société, l'administration n'a pas porté atteinte secret professionnel ni méconnu le principe d'indépendance des procédures ; que par suite la contestation de la société requérante doit être écartée ;
Sur le bien fondé :
S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
Considérant que la SARL MAGASIN LEOGITE ayant été régulièrement taxée d'office au titre des exercices 1998 à 2000, il lui appartient d'établir l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration conformément aux dispositions de l'article 413-3 du code des impôts ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération n°83-197 du 15.12.1983 relative à l'impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu 'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;
Considérant que les dispositions de la loi du 12 juillet 1977 et celles des lois ultérieures portant statut de la Polynésie française, transférant au territoire le pouvoir de fixer les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature, ont pour objet d'assurer en Polynésie française le paiement des impôts ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'existe donc aucune contrariété entre ces dispositions législatives et les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme » ;
En ce qui concerne la méthode de reconstitution des produits :
Considérant que pour contester la méthode de reconstitution des produits retenue par l'administration et l'application d'un coefficient de 1,30 ramené à 1,28, la SARL MAGASIN LEOGITE se borne à reprendre son argumentation exposée en première instance ; que par suite, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ces moyens ;
En ce qui concerne la remise en cause de la déduction de la rémunération de Mme Z :
Considérant que pour remettre en cause la déduction de la rémunération versée à Mme Z, l'administration a retenu qu'en contravention avec l'article 113-5 du code des impôts, la salariée n'était pas immatriculée à un régime de protection sociale du territoire ; que pour contester ce redressement, la SARL MAGASIN LEOGITE excipe de l'illégalité de la délibération n°74-22 du 14 février 1974 instituant un régime d'assurance maladie en ce qu'elle serait contraire au principe d'égalité dès lors que les non salariés ne seraient pas soumis à un même régime ; que toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que des règles différentes soient appliquées à des catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes ; que si la SARL MAGASIN LEOGITE excipe également de l'illégalité de l'arrêté du 28 septembre 1956 qui crée la caisse chargée de la gestion des prestations, cette contestation est sans incidence sur la validité des impositions en litige qui ne résultent pas de l'application de ce texte ;
S'agissant des impositions à l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, la contribution de solidarité territoriale et les contributions de patente :
Considérant que si la SARL MAGASIN LEOGITE invoque l'illégalité des délibérations instituant ces impositions, elle ne développe aucune argumentation permettant d'apprécier le bien fondé de sa contestation ; que par suite, celle-ci doit être rejetée ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne les intérêts de retard :
Considérant que pour contester l'application des intérêts de retard, la SARL MAGASIN LEOGITE se borne à reprendre le moyen exposé en première instance ; que par suite, il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ce moyen ;
En ce qui concerne la majoration de 40 % :
Considérant que l'administration a fait application de la majoration de 40% prévue par l'article 511-10 du code des impôts « dans le cas de la taxation d'office prévue pour les contribuables ….dont la comptabilité n'a pas été reconnue régulière et probante « ; que par suite, n'ayant pas appliqué les majorations pour mauvaise foi, la SARL MAGASIN LEOGITE ne saurait utilement soutenir que le service n'a ni motivé ni établi sa mauvaise foi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL MAGASIN LEOGITE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande ;
Sur l'amende pour recours abusif :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : «Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros » ;
Considérant que la requête d'appel de la SARL MAGASIN LEOGITE présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de la condamner à payer une amende de 3 000 euros ;
Sur les conclusions de la SARL MAGASIN LEOGITE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le président du gouvernement de la Polynésie française qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante verse à la SARL MAGASIN LEOGITE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL MAGASIN LEOGITE est rejetée.
Article 2 : La SARL MAGASIN LEOGITE est condamnée au paiement d'une amende pour recours abusif de 3000 euros.
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N° 03PA03568