Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 octobre 2010, présentée pour M. Lotfi A, demeurant ... par Me Terrel ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001097/3-2 du 15 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 28 décembre 2009 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011 :
- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum, (...) reçoivent après contrôle médical et sur présentation du contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention "salarié" (...). Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix... " ; que l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 et publié par le décret n° 2009-905 du
24 juillet 2009 stipule que " (...) 2.3. : Migration pour motifs professionnels (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention "salarié", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. (...) " ; que cette liste, intitulée "liste des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens", énumère 74 métiers, classés par secteur d'activité sans condition géographique ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
Considérant que les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 font obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que la liste fixant les conditions dans lesquelles la situation de l'emploi ne peut pas être opposée à un étranger est établie par métier et par zone géographique, et de celles de l'article L. 313-14 du même code, qui renvoient, en ce qui concerne la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" dans le cadre du régime d'admission exceptionnelle au séjour, audit article L. 313-10 ; que, par suite, lorsqu'il est saisi par un ressortissant tunisien d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié, le préfet est tenu de se prononcer sur cette demande au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008, même s'il lui est toujours loisible d'examiner également cette demande sur un autre fondement, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, a sollicité, le 23 novembre 2009, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et a présenté, à l'appui de sa demande, une promesse d'embauche pour un emploi de cuisinier : qu'en rejetant cette demande sur le fondement exclusif de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans se prononcer sur la situation du requérant au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008, le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 28 décembre 2009 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, qui est le seul, en l'état du dossier, qui apparaisse fondé et qui n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre un titre de séjour temporaire à M. A, les conclusions de celui-ci tendant à ce qu'il lui soit délivré un tel titre doivent être rejetées ; que le présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède au réexamen de la situation administrative de M. A dans un délai qu'il convient de fixer à un mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il le munisse, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1001097/3-2 du 15 septembre 2010 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 28 décembre 2009 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation administrative de M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour. Le préfet de police tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
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N° 08PA04258
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N° 10PA05034