Vu la requête enregistrée le 14 janvier 2005 au greffe de la cour, présentée pour la société GRAMMONT LIMITED ayant son siège social à Gainsboro X..., ... 2 IRELAND par Me Z..., avocat ; la société GRAMMONT LIMITED demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0000567 en date du 8 décembre 2004 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 par avis de mise en recouvrement du 9 juillet 1999 ainsi que le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont pour 200 710 F, de constater, enfin, qu'en matière d'impôt sur les sociétés, ses pertes s'élèvent à 409 327 F en 1995, 95 337 F en 1996 et 692 705 F en 1997 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 15 000 euros (100 000 F) au titre de dommages et intérêts et une somme de 9147 euros en remboursement de ses frais extra judiciaires ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue le 21 mars 1968 entre la France et l'Irlande ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 23 juin 2006 :
- le rapport de Mme Evgenas, rapporteur,
- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de l'établissement secondaire situé à Paris de la société GRAMMONT LIMITED, société de droit irlandais, portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, l'administration a écarté la comptabilité comme non probante et a déterminé le chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée à partir des encaissements figurant sur les comptes bancaires ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été notifiés le 3 septembre 1998 selon la procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 et selon la procédure de redressement contradictoire pour l'année 1997 ; que la société GRAMMONT LIMITED demande la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ainsi que le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont pour 200 710 F, et de constater qu'en matière d'impôt sur les sociétés, ses pertes s'élèvent à 409 327 F en 1995, 95 337 F en 1996 et 692 705 F en 1997 ; qu'elle demande, en outre, la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts et une somme de 9147 euros en remboursement de ses frais extra judiciaires ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant que par l'ordonnance attaquée en date du 8 décembre 2004 le vice-président du tribunal administratif de Paris a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de la société GRAMMONT LIMITED dès lors que la société avait été radiée du registre du commerce et des sociétés le 24 août 2000 et qu'ainsi elle n'avait plus d'existence légale ni de représentant qui pouvait agir en son nom ; que toutefois, il est constant que la société GRAMMONT LIMITED est une société de droit irlandais dont le siège social est établi à Dublin ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'extrait du registre du commerce et des sociétés que le bureau de représentation situé 13 Place des Vosges à Paris, immatriculé à compter du 17 juin 1996 à titre secondaire, a été radié le 24 août 2000 par suite de cessation complète d'activité ; que dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la seule circonstance que son bureau de représentation immatriculé en France ait été radié du registre du commerce et des sociétés ne permettait pas de retenir que, la société GRAMMONT LIMITED, société établie en Irlande, n'avait plus d'existence légale ni de représentant pouvant agir en son nom ; qu'elle peut donc prétendre à l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'ensemble de la demande et de la requête de la société GRAMMONT LIMITED ;
Sur la recevabilité des conclusions de la société GRAMMONT LIMITED :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : « (…) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de sa réclamation préalable en date du 12 juillet 1999, la société GRAMMONT LIMITED n'avait demandé que la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés par l'avis de mise en recouvrement du 9 juillet 1999 ; que par suite, l'administration est fondée à soutenir que les conclusions portant sur des impositions différentes et visant un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont pour 200 710 F et la détermination de l'impôt sur les sociétés des années 1995 à 1997 sont irrecevables ; que lesdites conclusions doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des droits supplémentaires de TVA réclamés par l'avis de mise en recouvrement du 9 juillet 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur le chiffre d'affaires les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » ; qu'aux termes de l'article 259 du même code : Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle » ; que l'article 2 . 9° de la convention fiscale conclue le 21 mars 1968 entre la France et l'Irlande stipule : « Le terme « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires où une entreprise exerce tout ou partie de son activité. Constituent notamment des établissements stables : un siège de direction, une succursale, un bureau... » ;
Considérant que la société GRAMMONT LIMITED dispose d'un local situé ..., domicile de la gérante Mme de Y..., et qui a été immatriculé « à titre secondaire » au registre du commerce et des sociétés à compter du 17 juin 1996 ; qu'il résulte de l'instruction que la gérante dispose des pouvoirs les plus étendus et est notamment habilitée à passer les contrats et dispose de la signature bancaire ; que l'établissement dresse une comptabilité selon le régime recettes-dépenses qui est tenue par un cabinet comptable situé à Paris ; qu'il dispose d'un compte bancaire à Paris et que les relevés sont expédiés à l'adresse Place des Vosges ; que l'administration indique sans être utilement contestée que les courriers, fax, contrats portent en en tête l'adresse de Paris et que les fournisseurs adressent leurs factures à cet établissement ; qu'elle relève également que les contrats signés avec les agents chargés des placements financiers précisent qu'ils disposent de salles de travail à Paris et que de fortes consommations téléphoniques ont été relevées à partir des sept lignes dont dispose cet établissement ; que dans ces conditions, cet établissement à partir duquel la société GRAMMONT LIMITED exerce son activité doit être regardé comme un établissement stable au sens de l'article 259 du code général des impôts et de la convention fiscale franco-irlandaise ; que la circonstance que la société requérante dispose également de bureaux à Dublin est sans incidence ; que l'administration est donc fondée à soutenir que la société requérante entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 259 et que les prestations de services qu'elle réalise sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant toutefois que la société GRAMMONT LIMITED fait valoir que les bénéficiaires de ses prestations sont principalement établis aux Etats-Unis et invoque les dispositions de l'article 259 B du code général des impôts qui disposent que : « … par dérogation aux dispositions de l'article 259 les prestations suivantes (…) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables ; (…) 6° Opérations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance, à l'exception de la location de coffres-forts ; (…) 8° Prestations des intermédiaires qui interviennent au nom et pour le compte d'autrui dans la fourniture des prestations de services désignées au présent article ; (…) ne sont pas imposables en France, même si le prestataire est établi en France, lorsque le bénéficiaire est établi hors de la Communauté économique européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté » ;
Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ;
Considérant que Mme de Y..., gérante, a indiqué, lors de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, que la société exerçait une activité principale qualifiée de conseil portant sur la mise à disposition de « connaissances et d'un savoir faire » pour des sociétés américaines mais également françaises afin de leur permettre de réaliser leurs objectifs d'implantation ou de coopération avec des tiers et une activité annexe d'intermédiation bancaire portant sur des opérations de titres entre des établissements de crédit ; qu'elle a produit deux contrats conclus avec les sociétés américaines VISCORP et USPC respectivement en date du 14 mars 1995 et du 3 mai 1996 et deux contrats conclus avec des sociétés françaises en novembre 1996 et juillet 1997 leur proposant un accord d'agent de vente d'actions émises par ces sociétés pour leur développement ; que toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la notification de redressement du 3 septembre 1998 que seules 2 factures pour des clients établis en France ont été présentées et que si des versements de commissions de sociétés de bourse, au demeurant établies en France, ont été constatés sur les comptes bancaires, aucun récapitulatif émanant de ces sociétés n'a été présenté ; que dans ces conditions, la société GRAMMONT LIMITED qui se borne à se référer à l'objet social mentionné dans ses statuts, rédigés au demeurant en anglais et ne produit aucun document probant permettant d'apprécier la nature de l'activité exercée, l'identité du preneur et la localisation de la prestation, ne saurait prétendre qu'elle pourrait bénéficier des dérogations prévues par l'article 259 B du code général des impôts ; que pour les mêmes motifs elle ne saurait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 261 C e du code pour « les opérations, autres que celles de garde et de gestion portant sur les actions (…) » ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a estimé que la société GRAMMONT LIMITED qui disposait d'un établissement stable en France était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 259 du code général des impôts ; que par suite, la société requérante ne saurait prétendre que la procédure de taxation d'office dont elle a fait l'objet pour défaut de dépôt des déclarations requises en matière de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article L. 66.3° du livre des procédures fiscales au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 est irrégulière ; que le moyen tiré de ce que l'administration aurait dû l'inviter à désigner un représentant fiscal en France qui concerne la procédure de taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés prévue par l'article L. 72 du livre précité est inopérant ;
Considérant que la société GRAMMONT LIMITED n'est donc pas fondée à prétendre à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 par avis de mise en recouvrement du 9 juillet 1999 ;
Sur les conclusions à fin de condamnation de l'Etat verser des dommages et intérêts et des frais extra judiciaires :
Considérant que la société GRAMMONT LIMITED n'établit l'existence d'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard ; que ces conclusions ne peuvent, dès lors, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance en date du 8 décembre 2004 du vice-président du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande et la requête de la société GRAMMONT LIMITED sont rejetées.
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N° 05PA00151