Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2014 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1508029/1-2 du 22 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508029/1-2 du 22 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 septembre 2014 contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le jugement attaqué :
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en ne prenant pas en compte le tampon figurant sur son passeport attestant qu'il est entré en France le 27 avril 2012.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a commis une erreur de fait en considérant qu'il ne serait entré régulièrement sur le territoire français au motif qu'il ne disposait pas de passeport, ni de visa alors qu'il justifie détenir un passeport en cours de validité ainsi que le visa Schengen délivré par l'Etat italien le 13 avril 2012 ;
- il démontre une volonté de régulariser sa situation contrairement à ce qui est indiqué dans la décision attaquée ;
- il présente des garanties suffisantes de représentations dès lors qu'il possède un passeport en cours de validité et un visa ;
- l'article L. 511-1, en ce qu'il soustrait à l'obligation de motivation une catégorie de décisions concernant exclusivement des étrangers, méconnaît le principe d'égalité de traitement et de non discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le droit au recours effectif consacré par l'article 13 de la même convention ;
- le préfet ne justifie pas avoir examiné la situation de l'intéressé dans son intégralité ;
- la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale ;
- la décision n'est pas motivée ;
- la décision ne mentionne pas de pays de destination.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mielnik-Meddah a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant ivoirien, né le 12 juin 1986 à Abidjan, a été interpellé par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité ; que, par un arrêté du 30 septembre 2014, le préfet de Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination ; que, par une requête enregistrée à la Cour le 21 décembre 2015, M. A... relève appel du jugement n° 1508029/1-2 du 22 septembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A... ne peut utilement invoquer, pour contester la régularité du jugement, une erreur de fait que le tribunal aurait commise, un tel moyen ayant trait, en tout état de cause, au bien-fondé du jugement et non à sa régularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée que celle-ci vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Schengen et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles L. 511-1 à L. 511-4, L. 521-1 à L. 521-6 et L. 513-1 à L. 513-4 ainsi que la loi du 12 avril 2000 ; qu'elle indique l'identité de l'intéressé, la date et son lieu de naissance, précise qu'il est dépourvu de document transfrontalier, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour ; qu'elle ajoute que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé et notamment à sa vie familiale dès lors qu'il est célibataire sans enfant et ne justifie pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine ; qu'elle indique en outre qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle précise également que l'intéressé se maintient irrégulièrement depuis 2012 sur le territoire français, qu'il n'a pas effectué de démarches administratives et n'a donc pas démontré sa volonté de régulariser sa situation au regard du séjour en France, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut justifier de la possession de document d'identité ou de voyage en cours de validité et que, s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve qu'il y demeure de manière stable et habituelle ; qu'elle précise, enfin, que l'intéressé sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il est établi être légalement admissible ; que, par suite, les décisions attaquées, et notamment celle fixant le pays de destination, comportent les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent et sont suffisamment motivées au sens de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué n'aurait pas été pris à l'issue d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée, comme le prévoit l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si ce même article prévoit que cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où la mesure d'éloignement fait suite à un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ou retrait d'un tel titre, ou au retrait ou au refus de renouvellement d'un récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour, cette exception à l'obligation de motivation ne peut trouver à s'appliquer que si la mesure d'éloignement assortit une décision relative au séjour elle-même explicite et motivée ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soustrait à l'obligation de motivation une catégorie de décisions concernant exclusivement des étrangers et que cet article méconnaîtrait en conséquence le principe d'égalité de traitement et de non discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le droit au recours effectif consacré par l'article 13 de la même convention ; qu'en tout état de cause, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... n'assortit pas un refus ou un retrait de titre de séjour et comme cela a été dit au point 3, cette décision est régulièrement motivée ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. A... fait valoir, d'une part, qu'il est entré régulièrement en France en avril 2012 muni d'un passeport et d'un visa " Schengen " valable du 13 avril au 13 octobre 2012 délivré par les autorités italiennes, les tampons, partiellement lisibles, figurant sur la photocopie de ce visa qui attestent seulement de la sortie du territoire ivoirien le 27 avril 2012 ne permettent pas d'établir qu'il serait réellement entré en France pendant la période de validité de son visa ; que, dans ces conditions, l'intéressé ne peut pas être regardé comme justifiant d'une entrée régulière sur le territoire français ; que, d'autre part, il est constant que l'intéressé ne disposait pas, à la date de l'arrêté contesté, d'un titre de séjour en cours de validité ; que, dès lors, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, M. A... se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut obliger l'intéressé à quitter le territoire français ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) - Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : - (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;
8. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, fixe le délai de départ volontaire et le place en rétention administrative ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre des décisions précitées ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que si M. A... soutient avoir entamé des démarches pour régulariser sa situation et présenter des garanties suffisantes de représentation, de tels moyens sont inopérants dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est exclusivement fondée sur les circonstances de l'entrée et du séjour de l'intéressé en France ; qu'en tout état de cause l'attestation, postérieure à la décision attaquée, selon laquelle M. A... a rencontré un bénévole de l'association CIMADE le 18 septembre 2014 afin d'obtenir " des conseils pour commencer une démarche de régularisation de sa situation vis-à-vis de la préfecture " n'est pas de nature à démontrer que M. A... a effectivement entamé des démarches auprès de l'administration pour régulariser sa situation ; qu'en outre si l'intéressé possède un passeport valable jusqu'au 30 novembre 2016, le visa qu'il produit est expiré depuis le 13 octobre 2012 et il ne produit aucun élément relatif à la stabilité de son lieu de résidence à la date de la décision attaquée ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination, par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant que, comme cela a été dit au point 3 l'arrêté attaqué du 30 septembre 2014 est suffisamment motivé en ce qu'il mentionne notamment que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement réadmissible ; qu'au demeurant M. A... n'établit pas plus, ni même ne soutient devant la Cour être exposé à de tels risques ;
12. Considérant que dès lors que l'arrêté du 30 septembre 2014 indique que M. A... sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il est établi être légalement admissible, l'intéressé ne peut valablement soutenir que l'arrêté attaqué ne mentionne aucun pays de destination et qu'il méconnaîtrait pour ce motif l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause si la décision fixant le pays de destination est en principe édictée dans le même acte que l'obligation de quitter le territoire français, elle est sans incidence sur la légalité de cette obligation et peut légalement être édictée postérieurement ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique le 7 juin 2016.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04699