La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2017 | FRANCE | N°15PA03557

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 04 mai 2017, 15PA03557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Mileno a demandé au Tribunal Administratif de Paris de réduire à l'euro symbolique la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 618 euros et la contribution spéciale pour l'emploi de deux étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France d'un montant de 34 400 euros résultant d'un titre de perception émis à son encontre le 16 décembre 2013.

Par un jugement n° 1402316/3-3 du 7 juillet 2015, le Tribun

al Administratif de Paris a réduit le montant total de la contribution spéciale et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Mileno a demandé au Tribunal Administratif de Paris de réduire à l'euro symbolique la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 618 euros et la contribution spéciale pour l'emploi de deux étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France d'un montant de 34 400 euros résultant d'un titre de perception émis à son encontre le 16 décembre 2013.

Par un jugement n° 1402316/3-3 du 7 juillet 2015, le Tribunal Administratif de Paris a réduit le montant total de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mis à la charge de la société Le Mileno à concurrence de la somme de 14 829 euros et rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 septembre et le 8 décembre 2015, la société Le Mileno, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402316/3-3 du 7 juillet 2015 du Tribunal Administratif de Paris ;

2°) de constater que les contributions sont dépourvues de base légales et nulles ;

3°) à titre subsidiaire à les réduire à l'euro symbolique ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux dépens.

Elle soutient que :

- le montant de la contribution spéciale, qui est une sanction administrative, est excessif, notamment au regard du montant de la sanction pénale que le Procureur a décidé d'appliquer ;

- la contribution forfaitaire, qui est due indépendamment de tout réacheminement effectif, a été assimilée à une sanction administrative et doit donc être considérée comme telle notamment au regard du plafond fixé par l'article L. 626-1 du CESEDA ;

- dès lors qu'elle est malgré cela calculée en fonction de la zone géographique d'origine du travailleur, le décret sur lequel se fonde le recouvrement de la contribution spéciale est illégal ;

- la somme qu'elle reste condamnée à payer dépasse le plafond de 15000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2015, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeC..., conclut au rejet pour irrecevabilité de la demande de 1ère instance, subsidiairement à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait partiellement droit à la demande de la société Le Mileno, et à ce que le versement de la somme de 2 800 euros soit mis à la charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la société Le Mileno n'ayant présenté aucun recours gracieux sa demande était tardive à l'encontre de la décision attaquée et irrecevable à l'encontre des titres de perception, que l'emploi irrégulier des travailleurs étrangers en cause est établi, que le principe de proportionnalité des peines n'a pas été méconnu, qu'eu égard à l'autonomie des sanctions administratives le moyen tiré d'une disproportion avec les sanctions pénales infligées doit être écarté, que c'est à tort que le tribunal a cru devoir décharger la société Le Mileno de la contribution spéciale pour l'un des deux salariés alors que, même compte tenu du " bouclier pénal " la somme totale de 34 400 euros demeurait susceptible d'être mise à sa charge.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 29 décembre 2015, la société Le Mileno persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens.

Par une lettre en date du 7 juin 2016 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2016, la société Le Mileno a fait valoir, pour répondre au moyen d'ordre public invoqué, que ses conclusions dirigées contre les titres exécutoires étaient recevables car elle établissait avoir formé auprès du comptable le recours prévu par l'article 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal,

- le code du travail,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouleau président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la société Le Mileno ;

1. Considérant qu'à l'occasion d'un contrôle effectué le 10 avril 2012 dans le restaurant exploité par la société Le Mileno, 27 boulevard de la Villette à Paris (10e), les services de police ont constaté que cette dernière employait deux étrangers démunis de titres de séjour ainsi que de titres les autorisant à travailler en France ; que par une décision du 13 novembre 2013, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 34 400 euros au titre de l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi qu'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 618 euros au titre de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces contributions ont fait l'objet de deux titres de perception émis à l'encontre de la société Le Mileno le 16 décembre 2013 ; que celle-ci demande l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande ; que l'OFII conclut au rejet de la requête pour irrecevabilité de la demande de 1ère instance et, subsidiairement, à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait partiellement droit à la demande de la société Le Mileno ;

Sur la requête de la société Le Mileno et les conclusions incidentes de l'OFFI :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce même code, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi du 29 décembre 2012 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3132-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article L. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 de ce code dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 4 juin 2013 : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article

L. 3231-12. II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 ; III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8256-7 du code du travail : " Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au présent chapitre, à l'exception de l'article L. 8256-1, encourent : 1° L'amende, dans les conditions prévues à l'article 131-38 du code pénal... " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction actuelle qui, plus douce en ce qui concerne la règle de plafonnement des sanctions, telle que redéfinie par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, est applicable au règlement du présent litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I.- La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. II.- Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié, dans la limite prescrite à l'alinéa 2 de l'article L. 626-1 " ;

5. Considérant que dès lors que les dispositions précitées prévoient que la sanction que constitue la contribution spéciale peut faire l'objet d'une modulation en fonction de la gravité des comportements réprimés et que le minimum applicable n'est pas manifestement excessif, et alors, au surplus, que le juge dispose de la faculté de moduler cette sanction, la société requérante ne saurait invoquer utilement un quelconque principe de proportionnalité des peines ; qu'en tout état de cause, le montant global des sommes mises en l'espèce à la charge de la société Le Mileno ne saurait être regardé comme disproportionné à la gravité des infractions commises ;

6. Considérant, par ailleurs, que les dispositions des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que les contributions qu'elles instituent peuvent être imposées sans préjudice des poursuites judiciaires susceptibles d'être engagées à l'encontre des employeurs, le moyen tiré de ce que les contributions mises à la charge de la requérante seraient excessives au regard de la sanction infligée par le juge pénal manque en droit ;

7. Considérant que le moyen tiré de ce que la contribution forfaitaire doit entrer dans le calcul du plafond fixé par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit manque en fait, cette contribution ayant en l'occurrence été prise en compte à ce titre ;

8. Considérant qu'en prévoyant que le montant de la contribution forfaitaire instituée par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fixé en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié l'article R. 626-1 du même code se borne à tirer les conséquences des dispositions législatives qui ont posé la règle selon laquelle l'employeur d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier doit acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ; que la société requérante ne saurait en conséquence exciper de l'illégalité de ces dispositions réglementaires en soutenant qu'elles porteraient atteinte au principe d'égalité ;

9. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 131-38 du code pénal auxquelles renvoient expressément les dispositions précitées de l'article L. 8256-7 du code du travail que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction, soit donc 75000 euros ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal a réduit la somme due par la société Le Mileno dans les limites d'un plafond de 15 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de la société Le Mileno doit être rejetée et qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions incidentes présentées par l'OFFI tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Le Mileno à l'encontre de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Mileno une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Mileno est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 2015 est annulé.

Article 3 : La société Le Mileno versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Mileno et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- MmeD..., première conseillère,

- MmeA..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

L'assesseur le plus ancien,

M. D...Le président-rapporteur,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 15PA03557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03557
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-04;15pa03557 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award