Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1121037/5-2 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...B..., faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français et fixant son pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement attaqué et, dans l'attente, d'autoriser provisoirement M. B...au séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
..................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes du 26 septembre 1994, ensemble deux échanges de lettres ;
Vu la directive " retour " n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'avis du Conseil d'Etat n° 366481 du 7 mai 2013 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant que M.B..., né en 1982 au Mali, pays dont il a la nationalité, a sollicité auprès du préfet de police la régularisation de sa situation au regard du droit au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 24 octobre 2011, le préfet de police a rejeté cette demande, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement n° 1121037/5-2 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, dans cette attente, de l'autoriser provisoirement au séjour et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, le Tribunal administratif de Paris a considéré " qu'en se bornant, dans les motifs de la décision attaquée, à indiquer au requérant, qui faisait état, à l'appui de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de salarié, d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de monteur-tuyauteur en métallurgie et qui justifie d'une expérience de deux années dans ce domaine, que le seul fait de disposer d'un contrat de travail ne saurait constituer à lui seul un motif exceptionnel, que sa situation, appréciée notamment au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi auquel il postule et de l'ancienneté de son séjour en France, ne permet pas davantage de le regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel, sans préciser toutefois les éléments de fait, tels que la durée de l'expérience de l'intéressée, la nature de ses qualifications professionnelles, ou encore celle des spécificités de l'emploi justifiant que lui soit opposé un refus de titre de séjour, le préfet de police n'a pas, nonobstant la mention du métier postulé, satisfait à l'exigence de motivation posée par la loi du 11 juillet 1979 " ;
3. Considérant que le préfet de police a indiqué dans l'arrêté en litige que " le seul fait de disposer d'un contrat de travail ne saurait constituer à lui seul un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et que " la situation de M. A...B..., appréciée notamment au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi qu'il occupe et de l'ancienneté de son séjour en France, ne permet pas davantage de le regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article précité " ; qu'une telle motivation, qui atteste de la prise en compte par l'autorité compétente de l'ensemble des critères prévus par la loi pour la délivrance du titre de séjour sollicité dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, répond aux exigences de motivation posées par la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il s'ensuit que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 24 octobre 2011, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'insuffisance de motivation dont ledit arrêté serait entaché ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
5. Considérant qu'en vertu de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 15 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes du 26 septembre 1994 : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par la législation de l'État d'accueil. " ; que l'article 4 de cette même convention stipule que : " Pour un séjour de plus de trois mois, les nationaux maliens à l'entrée du territoire français et les nationaux français à l'entrée du territoire malien doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation " ; que l'article 5 de la même convention stipule que : " Les nationaux de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent, en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ et délivré : (...) / - en ce qui concerne l'entrée en France, par le consulat de France compétent, après un examen subi sur le territoire malien devant un médecin agréé par le consulat en accord avec les autorités maliennes. / 2. D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil " ; qu'enfin, l'article 10 de cette convention stipule que : " Pour tout séjour sur le territoire malien devant excéder trois mois, les nationaux français doivent posséder un titre de séjour. Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux maliens doivent posséder un titre de séjour. Ces titres de séjour sont délivrés et renouvelés conformément à la législation de l'Etat d'accueil " ;
6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations précitées que la convention franco-malienne renvoie, par son article 10, à la législation nationale pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour et que ses articles 4 et 5 se bornent, quant à eux, à régir les conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux Etats, de ceux des ressortissants de l'autre Etat qui souhaitent y exercer une activité salariée ; qu'il en va de même s'agissant de l'exercice d'une activité professionnelle, industrielle, commerciale ou artisanale, mentionnée à l'article 6 ; qu'ainsi, les ressortissants maliens souhaitant exercer une activité salariée en France doivent solliciter un titre de séjour en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le cas échéant sur le fondement de l'article L. 313-14 de ce code au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que, selon le 1° de l'article L. 313-10 du même code, la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable ;
9. Considérant que, si M.B..., célibataire et sans charge de famille, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali, où résident ses parents, soutient qu'il est présent sur le territoire français depuis plus de dix ans, qu'il parle le français et qu'il justifie d'une activité stable et pérenne dans un des métiers dits "sous tension" par le ministère chargé de l'emploi, ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, de regarder l'intéressé, qui, au demeurant, admet n'établir sa présence en France qu'à compter de septembre 2004, comme justifiant de motifs humanitaires ou exceptionnels au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant que M. B...fait valoir qu'il a produit un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de monteur-tuyauteur en métallurgie et qu'il justifie d'une expérience de deux années dans ce domaine ; que, toutefois, faute pour M. B...de disposer d'une qualification ou d'un diplôme spécifiques auxquels sa courte expérience professionnelle ne saurait suppléer, l'intéressé ne fait pas état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'un titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ;
11. Considérant qu'au regard des éléments susénoncés, c'est à bon droit que le préfet de police, qui, contrairement à ce que soutient le requérant n'était pas tenu de solliciter l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a refusé l'admission exceptionnelle au séjour de M.B... ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que le préfet de police n'a, en prenant la décision en litige, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant, ni porté atteinte au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale ; qu'il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré par M. B...de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant, enfin, que M. B...ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 24 novembre 2009 relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" au titre de l'admission exceptionnelle au séjour et des documents qui y sont annexés, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 transposant notamment les dispositions des articles 7 et 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ; qu'aux termes des dispositions du II de l'article précité : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " I - les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. " ; que si, en application de ces dispositions, l'obligation de quitter le territoire doit être motivée, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des dispositions de l'article 12 de la directive susmentionnée ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'arrêté litigieux indique précisément les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et vise expressément l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée au regard des exigences de la directive du 16 décembre 2008, doit être écarté ;
15. Considérant que, dès lors qu'en application de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seule l'obligation de quitter le territoire français sans délai est soumise à motivation, M. B...qui, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, disposait d'un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté contesté du préfet de police, ne peut utilement soutenir que ce délai devait être motivé ;
16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2011 et à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que le rejet de la demande de M. B...devant ce tribunal ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel présentées par M. B...aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1121037/5-2 du 29 mars 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
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N° 08PA04258
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N° 12PA01964