Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 3 août 2005, présentée pour la société REGIESCO, domiciliée chez M. X, ..., par Me Belot, avocat ; la société REGIESCO demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9917472/1-2 du 21 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1991, 1992 et 1993 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la même période, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2007 :
- le rapport de Mme Dhiver,
- les observations de Me Belot, pour la société REGIESCO et M. Hubert X,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société REGIESCO, qui exerce une activité d'édition publicitaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 1991,
31 décembre 1992 et 31 décembre 1993, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par la présente requête, la société REGIESCO relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices 1991 à 1993 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la même période ; que l'ancien gérant de la société, M. X, qui a été tenu solidairement responsable d'une partie des impositions réclamées à la société REGIESCO, s'est associé en cours d'instance aux conclusions de cette dernière ;
Sur l'impôt sur les sociétés ;
En ce qui concerne les sommes inscrites en comptabilité à titre de commissions à des agents commerciaux et de charges locatives :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) » ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis, notamment des factures, portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en aurait retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que les éléments produits ne sont en réalité pas probants, le contribuable pouvant dans ce cas encore démontrer qu'il a effectivement bénéficié de la livraison de bien ou de la prestation de service ayant donné lieu à la déduction en cause ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration a réintégré dans les résultats des trois exercices en litige les sommes respectives de 994 793 F, 1 844 776 F et 3 167 254 F, inscrites en comptabilité comme des commissions versées à des agents commerciaux indépendants ; que le vérificateur a relevé les nombreuses anomalies dans les factures, dont certaines ont été établies par la société REGIESCO elle-même, qui ne comportaient ni signature de l'intermédiaire ni numérotation ainsi que les imprécisions des bons d'insertion matérialisant la commande passée par le client qui, non datés et ne comportant ni numéro ni identification de l'agent commercial, ne permettaient aucun rapprochement avec les factures ; que l'administration a également relevé l'absence de contrat écrit entre la société REGIESCO et les démarcheurs et souligne le défaut d'inscription de certains démarcheurs au registre spécial de commerce des agents commerciaux ; qu'elle démontre ainsi le caractère non probant des factures produites ; qu'en se bornant à faire état de conventions verbales avec les démarcheurs, de l'absence d'infrastructure professionnelle des démarcheurs indépendants et en produisant quelques bons d'insertion, la société REGIESCO et M. X n'établissent pas que les sommes en litige auraient le caractère de commissions versées en contrepartie de prestations commerciales ;
Considérant, en second lieu, que l'administration n'a pas admis le caractère de charge déductible de la facture d'un montant de 258 500 F HT établie par la société Sampro le
22 décembre 1992 portant sur la location par la société REGIESCO de bureaux situés dans le même immeuble que son siège pendant 110 journées au cours de l'année 1992 ; que la société REGIESCO indique avoir loué ces locaux pour le recrutement, l'information et la formation d'agents commerciaux ; qu'eu égard au caractère fictif d'une partie importante des commissions versées en 1992, aux imprécisions relatives au recrutement des démarcheurs, à l'absence d'indication précise sur les sessions de formation et leur contenu, au nombre très important de journées de location et alors que la société ne produit aucun document justifiant de l'usage des locaux aux fins alléguées, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du défaut d'intérêt pour la société REGIESCO de prendre en charge cette dépense ;
En ce qui concerne les autres dépenses :
Considérant qu'aux termes du 5 l'article 39 du code général des impôts : « 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : …. e) cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité … Les dépenses énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise » ;
Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société REGIESCO de l'exercice 1992 la somme de 7 963 F correspondant à des frais d'un séjour à l'Ile Maurice ; qu'en se bornant à indiquer qu'il s'agit d'un cadeau consenti au secrétaire de son principal client et à indiquer sans davantage de précision le nom du bénéficiaire, la société REGIESCO ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que la dépense en cause a été engagée dans l'intérêt direct de son exploitation ; que l'administration a également réintégré, au titre de l'exercice 1992, les sommes de 5 985 F correspondant à un paiement à la bijouterie Serge et de 9 934 F correspondant aux frais d'un voyage à Saint Martin et, au titre de l'exercice 1993, la somme de 15 567 F correspondant à la location d'une propriété de vacances ; que, si la société REGIESCO soutient que ces sommes se rapportent à des cadeaux de fin d'année ainsi qu'à un voyage et à un séjour offerts au collaborateur le plus méritant, elle n'établit pas qu'il s'agit de dépenses de stimulation ; qu'en l'absence de toute précision, lesdites dépenses présentent un caractère de libéralités et ne sont pas déductibles du résultat ; que, de même, s'agissant des frais d'un montant de 2 090 F pour l'installation d'un téléphone dans le véhicule personnel de M. X en 1993, la société requérante, qui se borne à indiquer que le véhicule était utilisé pour un usage professionnel, ne démontre pas que la dépense a été engagée dans l'intérêt de l'entreprise ;
En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables … » ;
Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats imposables des exercices 1992 et 1993 les provisions d'un montant respectif de 518 941 F et 59 000 F constituées en vue de faire face à des créances douteuses ; qu'en se bornant à faire état d'un non paiement des créances et à indiquer qu'elle a engagé des procédures de recouvrement en 1995, lesquelles constituent un événement postérieur aux exercices en litige, la société REGIESCO n'apporte pas la preuve qui lui incombe, à défaut d'élément plus précis, du caractère douteux des créances ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de service ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ;
Considérant que l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de commissions des agents commerciaux, qui au demeurant n'étaient pas pour certains inscrits au registre spécial de commerce des agents commerciaux, d'un montant de 185 031 F au titre de l'exercice 1991, de 629 871 F au titre de 1992 et de 327 796 F au titre de 1993 ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration établit que lesdites factures constituent des factures fictives ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent (…) n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaire à l'exploitation » ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration établit que la location de locaux à la société Sampro n'était pas nécessaire à l'exploitation et que, par suite, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette facture n'est pas déductible ; que la société REGIESCO ne saurait non plus prétendre en tout état de cause à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la facture de la bijouterie Serge, laquelle se rapporte à une dépense qui présente un caractère de libéralité ;
Sur les pénalités :
Considérant que les redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux commissions versées à des agents commerciaux ont été assortis des pénalités de mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant, en premier lieu, que l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales fait obligation à l'administration de motiver, par écrit, les sanctions fiscales et de faire apparaître les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision ; que dans les notifications de redressement des 21 décembre 1994 et 26 avril 1995, le vérificateur relève que la société REGIESCO a comptabilisé sciemment de nombreuses factures d'agents commerciaux ne recouvrant aucune activité réelle et a déduit de manière abusive la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures ; que, par suite, l'administration a suffisamment motivé les pénalités au regard des exigences de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, qu'en se référant aux circonstances qui viennent d'être rappelées, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention de la société REGIESCO d'éluder l'impôt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, que la société REGIESCO et M. X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société REGIESCO ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société REGIESCO et de M. X est rejetée.
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N° 05PA03242