Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2013, présentée pour M. B... A...y Cirera, demeurant..., par Me D... ; M. A...y Cirera demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1013546/5-4 du 6 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui payer la somme de 1 266,49 euros au titre d'arriérés de ses traitements, la somme de
17 500 euros assortie des intérêts au taux légal au titre des préjudices financiers et la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation du préjudice moral qu'il aurait subi du fait de l'inertie et des manquements de son employeur ;
2°) de condamner la ville de Paris à lui verser lesdites sommes ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2014 :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant Me E...pour la ville de Paris ;
1. Considérant que M. A...y Cirera, agent de la ville de Paris depuis 1984, a été affecté, à compter du 1er avril 2003, à la piscine Didot dans le 14ème arrondissement de Paris, en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives 1ère classe ; qu'à la suite d'un accident survenu le 17 novembre 2008 et reconnu imputable au service, il a été placé en congé de maladie jusqu'au 30 août 2009, puis affecté à la piscine Elisabeth à compter du 1er septembre 2009, avant d'être réintégré dans ses fonctions à la piscine Didot à compter du 11 janvier 2010 ; que le requérant, recherchant la responsabilité pour faute de la ville de Paris, a demandé à être indemnisé des pertes de traitement subies en raison de son placement en congé de maladie ordinaire du 16 juin au 30 août 2009, de la prise en compte selon lui tardive par la ville de Paris des problèmes d'organisation de l'établissement où il était affecté, des frais occasionnés par l'intervention d'avocats à l'occasion de ces différends, ainsi que de la décision de mutation à la piscine Elisabeth ; qu'il demande en outre la réparation du préjudice moral relatif au harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de collègues de travail et de sa hiérarchie ; que
M. A...y Cirera relève appel du jugement n° 1013546/5-4 du 6 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
En ce qui concerne le préjudice lié aux dysfonctionnements de la piscine Didot :
2. Considérant que M. A...y Cirera demande la condamnation de la ville de Paris pour la faute résultant selon lui de son inertie face aux dysfonctionnements qu'il avait signalés à la piscine Didot où il était affecté ; que, comme l'ont relevé les premiers juges, le requérant, directement, par des courriers des 22 novembre et 27 décembre 2007, et, par l'intermédiaire de son conseil, par un courrier du 28 janvier 2008, a saisi à plusieurs reprises sa hiérarchie pour l'informer notamment du non-respect des horaires de travail par certains agents et dénoncer la discrimination dont il faisait l'objet dans l'établissement de son planning de travail par le chef de bassin ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une fois ces faits portés sa connaissance, la ville de Paris aurait tardé à réagir ; que, par un courrier du 24 avril 2008, le conseil du requérant admet que les agissements dénoncés ont cessé entre le courrier du 28 janvier 2008 et le 10 mars 2008, date à laquelle M. A...y Cirera a été reçu par la directrice de la jeunesse et des sports de la ville de Paris ; qu'en tout état de cause, le requérant ne justifie d'aucun préjudice financier en lien direct et certain avec la faute alléguée ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. A...y Cirera relatives à un préjudice lié à l'inertie de l'administration face aux dysfonctionnements de la piscine Didot doivent être rejetées ;
En ce qui concerne la réparation de l'illégalité alléguée de la décision de mutation à la piscine Elisabeth :
3. Considérant que M. A...y Cirera invoque l'illégalité de la décision de mutation à la piscine Elisabeth prise le 1er septembre 2009 pour rechercher la responsabilité fautive de la ville de Paris ; que, ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision ayant été rejetées par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 octobre 2011, non frappé d'appel, les conclusions tendant au versement d'une indemnité en réparation du préjudice financier lié à cette mutation ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne le préjudice résultant d'agissements constitutifs de harcèlement moral :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral (...) " ; qu'il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, si M. A...y Cirera demande à être indemnisé à hauteur de 5 000 euros du préjudice résultant du harcèlement moral dont il estime avoir été victime de la part de son supérieur direct et de ses collègues de la piscine Didot, les éléments de fait qu'il produit ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ; qu'en particulier, si les certificats médicaux produits au dossier mentionnent un état anxieux lié au stress, que M. A...y Cirera attribue à des pressions professionnelles, ils ne permettent pas à eux seuls de rendre compte d'une altération de l'état de santé de l'agent résultant de la dégradation de ses conditions de travail ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral imputables à des agents de l'établissement et de faute commise par l'administration pour avoir laissé de tels agissements se perpétrer, la responsabilité de la ville de Paris ne peut être engagée ; qu'il suit de là que les conclusions indemnitaires de M. A...y Cirera relatives à la réparation de son préjudice pour harcèlement moral ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les dépenses liées aux interventions des conseils de M. A...y Cirera :
6. Considérant que le requérant demande que les dépenses occasionnées par les interventions de ses conseils auprès de sa hiérarchie soient mises à la charge de la ville de Paris ; que, toutefois, la procédure précontentieuse laissait à l'intéressé la possibilité de saisir directement sa hiérarchie, sans l'intermédiaire d'un conseil ; qu'en tout état de cause, le requérant ne justifie pas, notamment par la production de documents relatifs aux rachats partiels effectués sur son assurance-vie, de la réalité des dépenses qu'il aurait engagées à ce titre ; que les conclusions de M. A...y Cirera tendant à l'indemnisation des dépenses liées aux interventions de ses conseils auprès de sa hiérarchie ne peuvent d'être lors qu'être rejetées ;
En ce qui concerne la perte de rémunération subie durant le congé de maladie à
demi-traitement du 16 juin au 30 août 2009 :
7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi susvisée du
26 janvier 1984, applicables aux fonctionnaires de la ville de Paris : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants.(...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite " ;
8. Considérant que, par un arrêté du 25 mars 2009, M. A...y Cirera a été placé par la ville de Paris en congé de maladie pour accident de service à l'épaule gauche du 20 novembre 2008 au 11 mars 2009 prolongé, par un arrêté du 5 août 2009, du 12 mars 2009 au 15 juin 2009, avec maintien de l'intégralité de son traitement pour les périodes considérées ; que, son état ayant été déclaré consolidé à la date du 15 juin 2009, la ville de Paris l'a placé en congé de maladie ordinaire du 16 juin au 30 août 2009, avec un traitement réduit de moitié compte tenu de ses arrêts de travail antérieurs à l'accident de service, lesquels étaient supérieurs à trois mois ;
9. Considérant que M. A...y Cirera demande à être indemnisé des pertes de traitement subies en raison de son placement en congé maladie ordinaire à demi traitement du
16 juin au 30 août 2009 en se prévalant d'un certificat médical daté du 29 mai 2009, prescrivant une prolongation d'arrêt de travail sur un formulaire "accident du travail, maladie professionnelle" ; qu'il résulte de l'instruction que le médecin statutaire du service médical saisi a considéré, en connaissance dudit certificat et à la suite d'une expertise médicale pratiquée le
15 juin 2009, que l'état de santé de l'intéressé était consolidé au 15 juin 2009 ; que, si cette date caractérise la fin de la période des soins destinés à améliorer l'état de la santé de l'intéressé, elle ne présume pas de l'aptitude de celui-ci à reprendre son service au sens des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; que le médecin statutaire du service médical a pris acte de ce que M. A...y Cirera était en congé de maladie à compter du 16 juin 2009 ; que la ville de Paris ne conteste pas que l'intéressé n'était pas en mesure de reprendre son service à cette date ; que la prolongation du congé de maladie de M. A...y Cirera, accordée pour douleurs musculaires du membre supérieur gauche et syndrome dépressif réactionnel, est réputée, en l'absence de toute contestation sérieuse de l'administration, imputable à son accident de service au bras gauche ; que c'est ainsi à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de M. A...y Cirera au motif que la consolidation de son état de santé au 15 juin 2009 permettait d'écarter à cette date tout lien avec l'accident de service du 17 novembre 2008 ; qu'il s'ensuit que M. A...y Cirera est fondé à soutenir qu'il avait droit à être maintenu en congé de maladie ordinaire avec le bénéfice de son plein traitement jusqu'à sa reprise de service ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...y Cirera est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation de la perte de rémunération subie durant son congé de maladie postérieur à la date de consolidation et rémunéré à demi traitement du 16 juin au 30 août 2009 et au versement de la somme non contestée de 1 266,49 euros au titre des traitements dus sur cette période ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à M. A...y Cirera d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A...y Cirera, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la ville de Paris la somme qu'elle demande sur le fondement de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La ville de Paris est condamnée à verser à M. A...y Cirera la somme de 1 266,49 euros au titre des traitements dus sur la période allant du 16 juin au 30 août 2009.
Article 2 : Le jugement n° 1013546/5-4 du 6 novembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La ville de Paris versera à M. A...y Cirera la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...y Cirera est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la ville de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 08PA04258
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N° 13PA00094