Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-18514 en date du 16 février 2006, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé sa décision du 9 août 2004 décidant la reconduite à la frontière à destination du Pakistan, de M. Simon X ;
2°) de rejeter la demande aux fins d'annulation de ladite décision, présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;
…………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative aux réfugiés et le protocole signé à New-York, le 31 janvier 1967 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en tant que de besoin, l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2006, par laquelle le président de la Cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à M. Bernardin, premier conseiller ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir, au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006, présenté son rapport et entendu
- les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête du PREFET de POLICE :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative relatif aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière : « Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa. » ; qu'aux termes de l'article 642 du nouveau code de procédure civile : « Tout délai expire le dernier jour à 24 heures. Le délai qui expirerait normalement ... un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris, en date du 16 février 2006, a été notifié dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa du code de justice administrative, au PREFET DE POLICE qui en a accusé réception le vendredi 17 février 2006 ; que le délai d'un mois prévu par les dispositions sus rappelées de l'article R. 776-20 du code de justice administrative étant un délai franc, le délai imparti au PREFET DE POLICE pour faire appel du jugement attaqué qui expirait normalement le samedi 18 mars 2006, jour chômé, s'est trouvé prorogé jusqu'au lundi 20 mars 2006, en application des dispositions précitées du nouveau code de procédure civile ; que la télécopie par laquelle le PREFET DE POLICE a indiqué son intention de faire appel du jugement en cause, ayant été enregistrée à 11 heures et 11 minutes, le lundi 20 mars 2006, premier jour ouvrable suivant le jour chômé où expirait normalement le délai d'appel, et dernier jour du délai imparti pour contester ce jugement, sa requête devant le juge d'appel est recevable ;
Sur l'intérêt du PREFET de POLICE à faire appel :
Considérant que si, à la suite du dépôt par M. X d'une quatrième demande de statut de réfugié, le PREFET DE POLICE lui a délivré, par erreur semble-t-il, le 28 mars 2006, un récépissé se bornant à constater le dépôt de cette demande de statut de réfugié à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la délivrance de ce récépissé n'implique pas, quand bien même il mentionne qu'il vaut autorisation de séjour valable jusqu'au 27 juin 2006, que le PREFET DE POLICE aurait entendu, en délivrant ledit récépissé, abroger l'arrêté du 9 août 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, ainsi que la décision du même jour décidant sa reconduite vers son pays d'origine ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que la requête du PREFET DE POLICE est devenue de ce fait, sans objet ;
Sur le bien-fondé de la décision du 9 août 2004 fixant le Pakistan comme pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile repris de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de la décision attaquée : « … Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » ; que ledit article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques dès lors que dans ce dernier cas les autorités concernées ne veulent pas ou ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ; que, toutefois, la protection que lesdites dispositions instituent ne saurait être utilement invoquée par un étranger pour échapper à des poursuites pénales entreprises légalement par les autorités judiciaires de son pays d'origine ;
Considérant, d'une part, qu'en faisant état du climat général de violence et de persécution qui prévaut au Pakistan et que subirait la communauté catholique à laquelle il appartient, de la part de groupes religieux islamistes, et de l'aggravation de cette vague de violence avec la radicalisation de ces mouvements depuis 2001, M. Simon X, ne justifie pas qu'il serait personnellement exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine, du fait des menaces que font peser sur les minorités chrétiennes, sous le regard complaisant des autorités publiques de ce pays musulman à 97% de sa population, qui ne leur accordent aucune protection et où le blasphème est passible de peines allant jusqu'à la condamnation à mort ;
Considérant, d'autre part, que M. Simon X soutient être l'objet, dans le contexte de persécutions sus rappelé, d'un mandat d'arrêt et présenter suite à divers sévices du fait de sa foi religieuse, une cicatrice sur la langue corroborant ses déclarations ; que, toutefois, si l'article 295-C du code pénal de la République islamique du Pakistan punit de mort toute personne ayant tenu des propos de nature à offenser le nom du saint prophète, aucune pièce du dossier ne permet d'établir la réalité des faits et risques pour sa personne allégués par M. Simon X, lequel se limite à invoquer le fait qu'il est chrétien dans un pays musulman où le blasphème peut être puni de mort, sans toutefois faire état d'éléments suffisamment précis attestant que lui-même est poursuivi à ce titre ; qu'en particulier, il ne ressort pas du dossier que M. X, dont la demande de statut de réfugié a été rejetée quatre fois par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé par trois fois par la commission des recours des réfugiés, et qui est retourné dans un passé récent au Pakistan, où sa famille et notamment sa femme et ses enfants résident, et avec les autorités duquel il entretient des relations normales, aurait été menacé par des fondamentalistes musulmans ou qu'il serait poursuivi par les autorités pour des propos considérés comme blasphématoires à l'encontre de l'islam ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui a repris les termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de la décision attaquée, ou des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ces dispositions pour prononcer l'annulation de la décision fixant le Pakistan comme pays de destination ;
Considérant que, tant devant le tribunal administratif que devant la cour, M. Simon X ne soulevait aucun autre moyen à l'appui de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination ; que, dès lors, il résulte de tout ce qui précède que le PREFET de POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 16 février 2006 en tant que, par ce jugement, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 9 août 2004 fixant le Pakistan comme pays de destination de la reconduite à la frontière ordonnée le même jour à l'encontre de M. Simon X ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. Simon X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : L'article 1er du jugement en date du 16 février 2006, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris, est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Paris par M. Simon X tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2004, par laquelle le PREFET de POLICE a désigné le Pakistan comme pays de destination de la reconduite et ses conclusions présentées devant la cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
2
N° 06PA01068