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15/06/2016 | FRANCE | N°15PA00790

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 juin 2016, 15PA00790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la Banque de France a rejeté sa demande du 3 décembre 2013 tendant à la reconstitution de sa carrière, d'enjoindre à la Banque de France de réexaminer sa situation et de reconstituer sa carrière à compter de la date à laquelle elle aurait due être promue, dans un délai de deux mois, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre

des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la Banque de France a rejeté sa demande du 3 décembre 2013 tendant à la reconstitution de sa carrière, d'enjoindre à la Banque de France de réexaminer sa situation et de reconstituer sa carrière à compter de la date à laquelle elle aurait due être promue, dans un délai de deux mois, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1405440/5-2 du 19 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 février 2015, et le

11 avril 2016, MmeB..., représentée par Me C...A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1405440/5-2 du 19 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la Banque de France a rejeté sa demande du 3 décembre 2013 tendant à la reconstitution de sa carrière ;

3°) d'enjoindre à la Banque de France de réexaminer sa situation et reconstituer sa carrière à compter de la date à laquelle elle aurait due être promue, dans un délai de deux mois, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement n° 1405440/5-2 du 19 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté, son mémoire en réplique

du 4 décembre 2014 n'ayant pas été communiqué à la Banque de France ;

- ce jugement méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, ce mémoire du 4 décembre 2014 n'ayant pas été communiqué ;

Sur la légalité de la décision implicite par laquelle la Banque de France a rejeté sa demande du 3 décembre 2013 tendant à la reconstitution de sa carrière :

- c'est à tort et au prix d'une dénaturation des éléments du dossier et sans base légale, que le tribunal s'est fondé sur une évaluation de 2013 faite pour la détermination de la part variable de ses primes pour justifier le retard d'avancement contesté pour 2012 ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 432 du statut du personnel de la Banque de France, et celles de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, est entachée d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation, et viole le principe d'égalité entre les sexes ;

- la Banque de France est, dès lors, tenue de reconstituer sa carrière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2015, la Banque de France, représentée par la SCP Guillaume et AntoineD..., conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les conclusions et les moyens soulevés par Mme B...ne sont ni recevables ni fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par ordonnance du 24 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2016 à

12 heures.

Un mémoire présenté pour la Banque de France a été enregistré le 4 mai 2016, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code du travail ;

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Goutner, avocat substitué, pour MmeB..., et de Me D...pour la Banque de France.

Une note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2016, a été présentée par Me A...pour

MmeB....

1. Considérant que Mme E...B..., agent titulaire de l'inspection de la Banque de France depuis le 1er juin 1990, a été promue au grade d'inspecteur de 1er classe

le 1er octobre 2006 puis à celui d'inspecteur général le 1er avril 2013 alors qu'elle justifiait d'une ancienneté de six ans et six mois dans le précédent grade ; qu'estimant qu'elle aurait dû être nommée inspecteur général le 1er octobre 2012, elle a demandé, par courrier en date

du 3 décembre 2013, à son employeur la reconstitution de sa carrière sur cette base ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement n° 1405440/5-2 du 19 décembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision implicite opposée par la Banque de France à cette demande de reconstitution de carrière ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par la Banque de France ;

Sur la régularité du jugement n° 1405440/5-2 du 19 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) " ; que l'article R. 611-1 du même code dispose que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 613-3 du même code : " Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles et des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. " ; que, l'appelante soutient que le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté, dès lors que son mémoire en réplique du 4 décembre 2014 n'a pas été communiqué à la Banque de France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle-même a été destinataire de toutes les écritures et pièces produites par la partie adverse devant le tribunal et, que, dès lors, elle n'est pas fondée à prétendre que le principe du contradictoire aurait été méconnu à son égard ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que ce mémoire en réplique, dans lequel la requérante reprenait en les détaillant, les moyens présentés dans sa requête introductive d'instance, ne contenait, ni conclusions nouvelles, ni moyens nouveaux, ni même de considérations nouvelles utiles à la solution retenue par les premiers juges ; que, dès lors, le moyen susanalysé de Mme B...doit être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ; que le mémoire susmentionné ne contenant aucun élément nouveau que les premiers juges auraient été tenus d'analyser, le tribunal n'a, ni méconnu les dispositions précitées, ni entaché son jugement d'irrégularité en constatant que par ce mémoire complémentaire la requérante " maintient ses précédentes écritures " ;

Sur la légalité du refus implicite de reconstitution de carrière :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté " ; que, toutefois, la requérante, qui n'a pas fait l'objet d'une des mesures visées par les dispositions sus énoncées, ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle n'aurait pas été mise à même de demander la communication de son dossier sur le fondement de ces dispositions, dans les prévisions desquelles elle n'entre pas ; que MmeB..., qui n'a d'ailleurs pas usé de la possibilité d'exercer son droit d'accès aux données personnelles la concernant sur le fondement des dispositions de l'article 39 de la loi n° 78-17 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, n'est pas fondée à se prévaloir d'un prétendu refus illégal de la Banque de France de lui communiquer ces informations ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 142-1 du code monétaire et financier dispose que la Banque de France est " une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'en vertu de l'article L. 142-9 du même code, sont applicables aux agents de la Banque de France les dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ; qu'aux termes de l'article 432 du statut du personnel de la Banque de France : " Les avancements de grade dans l'Inspection ont lieu dans les conditions suivantes (...) : 3° Les inspecteurs généraux sont choisis par le Gouverneur sur proposition du Contrôleur général, parmi les inspecteurs de 1ère classe (...) " ; que l'article 31 de la décision réglementaire n° 2009-44 du 17 décembre 2009 relative à l'organisation et au régime de l'inspection, alors applicable dispose que : " Les nominations au grade d'Inspecteur général sont prononcées par le gouverneur sur proposition du contrôleur général parmi les inspecteurs de 1ère classe ayant au moins deux ans d'ancienneté dans le grade " ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de ces dispositions que la promotion au grade d'inspecteur général s'effectuerait automatiquement après six ans d'ancienneté dans le grade d'inspecteur de 1ère classe, et que les inspecteurs détiendraient un droit à être promus de manière automatique inspecteur général par le gouverneur de la Banque de France ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle aurait eu pour effet de retarder l'avancement à l'ancienneté de MmeB... en méconnaissance de ces dispositions, doit être écarté comme non fondé ;

6. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...soutient que c'est à tort que les premiers juges ont, au vu des pièces du dossier, refusé de considérer que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et viole le principe d'égalité ; qu'à l'appui de ces moyens elle fait valoir divers arguments statistiques, et, notamment que, dans sa promotion, elle serait le seul inspecteur sur la période 2010 à 2013 à avoir eu accès au grade d'inspecteur général dans un délai de six ans et six mois ; que, toutefois, si au titre de 2011 et 2012 onze nominations au grade d'inspecteur général ont été prononcées en faveur d'agents ayant moins de six ans d'ancienneté dans le grade d'inspecteur de 1ère classe, et ne concernaient que des hommes, lesquels sont majoritaires dans le corps, dix nominations sur onze ont, au titre de 2010, été prononcées en faveur d'agents justifiant d'un délai dans le grade d'inspecteur supérieur à six ans et concernaient neuf hommes pour une femme ; que, parmi ces dix agents promus inspecteurs généraux, trois l'ont été alors qu'ils étaient inspecteurs de 1ère classe depuis plus de sept ans ; que, si Mme B...fait valoir que le délai appliqué à tous ses collègues masculins promus en 2013 était de six ans, il ressort des pièces du dossier que, parmi les neuf nominations au grade d'inspecteur général prononcées en 2013, deux concernaient des inspectrices qui ont été nommées dans un délai de six ans ; que, dans ces conditions, la circonstance que Mme B...ait été nommée inspecteur général en 2013 alors qu'elle justifiait d'une ancienneté dans le précédent grade de six ans et six mois, ne saurait suffire à établir ni même à faire présumer qu'elle aurait été victime d'une discrimination en raison de son sexe ; que, de plus, la Banque de France fait valoir que le délai de promotion qui lui a été appliqué tient compte, en cohérence avec l'article 432 du statut du personnel de la Banque de France, de sa manière de servir ; qu'en effet, en l'absence de tout droit des inspecteurs de 1ère classe à être automatiquement promus inspecteurs généraux, leur employeur peut légalement, pour déterminer ceux d'entre eux qui seront promus, tenir compte de l'appréciation portée sur leurs compétences et qualités professionnelles individuelles ; qu'à cet égard, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, au vu des pièces du dossier, si la Banque de France s'est, dans ses écritures devant le tribunal administratif, notamment, référée à la fiche concernant la part de rémunération variable accordée en 2013 à MmeB..., cette référence est pertinente, dès lors que cette fiche est établie à partir de l'appréciation professionnelle portée sur l'intéressée au titre de l'année 2012 ; que ce document, a été un élément parmi d'autres d'appréciation des mérites de l'intéressée par rapport à ses collègues, sans qu'il soit établi que la grille d'évaluation ne reposerait pas sur des critères objectifs respectant le droit du travail applicable ; que le défendeur produit, en plus des documents versés au dossier en première instance, un tableau comparatif entre les délais de traitement des inspections réalisées par l'exposante entre 2010 et 2013 et les délais moyens des autres chefs de mission, et dont il résulte que les délais de traitement imputables à la requérante ont été, sur la période de 2010 à octobre 2012, sensiblement plus élevés que la moyenne ; que, par suite, la promotion de l'intéressée après un délai de six ans et six mois, légèrement supérieur au délai moyen, ne peut être regardée comme procédant, ni d'une erreur manifeste d'appréciation, ni d'une méconnaissance du principe d'égalité ni d'une discrimination fondée sur le sexe ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête à fin d'annulation doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions à fin d'injonction, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution et, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelante une somme à verser à la Banque de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Banque de France au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 juin 2016.

Le rapporteur,

A. LEGEAILe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHELe greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00790
Date de la décision : 15/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-15;15pa00790 ?
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