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29/06/2017 | FRANCE | N°16PA01131

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 juin 2017, 16PA01131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 octobre 2010 par laquelle le ministre chargé de l'action sociale a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide médicale d'Etat sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles et d'enjoindre au ministre chargé de l'action sociale de l'admettre au bénéfice de l'aide médicale d'Etat.

Par un jugement n° 1021735/6-2 du 10 avril 2012, le Tribunal a

dministratif de Paris a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 13PA00384 du 20 janvie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 octobre 2010 par laquelle le ministre chargé de l'action sociale a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide médicale d'Etat sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles et d'enjoindre au ministre chargé de l'action sociale de l'admettre au bénéfice de l'aide médicale d'Etat.

Par un jugement n° 1021735/6-2 du 10 avril 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 13PA00384 du 20 janvier 2014, la Cour administrative d'appel de Paris, statuant sur l'appel formé par MmeA..., a rejeté sa requête.

Par une décision n° 381013 du 16 mars 2016 le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la Cour :

Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2016 sous le n° 16PA01131, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- quand bien même Mme A...paraissait avoir besoin de soins à la date de la prise en charge qu'elle sollicite, ce seul motif ne saurait à lui seul lui accorder un droit au bénéfice de l'aide médicale d'état à titre humanitaire, puisque cette prise en charge relève, d'abord et avant tout, d'une décision individuelle, facultative et discrétionnaire de la ministre ;

- il lui appartient d'apprécier, au cas par cas, en fonction des circonstances de l'espèce, l'opportunité d'accorder cette aide ;

- la décision attaquée du 11 octobre 2010 est ainsi conforme à la législation en vigueur.

Par un mémoire enregistré le 1er juin 2017, MmeA..., représentée par MeC..., conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 avril 2012, à ce qu'il soit enjoint au ministre chargé de l'action sociale de l'admettre au bénéfice de l'aide médicale d'Etat dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande aux mêmes conditions, enfin à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'administration a commis une erreur de droit en considérant qu'elle ne pouvait bénéficier de l'aide médicale d'Etat au titre du deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, au seul motif qu'elle résidait en France alors qu'elle ne remplissait pas la condition de résidence ininterrompue de plus de trois mois ;

- en se fondant sur le seul fait qu'elle résidait en France depuis le 10 avril 2009 pour rejeter sa demande, l'administration n'a pas examiné l'ensemble de sa situation et notamment l'extrême gravité de son état de santé engageant son pronostic vital, les circonstances de son entrée en France, ainsi que sa précarité financière ;

- l'intervention chirurgicale extrêmement lourde et coûteuse qu'elle a subie était imprévisible au moment de son arrivée sur le territoire français ; il s'agissait là du seul moyen de la maintenir en vie, alors qu'il n'a pu être possible de trouver une solution pour couvrir les soins au préalable et qu'elle ne pouvait retourner dans son pays d'origine ni au Sénégal où elle n'aurait pu, en tout état de cause, bénéficier de l'intervention adéquate ;

- la décision attaquée du 11 octobre 2010 est ainsi entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il est pour le moins incohérent que l'Etat français lui refuse la prise en charge de l'intervention chirurgicale qui l'a sauvée, tout en lui faisant bénéficier d'un titre de séjour " vie privée et familiale " au titre de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant une prise en charge des suites de sa maladie.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

8 décembre 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena, rapporteur,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeA....

1. Considérant que MmeA..., ressortissante guinéenne, est entrée en France en avril 2009 à l'âge de 27 ans, avec l'aide de l'association humanitaire " objectif espoir ", pour être prise en charge à l'hôpital Bichat-Claude Bernard en vue du traitement chirurgical d'une pathologie cardio-vasculaire ; qu'en raison d'une contre-indication médicale, l'intervention projetée n'a cependant pas pu être réalisée ; que, demeurée en France, Mme A...a présenté, le

5 juin 2009, une aggravation de son état de santé qui a nécessité son hospitalisation à l'hôpital européen de Paris-La Roseraie d'Aubervilliers, où elle a bénéficié, le 11 juin 2009, d'une intervention de chirurgie cardiaque pour un coût total de 36 455,12 euros ; qu'elle est restée hospitalisée dans ledit établissement jusqu'au 22 juin 2009, puis y a été à nouveau hospitalisée dans le courant des mois de juillet et août 2009 ainsi que le 28 octobre 2009 ; que souhaitant faire prendre en charge par l'Etat français les frais d'honoraires médicaux occasionnés par son séjour à l'hôpital européen de Paris-La Roseraie entre le 5 et le 22 juin 2009, elle a déposé, le

10 juin de cette même année, une demande d'aide médicale d'Etat de droit commun auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne qui lui a été refusée le 22 juin 2009 ; que cette décision de refus a été confirmée le 1er septembre 2009 suite au recours gracieux effectuée par l'intéressée 11 août 2009 ; que le 23 septembre 2000, elle a alors sollicité le bénéfice de l'aide médicale d'Etat à titre humanitaire prévue au deuxième alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles auprès de la direction départementale de la cohésion sociale qui l'a transmise au ministre chargé des affaires sociales et de la santé ; que, par une décision du 11 octobre 2010, le ministre des affaires sociales et de la santé a également refusé de faire droit à sa demande ; que Mme A...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cette décision en date du 11 octobre 2010 ; que ce tribunal a rejeté sa requête, par jugement du 10 avril 2012 ; que, par un arrêt du 20 janvier 2014, la Cour a rejeté l'appel interjeté par la requérante contre ce jugement ; que, par la décision susvisée du 16 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires sociales et de la santé :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 10 avril 2012 a été notifié le 13 avril suivant à Mme A...qui a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 8 juin 2012 ; que Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 29 novembre 2012 ; que, par suite, le ministre des affaires sociales et de la santé n'est pas fondé à soutenir que la requête d'appel enregistrée le 28 janvier 2013, soit avant l'expiration du délai contentieux de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du code de justice administrative, serait tardive ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date à compter de laquelle le bénéfice de l'aide médicale était sollicité : " Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens des articles L. 161-14 et L. 313-3 de ce code, à l'aide médicale de l'Etat. / En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale de l'Etat dans les conditions prévues par l'article L. 252-1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l'article L. 251-2 peut être partielle (...) " ; que, par ailleurs, en vertu des articles L. 254-1 et L. 254-2 du même code, les étrangers résidant en France qui ne remplissent pas la condition de régularité du séjour mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat en vertu de l'article L. 251-1 bénéficient de la prise en charge des " soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des textes cités ci-dessus que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L 251-1 du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme permettant au ministre chargé de l'action sociale d'accorder le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat à des personnes dont l'état de santé le justifie qui, ne résidant pas de manière ininterrompue sur le territoire national depuis plus de trois mois, ne bénéficient pas du droit prévu par les dispositions du premier alinéa du même article ; qu'à cette fin, le ministre dispose d'un large pouvoir pour apprécier, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'opportunité d'accorder une telle aide ;

5. Considérant, ainsi qu'il a été dit, que Mme A...est entrée en France en avril 2009 en provenance du Sénégal dans le cadre d'un accompagnement associatif en vue de bénéficier d'une opération chirurgicale en raison d'une décompensation cardiaque globale sur valvulopathie mitro tricuspide rhumatismale ; que l'opération initialement projetée n'ayant pu être réalisée à son arrivée sur le territoire, Mme A...a dû être hospitalisée et opérée en urgence le 11 juin 2009, suite à une aggravation de son insuffisance cardiaque droite ; que, quand bien même Mme A...a effectué sa demande d'aide humanitaire le 23 septembre 2000, il est constant qu'elle ne résidait pas, à la date de cette prise en charge, de manière ininterrompue sur le territoire français depuis plus de trois mois et qu'elle ne pouvait dès lors prétendre au bénéfice du droit prévu par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles ; que, par suite, le ministre chargé des affaires sociales et de la santé ne pouvait légalement opposer à l'intéressée sa qualité de " résidente " pour refuser d'accéder à sa demande de bénéfice de l'aide médicale d'Etat à titre humanitaire sur le fondement des dispositions du second alinéa de ce même article ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé de l'action sociale en date du 11 octobre 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'il y a lieu d'ordonner au ministre des solidarités et de la santé de procéder au réexamen de la situation de Mme A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat (...) " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 2 000 euros à verser à MeC... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 avril 2012 et la décision du ministre chargé de l'action sociale du 11 octobre 2010 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des solidarités et de la santé de procéder au réexamen de la situation de Mme A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C...la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAULe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 16PA01131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01131
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : IZADPANAH

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-29;16pa01131 ?
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