Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 9 et 31 octobre 2006, présentés par le PREFET DE POLICE, lequel demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-23544/05-11130/05-14707, en date du 28 juillet 2006, par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé ses décisions en date des 1er septembre 2004, 8 décembre 2004 et 25 mai 2005, en tant qu'elles refusent à M. Viktor X la délivrance d'une carte de séjour temporaire, ainsi qu'une décision du 25 mai 2005 imposant à M. X de se désister d'une requête, et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis, ainsi que la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. Viktor X devant le Tribunal administratif de Paris ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble et en tant que de besoin l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2008 :
- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X, de nationalité ukrainienne, sont entrés en France le 14 avril 2001, afin de rendre visite à leur fille unique, majeure et de nationalité française ; qu'en raison de son état de santé, Mme X a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour, valables du 2 janvier 2002 au 12 décembre 2002, puis d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », régulièrement renouvelée jusqu'au 3 juillet 2004 ; qu'en conséquence, le PREFET DE POLICE a accordé à son mari des autorisations provisoires de séjour, en qualité d'accompagnant d'étranger malade, également renouvelées dans les mêmes conditions ; que si, le 28 avril 2004, Mme X a sollicité le renouvellement de son titre de séjour afin de poursuivre ses soins en France, et si M. X sollicitait le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, par deux décisions en date du 1er septembre 2004, le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer les titres de séjour sollicités ; que toutefois, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a estimé le 18 octobre 2004, au vu des éléments nouveaux apportés par Mme X sur son état de santé, que la prise en charge médicale en France de cette dernière devait être poursuivie pour une durée de douze mois et, le 26 octobre 2004, que la présence de M. X auprès de son épouse était également justifiée pour une durée de douze mois ; que par décisions des 8 décembre 2004 et 25 mai 2005, le PREFET DE POLICE a délivré à ce dernier des autorisations provisoires de séjour qui lui ont permis de poursuivre son séjour en France jusqu'au 25 octobre 2005 ;
Considérant que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement en date du 28 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris après avoir joint les trois demandes dont il était saisi par M. X, a, d'une part, annulé les décisions en date des 1er septembre 2004, 8 décembre 2004 et 25 mai 2005, le concernant, en tant qu'elles portaient refus de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ainsi qu'une décision du 25 mai 2005 par laquelle l'administration aurait imposé à M. X la rédaction d'une lettre de désistement relative à la première demande dont il avait saisi le Tribunal administratif de Paris, et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis par celui-ci ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6-1 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 2003, alors applicable : « La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. » ; que si le PREFET DE POLICE, qui avait par sa décision du 1er septembre 2004 refusé de délivrer un titre de séjour de M. X, lui a délivré le 8 décembre 2004, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 25 avril 2005, cette mesure qui ne régularisait pas le séjour pour la période antérieure et qui n'a pas les mêmes effets qu'un titre de séjour ni ne donnait aucune garantie à l'intéressé d'obtenir le titre de séjour qu'il avait sollicité, n'a pas privé d'objet la première demande de M. X tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 1er septembre 2004 ; que, par suite, en refusant de prononcer un non-lieu sur la demande à fin d'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé le 1er septembre 2004 à M. X, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives (...) » ; qu'aux termes de l'article 19 de la même loi : « Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux demandes dont l'accusé de réception est régi par des dispositions spéciales. » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en dehors des cas où l'accusé de réception est régi par des dispositions spéciales, le délai de recours ne court à l'encontre d'une décision implicite de rejet que si la demande adressée à l'autorité administrative a fait l'objet d'un accusé de réception comportant les mentions exigées par l'article 1er du décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de la loi du 12 avril 2000 ;
Considérant que le PREFET DE POLICE n'établit ni même n'allègue qu'un accusé de réception de la demande de titre de séjour formée par M. X pour laquelle celui-ci avait d'ailleurs été convoqué en préfecture le 8 décembre 2004, mentionnant les voies et délais de recours, lui ait été adressé ou remis ; que, dès lors, les délais de recours contentieux n'étaient pas opposables à ce dernier, s'agissant de la décision préfectorale du 8 décembre 2004, dont il n'est pas contesté qu'elle ne faisait pas mention des voies et délais de recours ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas opposé de forclusion à la demande de M. X, d'annulation de la décision du 8 décembre 2004 en tant que cette décision comportait un refus de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait ;
Considérant, en troisième lieu, que le PREFET DE POLICE soutient que les conclusions aux fins d'indemnisation avaient été présentées prématurément par M. X, devant le Tribunal administratif de Paris, le 30 juin 2005 ; que, toutefois, le silence gardé par l'administration sur la réclamation, adressée le 24 juin 2005 au PREFET DE POLICE, a fait naître une décision implicite de rejet liant le contentieux, avant que ce dernier présente ses observations devant le tribunal aux fins de constater l'irrecevabilité desdites conclusions indemnitaires ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges, qui ont statué postérieurement au rejet implicite par l'administration de la réclamation à fin d'indemnisation présentée par M. X, étaient tenus de rejeter comme prématurées les conclusions indemnitaires de ce dernier ;
Considérant, enfin, que pour annuler la décision en date du 25 mai 2005 par laquelle le PREFET DE POLICE aurait imposé à M. X de se désister d'une de ses requêtes, les premiers juges ont fondé leur décision sur les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative qui dispose que « Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. » ; que, toutefois, il résulte des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE a adressé au tribunal, par télécopie, le 16 juin 2006, ses observations en défense qui ayant ensuite fait l'objet d'un envoi par courrier, ont été communiquées au conseil du requérant, le 19 juin 2006 ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE ne saurait être regardé comme ayant acquiescé aux faits ; que, dès lors, l'article 2 du jugement en date du 28 juillet 2006 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu sur ce point, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant que si M. X soutient que sa lettre de désistement du 25 mai 2005 révèle l'existence d'une décision de l'administration lui imposant de signer cet acte, en échange de la délivrance par l'autorité administrative d'une autorisation provisoire de séjour, cette allégation n'est pas assortie d'éléments suffisamment probants ; que, d'ailleurs, cette lettre de désistement n'a pas été produite par le PREFET DE POLICE devant le tribunal, à l'instance introduite à l'encontre de sa décision du 1er septembre 2004 ; qu'ainsi les circonstances de l'espèce ne révèlent pas l'existence d'une décision faisant grief ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. X à fin d'annulation de la décision en date du 25 mai 2005 par laquelle l'administration lui aurait imposé de se désister de la demande qu'il avait introduite le 19 octobre 2004 devant le Tribunal administratif de Paris, à l'encontre de la décision préfectorale du 1er septembre 2004 ;
Sur les conclusions du PREFET DE POLICE relatives à l'annulation de sa décision du 1er septembre 2004 :
Considérant, que le PREFET DE POLICE se borne à soutenir que les premiers juges auraient dû prononcer un non-lieu à statuer ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été précédemment indiqué, que les conclusions présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Paris, avaient conservé leur objet ; que, par suite les conclusions susanalysées du PREFET DE POLICE doivent être rejetées ;
Sur les conclusions du PREFET DE POLICE relatives à l'annulation de ses décisions du 8 décembre 2004 et 25 mai 2005, en tant qu'elles portent refus implicite de délivrer une carte de séjour temporaire à M. Viktor X :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, dont les dispositions sont, depuis le 1er mars 2005, codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats établis les 23 avril 2004, 28 septembre 2004 et le 29 juin 2005 par le médecin praticien attaché au service de médecine interne de l'hôpital Saint Antoine et par le chef de ce service, que Mme X, née le 25 août 1937, est suivie depuis l'été 2001 pour une méningo-radiculite complexe, mettant en danger son pronostic vital ; que le requérant produit en outre une attestation d'un praticien du centre hospitalier de la ville de Simféropol, en Ukraine, aux termes de laquelle ni les équipements permettant de réaliser les examens indispensables ni les médicaments administrés à Mme X ne sont disponibles en Ukraine ; qu'en tout état de cause, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a estimé le 18 octobre 2004 puis le 26 mai 2005 que Mme X ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé nécessitait son maintien en France pendant 12 mois et qu'en conséquence, le PREFET DE POLICE, a délivré à Mme X en raison de son état de santé, les 8 décembre 2004 et 15 septembre 2005, des cartes de séjour temporaires mention « vie privée et familiale » ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des attestations précitées établies par le médecin praticien attaché au service de médecine interne de l'hôpital Saint Antoine, que la présence de M. X auprès de son épouse est « justifiée » et « indispensable pendant toute la durée des soins » prodigués à celle-ci ; que, dans ces conditions, le PREFET de POLICE qui, par ces décisions en date des 8 décembre 2004 et 25 mai 2005, avait accordé à M. X des autorisations provisoires de séjour valables respectivement jusqu'au 25 avril 2005 et jusqu'au 25 octobre 2005, alors que celui-ci sollicitait, comme son épouse, une carte de séjour temporaire valide un an, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions en date des 8 décembre 2004 et 25 mai 2005 en tant qu'elles refusent une carte de séjour temporaire à M. X, et lui a enjoint de prendre une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour de M. X, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
Sur les conclusions du PREFET de POLICE relatives à l'indemnité accordée par le tribunal à M. Viktor X :
Considérant que les refus illégaux de délivrer à M. X le titre de séjour qu'il demandait sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices certains et directs qu'ils ont pu lui causer ; qu'en accordant à M. X les 8 décembre 2004 et 25 mai 2005 des autorisations provisoires de séjour lesquelles sont d'une nature juridique différente des cartes de séjour temporaires dont bénéficiait son épouse, qui rendaient son séjour plus précaire et qui lui interdisaient de travailler, les services préfectoraux lui ont causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; que, toutefois, dès lors que la réalité des pressions exercées par le service sur M. X afin d'obtenir qu'il se désiste de la première instance qu'il avait introduit le 19 octobre 2004 devant le Tribunal administratif de Paris, n'est pas établie, et que ce dernier ne démontre pas qu'il aurait eu, eu égard à son âge, des chances sérieuses d'obtenir un emploi, il y a lieu de ramener l'indemnité qui doit lui être allouée à 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 2005 est annulé.
Article 2 : La somme que l'Etat est condamné à verser à M. X est limitée à 500 euros (cinq cents euros).
Article 3 : L'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 2005 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Les conclusions de M. X présentées devant le tribunal administratif et dirigées contre la « décision » qui l'aurait contraint à signer un acte de désistement sont rejetées.
6
N° 06PA03567