Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2010, présentée pour M. Hameed Mohamed Ismael A, demeurant chez M. B ..., par Me Loffredo-Treille ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1017889/8 du 17 novembre 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 8 octobre 2010 décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le président de la Cour a désigné Mme Merloz, magistrat, pour se prononcer notamment sur les appels dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en application de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 9 septembre 2011, présenté son rapport et entendu :
- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Sur l'exception de nationalité :
Considérant que le requérant doit être regardé comme demandant à la Cour, à titre gracieux, de constater sa nationalité française par filiation paternelle ; qu'aux termes de l'article 29 du code civil : La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel ; que, par suite, ses conclusions sont irrecevables en tant que portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française ; que l'exception de nationalité ne constitue, en vertu des dispositions précitées de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui avait fait l'objet d'un refus de délivrance de certificat de nationalité le 6 juillet 1995, a sollicité, le 17 mars 2010, le réexamen de sa situation ; que, par courrier du 13 avril 2010, le greffier en chef du service de la nationalité des français établis hors de France a constaté qu'il ne produisait aucune pièce nouvelle de nature à revenir sur le rejet de sa demande initiale, qui avait été confirmé, après recours gracieux de l'intéressé, par avis du Garde des Sceaux ; que, le 16 mars 2009, le bureau de la nationalité avait d'ailleurs indiqué à M. A maintenir sa décision du 25 février 1999 ; que le greffier en chef précisait qu'il lui appartenait désormais de saisir le tribunal de grande instance compétent en matière de nationalité d'une action déclaratoire de nationalité ; qu'il n'est ni justifié ni même allégué que le requérant, qui est titulaire d'un passeport indien, aurait intenté une telle action, pourtant annoncée devant le premier juge ; qu'il se borne à produire en appel une traduction d'un bulletin scolaire de sa soeur qu'il n'aurait pas pu produire lors de sa demande de certificat de nationalité française et qui corroborerait ses dires ; qu'il suit de là que si la question de savoir si M. A est français par filiation a une influence sur la légalité de l'arrêté contesté, elle ne peut être regardée comme présentant une difficulté sérieuse relevant de la compétence judiciaire en application de l'article 29 du code civil ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est mentionné dans l'arrêté attaqué, M. A, ressortissant indien né le 29 août 1961, est entré régulièrement en France le 15 mai 2005 avec un passeport revêtu d'un visa Etats Schengen l'autorisant à séjourner en France pendant trente jours, valable du 26 avril au 28 mai 2005 ; qu'ainsi, l'arrêté de reconduite à la frontière dont il a fait l'objet le 8 octobre 2010 ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant toutefois que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait pu être prononcée ; qu'une telle décision relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;
Considérant qu'en l'espèce, l'arrêté contesté trouve son fondement légal dans les dispositions alors en vigueur du 2° du même article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1°, dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, M. A se trouvait dans la situation où, en application de ce 2°, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en dernier lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;
Considérant, en deuxième lieu, que par un arrêté n° 2010-00550 du 28 juillet 2010, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 3 août 2010, auquel s'est substitué l'arrêté n° 2010-00694 du 20 septembre 2010, publié le 24 septembre suivant, le préfet de police a donné à Mme Patricia Larrouy, attachée d'administration centrale relevant du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer, délégation pour signer notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière et les décisions fixant le pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté contesté comporte dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'ainsi, alors même qu'il a été rédigé à l'aide d'un formulaire pré-imprimé, il répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 7 octobre 2010, que l'épouse et les quatre enfants de M. A résident en Inde, pays où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il aurait trouvé un emploi en France et déclarerait ses revenus depuis 2006, l'arrêté du préfet de police du 8 octobre 2010 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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N° 10PA05856
Classement CNIJ :
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