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15/12/2015 | FRANCE | N°14PA02108

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 15 décembre 2015, 14PA02108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fastjet Lease Limited EURL a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités s'y rapportant, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et en 2006.

Par un jugement n° 1211609/1-3 du 7 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2014, complétée le 3 octo

bre 2014, la société Fastjet Lease Limited, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fastjet Lease Limited EURL a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités s'y rapportant, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et en 2006.

Par un jugement n° 1211609/1-3 du 7 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2014, complétée le 3 octobre 2014, la société Fastjet Lease Limited, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1211609/1-3 du 7 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires de contribution additionnelle à cet impôt et des intérêts de retard y afférents, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et en 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les impositions contestées sont mal fondées au motif qu'aucun produit n'a été omis dans sa comptabilité, les sommes facturées à Garuda au titre des " Maintenance Reserves ", loin de constituer des produits, correspondant en réalité à un mécanisme de dépôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Un nouveau mémoire, enregistré le 5 octobre 2015, a été présenté par le ministre des finances et des comptes publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray ;

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Fastjet Lease Limited.

1. Considérant que la société Fastjet Lease Limited, dont l'activité consiste à mettre à la disposition de son unique client, la société Garuda Indonesia, société de transport aérien indonésienne, un aéronef qu'elle a elle-même pris en location auprès de son propriétaire, la société Ninth Waha Lease Limited, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courue du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le vérificateur a réintégré aux résultats de la société Fastjet Lease Limited des produits non comptabilisés au titre de chacun des exercices vérifiés ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ;

3. Considérant que la société Fastjet Lease Limited soutient qu'elle a fourni au vérificateur un grand-livre extrêmement détaillé sous forme de fichier " Excel " comprenant, en outre, le parallèle entre les balances euros/dollars américains et qu'elle produit, pour la première fois en cause d'appel, les liasses fiscales relatives aux exercices clos en 2005 et en 2006, pour en déduire que c'est à tort que l'administration, comme les premiers juges, ont estimé que sa comptabilité était entachée de graves irrégularités ;

4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que, lors des opérations de contrôle, la société requérante a présenté au vérificateur une comptabilité lacunaire pour ne comprendre que le solde de la balance au 31 décembre de chaque exercice et le journal des seules opérations diverses ; qu'outre que ce n'est que postérieurement à ces opérations que l'intéressée a, notamment, présenté un grand-livre, ce dernier ne mentionnait en tout état de cause que la reprise de la balance, aucun journal détaillant, notamment, les achats et les ventes n'ayant été produit ; que, s'agissant des liasses fiscales versées aux débats au cours de la présente instance, la requérante précise elle-même qu'elles constituent " une version révisée à la suite du contrôle fiscal faisant ressortir les revenus et charges de maintenance " ; que, dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité présentée, transcrite de celle tenue en dollars américains à Abu Dhabi, comme entachée de graves irrégularités ; que le service ayant établi les impositions litigieuses conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à l'appelante, conformément aux dispositions précitées, d'en établir le caractère exagéré ;

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectués par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 1er juillet 2008, que lors de la vérification de comptabilité, le service a relevé sur place des factures émises par la société Fastjet Lease Limited pour un montant total HT s'élevant à 1 268 564,67 euros au titre de l'exercice clos en 2005 et à 1 310 218,12 euros au titre de l'exercice suivant ; que la société ayant déclaré au compte de résultat n° 2052 un chiffre d'affaires de 911 854 euros HT au titre de l'exercice clos en 2005 et de 822 406 euros HT au titre de l'exercice clos en 2006, le service en a déduit que la contribuable avait minoré ces recettes de la différence, soit 356 711 euros et 487 812 euros au titre, respectivement, des exercices 2005 et 2006 ;

7. Considérant qu'il est constant que les factures mentionnées au point précédent, émises par la société Fastjet Lease Limited, concernent exclusivement, d'une part, les loyers mensuels que cette dernière perçoit de sa sous-locataire, la société Garuda Indonesia, d'autre part, des sommes facturées elles aussi mensuellement à cette dernière société au titre des " réserves d'entretien ", conformément aux stipulations de l'article 14-13 du contrat de sous-location conclu entre ces deux sociétés en décembre 2003 ;

8. Considérant que pour contester le caractère imposable des montants facturés au titre de ces " réserves d'entretien ", la société Fastjet Lease Limited fait valoir que les sommes en cause dont, conformément aux stipulations de l'article 14.2 du contrat de sous-location, le montant varie chaque mois en fonction du nombre d'heures de vol par an et de l'évolution des conditions économiques par rapport à celles existant à la date de la conclusion dudit contrat, ne peuvent pas être qualifiées de recettes, dès lors qu'elles constituent, en réalité, un mode d'abondement mensuel du dépôt de garantie auquel est contractuellement tenue la société

sous-locataire afin de garantir son obligation de maintenance de l'aéronef prévue à l'article 14.1 du contrat de sous-location, de sorte que le total de ces sommes constitue pour elle une dette à l'égard de sa sous-locataire ; que ce contrat prévoit également, en son article 14.15, que les sommes ainsi versées pour abonder le dépôt de garantie sont remboursées au sous-locataire à hauteur des dépenses qu'il a exposées au titre de son obligation de maintenance de l'aéronef sur présentation des factures établies par les prestataires ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que le contrat de location principale, également conclu en décembre 2003 entre la société Fastjet Lease Limited et la propriétaire de l'aéronef, la société Ninth Waha Lease Limited, bailleresse, impose à la société requérante la même obligation de maintenance à l'égard de l'appareil et le même système de dépôt de garantie revêtant la forme d'un versement mensuel de la requérante à la bailleresse d'un montant identique à celui dû par la société Garuda Indonesia à la requérante, qui lui a ainsi transféré l'obligation de maintenance de l'aéronef, lequel doit continuer de satisfaire aux critères de navigabilité ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient l'administration, qui n'écarte ni le contrat de sous-location, ni le contrat de location principale, la société Fastjet Lease Limited établit l'existence d'un système de garantie, alors surtout que, pour la première fois en cause d'appel, la requérante produit copie des factures des prestataires intervenus en 2006 dans le cadre d'une opération de maintenance de l'appareil, ce qui a donné lieu, de la part de la société Garuda Indonesia, à une demande de remboursement des sommes qu'elle avait versées à hauteur des dépenses de réparation qu'elle a supportées, en application de l'article 14.15 du contrat de sous-location ; que, dans ces conditions, sont sans influence sur la qualification de dépôt de garantie des sommes litigieuses les circonstances, invoquées par l'intimé, tirées de ce que les montants facturés par la société Ninth Waha Lease Limited à la requérante sont identiques à ceux refacturés par cette dernière à la société Garuda Indonesia, interdisant toute marge à la requérante, laquelle ne fournit en réalité aucune prestation au profit de la société Garuda Indonesia, et de ce que ce système de dépôt de garantie abondé mensuellement ne donne lieu à aucun flux financier transcrit sur le compte bancaire français de la requérante qui, de surcroît, fait valoir que ces mouvements ne donnent lieu qu'à des écritures de bilan, les sommes acquittées au titre du dépôt de garantie par la société Garuda Indonesia étant directement versées auprès de la société Ninth Waha Limited, dont la dette à l'égard de la requérante et la créance de la société Garuda Indonesia sur la requérante augmentent dans les mêmes proportions à concurrence de ces versements ; qu'il suit de là que la société Fastjet Lease Limited est fondée à demander à être déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des intérêts de retard et des majorations s'y rapportant ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Fastjet Lease Limited est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Fastjet Lease Limited d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1211609/1-3 du 7 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La société Fastjet Lease Limited est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités s'y rapportant, mis en recouvrement par avis n° 11 06 00027 du 22 juin 2011, au titre des exercices clos en 2005 et en 2006, ainsi que de la cotisation supplémentaire de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard y afférents, mis en recouvrement par le même avis, au titre du seul exercice clos en 2005.

Article 3 : L'Etat versera à la société Fastjet Lease Limited une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fastjet Lease Limited et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 décembre 2015.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULIC Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02108
Date de la décision : 15/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : CABINET SIMMONS ET SIMMONS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-15;14pa02108 ?
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