Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2012, la société Jeel a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement l'Etat et la commune d'Emerainville à lui verser la somme de 105 920 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et de leur capitalisation, en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi du fait de la fermeture des boulevards de Courcerin et Beaubourg lors des travaux d'élargissement de la RN 104.
Par un jugement en date du 20 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2015, la société Jeel, représentée par la Selarl Acaccia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1205309/2 du 20 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et la commune d'Emerainville à lui verser la somme de 105 920 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi du fait de la fermeture des boulevards de Courcerin et Beaubourg lors des travaux d'élargissement de la RN 104 ;
2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune d'Emerainville à lui verser la somme de 105 920 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi du fait de la fermeture des boulevards de Courcerin et Beaubourg lors des travaux d'élargissement de la RN 104 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune d'Emerainville la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- la fermeture du boulevard de Beaubourg à compter du 2 avril 2012 a provoqué une baisse importante de son activité à compter du même mois dès lors que sa clientèle est composée quasi exclusivement de personnes travaillant dans la zone d'activités Pariest qui ne pouvaient plus accéder à l'établissement sans faire un détour de plus d'une demi-heure ;
- la commune et l'Etat sont solidairement responsables dès lors que les travaux litigieux ont été engagés à l'initiative de l'Etat et que la commune a ordonné la fermeture de la voie publique pour en permettre la réalisation ;
- le boulevard de Beaubourg a été fermé alors même que les travaux n'étaient pas en cours de réalisation ;
- eu égard aux difficultés d'accès et de circulation et à leur incidence sur la fréquentation de la brasserie, le préjudice subi revêt un caractère anormal et spécial ;
- son préjudice s'élève à 105 920 euros compte tenu, d'une part, de la baisse effective du chiffre d'affaires de la société requérante depuis le mois d'avril 2012, ainsi que de l'augmentation prévisible dudit préjudice tant que les travaux litigieux n'auront pas cessé et, d'autre part, des frais engagés pour faire face aux besoins de trésorerie.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 28 avril 2015, la société Jeel persiste dans ses conclusions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 29 septembre 2015, la société Jeel maintient ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delamarre,
- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société Jeel.
1. Considérant que la société Jeel, qui exploite une brasserie, dénommée la " brasserie de la mairie ", située au 2 place Pierre Mendès-France sur le territoire de la commune d'Emerainville, a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune d'Emerainville et l'Etat à lui verser la somme de 105 920 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de la fermeture des boulevards de Courcerin et Beaubourg dans le cadre des travaux d'élargissement et d'aménagement de la RN 104 effectués sous la maîtrise d'ouvrage de l'Etat ; que, par un jugement en date du 20 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette requête ; que la société Jeel relève appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité pour faute :
2. Considérant que la société requérante soutient qu'en prenant les arrêtés du 22 décembre 2010, du 17 mai 2011, du 23 mars et du 19 juin 2012 portant restrictions de circulation, fermeture du boulevard de Beaubourg du 2 avril au 15 août 2012 et y interdisant le stationnement, le maire de la commune d'Emerainville a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police de nature à engager la responsabilité de la commune dès lors que l'interdiction de circulation édictée par lesdits arrêtés n'était pas justifiée, que la mise en place d'une circulation alternée sur le boulevard de Beaubourg aurait été suffisante et que, pendant plusieurs jours, le boulevard est resté fermé en dépit de l'absence de travaux ;
3. Considérant, d'une part, que la question des restrictions apportées à la circulation par les arrêtés municipaux des 22 décembre 2010 et 17 mai 2011 ne saurait être utilement invoquée dès lors que de tels arrêtés sont sans lien avec le préjudice dont la réparation est demandée, qui résulterait de pertes de chiffre d'affaires postérieures à mars 2012, que, d'autre part, la société ne parvient pas à justifier, par les pièces qu'elle communique, que le maire de la commune d'Emerainville a commis une faute en prenant des arrêtés tendant à modifier la circulation et le stationnement ; que, comme l'a relevé le Tribunal administratif de Melun, les travaux litigieux, consistant notamment en la réalisation d'un nouveau pont au-dessus du boulevard de Beaubourg, justifiaient à l'évidence la fermeture de ce dernier ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a estimé qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la commune d'Emerainville ;
Sur la responsabilité sans faute :
4. Considérant que si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il peut en aller autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique ; qu'en jugeant que les préjudices subis par la société Jeel n'étaient pas indemnisables dès lors que les aménagements en cause n'avaient pas eu pour effet de lui interdire tout accès à la voie publique, sans rechercher s'ils n'avaient pas eu pour effet de rendre cet accès excessivement difficile et s'il n'en résultait pas pour l'intéressée, dans les circonstances de l'espèce, un préjudice grave et spécial, le Tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit ; que toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des attestations communiquées par la société Jeel que l'accès à la brasserie n'a pas été rendu excessivement difficile dès lors qu'il est constant que les clients pouvaient continuer à accéder à la brasserie mais que seul le temps de trajet était un peu plus long ; qu'en outre, la durée des travaux ayant rendu l'accès plus compliqué était de quelques mois ; qu'enfin, et en tout état de cause, la société Jeel ne justifie d'aucun préjudice susceptible d'être regardé comme anormal et spécial en se bornant à invoquer une baisse de son chiffre d'affaires sur quelques mois en 2012 ; que, dans ces conditions, la société Jeel n'est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Melun a jugé que les travaux litigieux n'avaient pas été cause d'un préjudice anormal qu'il y aurait lieu d'indemniser ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis solidairement à la charge de l'Etat et de la commune d'Emerainville, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Jeel demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, ainsi que les dépens de l'instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Jeel est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jeel, à la commune d'Emerainville et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer. Copie en sera adressée à la direction interdépartementale des routes d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Delamarre, première conseillère,
Lu en audience publique, le 29 juillet 2016.
Le rapporteur,
A-L. DELAMARRELe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA00135