Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2007, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0308931/3-1 du 22 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accueilli le recours pour excès de pouvoir de l'Association Groupe Information Asiles tendant à l'annulation de la décision en date du 30 avril 2003 par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de modifier la charte d'accueil et de prise en charge des personnes conduites à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police en y inscrivant le droit d'accès à un avocat ;
2°) de rejeter la première demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par l'Association Groupe Information Asiles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu à New York le 16 décembre1966 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'arrêté n° 2002-11177 du 18 juillet 2002 relative à la prise en charge des personnes conduites à l'Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police ;
Vu l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 07 décembre 2007 :
- le rapport de M. Didierjean, rapporteur,
- les observations du représentant du PREFET DE POLICE et celles de Me Mayet pour l'Association Groupe Information Asiles,
- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique alors en vigueur : « Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. … Elle doit être informée dès l'admission … de sa situation juridique et de ses droits. En tout état de cause, elle dispose du droit : (…) 3º De prendre conseil …d'un avocat de son choix » ; qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du même code : « A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au représentant de l'Etat dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement. Ces arrêtés ainsi que ceux qui sont pris en application des articles L. 3213-2, L. 3213-4 à L. 3213-7 et les sorties effectuées en application de l'article L. 3211-11 sont inscrits sur un registre semblable à celui qui est prescrit par l'article L. 3212-11, dont toutes les dispositions sont applicables aux personnes hospitalisées d'office. » ; qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du même code « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures » ; qu'enfin aux termes de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales : « Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié ainsi que par les articles L. 2512-7, L. 2512-14 et L. 2512-17 » ; que selon l'article 35 de l'arrêté susvisé du 12 messidor an VIII : « Le préfet de police aura sous ses ordres les commissaires de police… » ;
Considérant en second lieu que le PREFET DE POLICE ayant créé, au sein de son administration, pour les besoins des missions dévolues aux commissaires de police par les dispositions précitées de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, une structure dénommée « Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police à Paris » (IPPP), destinée à assurer la rétention temporaire des personnes dont le comportement relève des troubles mentaux manifestes en vue d'une éventuelle mesure d'hospitalisation , il a, par son arrêté n° 2002-11177 du 18 juillet 2002 publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 30 juillet suivant, énoncé les droits et libertés des personnes reçues à l'IPPP ainsi que les conditions dans lesquelles elles y sont accueillies et prises en charges, dans une « charte d'accueil » affichée dans les locaux et dont les dispositions sont portées à la connaissance de ces personnes ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement du 22 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 30 avril 3003 refusant de compléter la dite charte pour y inscrire le droit des personnes reçues à l'IPPP de prendre conseil d'un avocat de leur choix ;
Considérant que les mesures provisoires que l'article L. 3212.2 du code de la santé publique autorise les maires et, à Paris, les commissaires de police, à prendre en urgence à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes ne sauraient constituer des mesures d'hospitalisation d'office du seul fait qu'elles ont pour effet de priver les intéressés de liberté sans qu'ils y aient consenti ; que le PREFET DE POLICE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué s'est fondé sur ce motif pour annuler sa décision de refus ;
Considérant cependant que l'obligation d'informer dès son admission la personne atteinte de troubles mentaux hospitalisée sans son consentement de sa situation juridique et de ses droits, et notamment de celui de prendre conseil d'un avocat de son choix, telle qu'elle est prévue par l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, ne se limite pas aux seules hypothèses de l'hospitalisation sur demande d'un tiers et de l'hospitalisation d'office décidée par le PREFET, respectivement prévues aux articles L. 3212-1 et L. 3213-1 de ce code, mais s'étend à l'ensemble des mesures d'hospitalisation susceptibles d'être prises en application des dispositions des chapitres II et III du titre I du livre II de la troisième partie de ce code ; que par suite, si les mesures provisoires qu'autorise à prendre l'article L. 3213-2 pendant une durée ne dépassant pas 48 heures conduisent à interner l'intéressé sans son consentement dans une structure, quel qu'en soit le statut, organisée pour administrer des soins médicaux à des malades mentaux, un tel internement, en dépit de sa très brève durée, constitue l'une des formes d'hospitalisation ouvrant droit, dès l'admission, à l'information prévue par l'article L. 3211-3 précité ;
Considérant que, selon les termes mêmes de la charte d'accueil des personnes conduites à l'IPPP et du règlement intérieur de cette infirmerie, respectivement annexés aux arrêtés n° 2002-1177 et 2002-1178 du PREFET DE POLICE en date du 18 juillet 2002, l'IPPP est un service public médico-légal qui, sous l'autorité d'un médecin chef assisté notamment de médecins psychiatres, est chargé de soigner, encadrer et surveiller les personnes dangereuses à cause des troubles mentaux qu'elles présentent, « afin de favoriser la sédation de leur état, le diagnostic médical et leur prise en charge thérapeutique » ; qu'ainsi l'admission à l'IPPP sur décision du commissaire de police prise sur le fondement de l'article L. 3213-2 constitue une mesure d'hospitalisation sans consentement au sens de l'article L. 3211-3 ; qu'il en résulte que les personnes conduites à l'IPPP doivent, dès leur admission, être informées de leur droit de prendre le conseil d'un avocat de leur choix ; qu'ainsi le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a annulé son refus de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de cette obligation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que l'association Groupe Information Asiles a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SELARL Mayet et Perrault, avocat de l'association, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros au profit de SELARL Mayet et Perrault, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : Le PREFET DE POLICE versera à la SELARL Mayet et Perrault, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 07PA00168