Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2006, présentée pour M. Rachid X, élisant domicile ..., par Me Séverine Werthe-Talon ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-18277 du 8 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2004 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière sur le fondement de l'article 22-I-3° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire, mention vie privée et familiale, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative aux réfugiés et le protocole signé à New-York, le 31 janvier 1967 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;
Vu la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en tant que de besoin, l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifiée, à M. Bernardin ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006, présenté son rapport et entendu :
- les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ; qu'il est constant que M. Rachid X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 15 avril 2004, de la décision du préfet de police en date du 6 avril 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la mesure d'éloignement de M. X :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l 'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 ;5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin-chef du service médical de la préfecture de police. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé » ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin-chef d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ; qu'il appartient ainsi au médecin inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour prendre sa décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 2 mars 2004, le médecin-chef de la préfecture de police s'est borné à affirmer que si l'état de santé de M. X nécessitait une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pourrait en bénéficier dans son pays d'origine ; qu'il n'a assorti cet avis d'aucune précision quant au degré de gravité de l'état de santé de l'intéressé ou à la nature des traitements suivis par celui-ci alors même qu'il résultait d'un avis rendu un an plus tôt que M. Rachid X ne pouvait avoir accès dans son pays d'origine à un traitement approprié ; qu'il n'a ainsi pas fourni toutes les précisions qu'il lui incombait de donner, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1999 ; que, par suite, l'avis étant incomplet, le préfet de police n'a pu statuer au vu des informations qui lui étaient nécessaires sur la demande de titre de séjour temporaire dont il était saisi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation de M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de réexaminer la situation de M. Rachid X et de prononcer à nouveau dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction tendant à la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant qu'en dehors du cas prévu par l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'ainsi les conclusions de M. X tendant à la délivrance d'un titre de séjour sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 8 février 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 9 août 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.
Article 2 : Le préfet statuera sur la situation de M. X dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 06PA01120