Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Hitachi Europe Ltd a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer le remboursement, à hauteur de 159 248 euros, d'une somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente aux importations réalisées en 2007, nette de la taxe déduite à tort au titre de 2008.
Par un jugement n° 1206528/7 du 30 avril 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2014, la société Hitachi Europe Ltd, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1206528/7 du 30 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au 31 décembre 2008, à hauteur de 159 248 euros ;
2°) de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente aux importations effectuées en 2007, nette de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort en 2008, avec toutes conséquences de droit, pour un montant de 159 248 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, alors en vigueur, ne font pas obstacle à l'application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, contrairement à l'analyse retenue par le tribunal administratif, laquelle revient à priver d'application le délai spécial de réclamation de cet article et à créer des distorsions et des inégalités de traitement entre les contribuables ;
- elle est en droit de demander la compensation entre le montant du redressement opéré par le service vérificateur et le crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle n'a pas pu reporter sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période soumise à vérification, en application de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales tel qu'il a été interprété par la réponse ministérielle faite le 23 août 1975 à M.B..., député ;
- elle était en droit d'exercer son droit à déduction en 2011, année de réception des documents d'importation, alors même que le droit à déduction sur ces dépenses était né en 2007, conformément à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, à la jurisprudence européenne et aux dispositions de l'article 271 du code général des impôts qui distinguent la date de naissance du droit à déduction et la date à laquelle sont réunies les conditions requises pour que l'opérateur économique puisse exercer ce droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que la société Hitachi Europe Ltd a fait l'objet, en 2010, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des compléments de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés au titre de la période courue du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ; qu'à la suite du recours hiérarchique, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'ont été maintenus, à hauteur de 62 206 euros, que pour la période courue du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, puis ont été mis en recouvrement le 23 décembre 2010 ; que la société requérante ayant présenté, le même jour, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 205 453 euros constaté au mois de novembre 2010, le service a adressé à la contribuable, le 15 mars 2011, un avis de compensation l'informant que sa demande de restitution serait satisfaite à hauteur de 143 247 euros, soit la différence entre 205 453 euros et 62 206 euros ; que la société Hitachi Europe Limited a en outre, par réclamation préalable du 5 juillet 2011, demandé à l'administration fiscale la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qui, ayant grevé des dépenses d'importation effectuées au cours de l'année 2007, n'avait pas pu être portée sur ses déclarations en tant que taxe sur la valeur ajoutée déductible, pour un montant total de 159 248 euros après imputation d'un montant de taxe de 281 651 euros déduit à tort au titre de l'année 2008 ; que, par une décision du 12 mars 2012, l'administration a rejeté sa réclamation pour tardiveté ; que la société Hitachi Europe Ltd fait appel du jugement du 30 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions ;
Sur la recevabilité de la réclamation préalable :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) " ; que l'article R*. 196-3 dudit livre dispose : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ;
4. Considérant que l'administration a notifié, le 24 juin 2010, à la société Hitachi Europe Ltd, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période courue du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'abandon, dans un courrier du 6 décembre 2010, suite au recours hiérarchique, des rappels afférents à la seule période courue du 1er janvier au 31 décembre 2007, ne fait pas obstacle à ce que la notification du 24 juin 2010, qui tendait bien à l'établissement de rappels, continue à produire ses effets y compris pour cette période et, par suite, ouvre au contribuable le délai spécial visé à l'article R*. 196-3 du livre des procédures fiscales, qui expirait en l'espèce, le 31 décembre 2013 ; que, par suite, la réclamation du 5 juillet 2011 est recevable, peu important qu'elle porte sur des droits frappés de caducité pour les raisons exposées infra ;
Sur le bien-fondé du refus de remboursement du supplément de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 167 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible " ; qu'aux termes de l'article 168 de la même directive : " Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a. La taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti (...) " ; qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) ; 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de service, lors de l'encaissement (...) du prix (...) " ; qu'aux termes de l'article 271 dudit code : " I. (...) 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, désormais repris à l'article 208 de cette annexe : " 1. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné aux articles 208 à 217. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) 2. Lorsque le montant de la taxe déductible ainsi mentionné sur une déclaration excède le montant de la taxe due d'après les éléments qui figurent sur cette déclaration, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur la ou les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K (...) " et qu'aux termes de l'article R*. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, repris à l'article 167 de la directive du 28 novembre 2006, que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses d'un assujetti est ouvert à compter du jour où la taxe devient exigible entre les mains de son fournisseur ; que la circonstance, invoquée par la société requérante, tirée de ce que l'article 178 de la directive du 28 novembre 2006 qui, comme l'article 18 de la sixième directive, porte sur les modalités d'exercice du droit à déduction de la taxe, tel qu'il est interprété par la décision Terra Baubedarf-Handel rendue le 29 avril 2004 par la Cour de Justice des Communautés Européennes, prévoit que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée s'opère au titre de la période au cours de laquelle le redevable a reçu une facture mentionnant la taxe, est sans incidence sur la naissance et l'étendue du droit à déduction mentionné à l'article 17 de la sixième directive, repris à l'article 167 de la directive du 28 novembre 2006 ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la société Hitachi Europe Limited, le délai pour réparer une omission de déclaration de taxe déductible court à compter de l'exigibilité de la taxe chez le fournisseur et non à compter de la date à laquelle le preneur dispose des éléments lui permettant d'exercer son droit à déduction ; qu'ainsi, ce délai expirait au 31 décembre 2009 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les importations effectuées au cours de l'année 2007 et dont la requérante a, par une réclamation formulée seulement le 5 juillet 2011, demandé le remboursement par voie de compensation avec le rappel de taxe afférent à la période courue du 1er janvier au 31 décembre 2008 ; que le délai prévu à l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, qui n'est pas moins favorable que celui prévu pour présenter une réclamation, n'est pas contraire aux dispositions de la sixième directive dont l'article 18, paragraphe 3, repris à l'article 180 de la directive du 28 novembre 2006, n'interdit pas que soient prévues en droit national des forclusions du droit à déduction, alors surtout que l'article 18, paragraphe 4 de la sixième directive, repris à l'article 183 de celle du 28 novembre 2006, permet aux Etats membres de fixer eux-mêmes les modalités de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors qu'il est constant que la taxe sur la valeur ajoutée en cause, dont le droit à déduction était né en 2007, n'avait pas été déclarée dans les conditions prévues à l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, c'est à juste titre que l'administration a opposé à la contribuable la péremption de son droit à déduction, revendiqué par cette dernière seulement le 5 juillet 2011, et qu'est à cet égard sans incidence la circonstance, alléguée par la société appelante, tirée de ce qu'elle n'a pas pu, en temps utile, exercer ce droit à déduction faute de disposer des justificatifs requis pour ne les avoir reçus qu'en 2011, dès lors qu'il lui appartenait d'accomplir toutes diligences nécessaires pour les obtenir dans le délai prévu à l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, alors surtout que l'intéressée n'établit pas avoir engagé de telles démarches ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :
7. Considérant qu'en cause d'appel, la société requérante se prévaut, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle n° 20241, faite le 3 août 1975 à M.B..., député, par laquelle l'administration admet qu'un redevable ayant fait l'objet d'une procédure de redressement puisse, dans le cadre du seul article L. 80 du même livre relatif à la compensation au cours de la procédure de rectification, obtenir que les droits rappelés soient compensés par le montant de la taxe déductible dont il aurait omis la mention sur les déclarations afférentes à la période soumise à rectification ; qu'à supposer que, comme elle en a la charge en vertu de l'article L. 177 de ce livre, la société Hitachi Europe Limited puisse être regardée comme établissant, par les seuls documents qu'elle produit, l'existence du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle revendique, il résulte de l'instruction, ainsi que le relève d'ailleurs le ministre, que ce n'est pas au cours de la procédure d'imposition, mais après avoir accepté, par courrier du 17 décembre 2010, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ramenés à 62 206 euros, puis reçu un avis de compensation daté du 15 mars 2011 d'un montant net, en sa faveur, de 143 247 euros, que l'intéressée a, par lettre du 5 juillet 2011, sollicité le bénéfice de la compensation litigieuse, laquelle ne peut par suite être regardée comme fondée sur l'article L. 80 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la société Hitachi Europe Limited ne peut utilement invoquer le bénéfice de la doctrine qu'elle invoque, dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Hitachi Europe Ltd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Hitachi Europe Ltd est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à société Hitachi Europe Ltd et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 15 mars 2016 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 mars 2016.
Le rapporteur,
B. AUVRAY
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03871