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07/07/2017 | FRANCE | N°17PA00414

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 07 juillet 2017, 17PA00414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Brigitte Ermel Joaillier a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, pour un montant total de 87 812 euros, assorti des intérêts de retard.

Par un jugement n° 1516803/2-2 du 7 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 2 févri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Brigitte Ermel Joaillier a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, pour un montant total de 87 812 euros, assorti des intérêts de retard.

Par un jugement n° 1516803/2-2 du 7 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 2 février et 16 juin 2017, la SARL Brigitte Ermel Joaillier, représentée par Me Rochmann, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1516803/2-2 du 7 décembre 2016 ;

2°) de prononcer le dégrèvement des impositions en litige ;

3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 87 812 euros acquittée suite à l'avis de mise en recouvrement en date du 30 janvier 2015, assorti des intérêts de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition méconnaît les droits et garanties reconnus au contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A et du 3° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- la demande d'avis préalable du 20 juillet 2011 avait pour objet la mise en place d'un projet de recherche et développement en vue de modifier en profondeur les méthodes de conception et de production de la société par l'intermédiaire de logiciels de conception 3D ;

- la conception des quatre prototypes de bijoux en cause procède de l'utilisation d'un nouveau procédé consistant en l'utilisation du logiciel de CAO Solidwork et relève bien à ce titre de travaux de recherche expérimentale éligibles au crédit d'impôt sollicité ;

- la société a fait avancer l'état des techniques existantes en mettant en place des produits et procédés ayant un caractère de nouveauté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SARL Brigitte Ermel Joaillier n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Rochmann, avocat de la SARL Brigitte Ermel Joaillier.

Une note en délibéré présentée pour la SARL Brigitte Ermel Joaillier a été enregistrée le 21 juin 2017.

1. Considérant que la SARL Brigitte Ermel Joaillier, qui exerce une activité de conception de pièces de joaillerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur les exercices clos en 2011 et 2012, au terme de laquelle elle a été assujettie aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en litige à raison de la remise en cause par l'administration de crédits d'impôt recherche dont la société s'estime titulaire au titre de dépenses exposées dans le cadre de son activité ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, pour un montant total de 87 812 euros, assorti des intérêts de retard ; qu'elle relève appel du jugement n° 1516803/2-2 du 7 décembre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;

Sur l'application de la loi :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) Les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) " ; et qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. " ;

3. Considérant que la SARL Brigitte Ermel Joaillier soutient que les projets de réalisation d'une manchette composée de nombreux éléments articulés selon deux axes, d'un système de boucles d'oreilles adaptables à tout type de création, portables sur toute morphologie et sécurisées, de fabrication d'un collier et d'un bracelet nécessitant une modélisation mathématique, de conception d'une bague représentant un camélia, qui ont fait l'objet d'une conception assistée par ordinateur au moyen du logiciel CAO Solidwork couplé à une imprimante 3D, constituent des travaux de développement expérimental dès lors qu'ils ont été réalisés grâce au recours à de nouvelles méthodes de conception et qu'ils ont permis de développer des prototypes correspondant à des modèles imaginés sur papier grâce à la collaboration entre des joaillers et des infographistes ;

4. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent ; qu'en particulier, il doit procéder à l'examen concret de la production de l'entreprise en vue de déterminer si les projets en cause peuvent être regardés comme apportant des améliorations substantielles présentant un caractère de nouveauté ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la conception de la manchette, du système de boucles d'oreilles modulaire et des autres bijoux complexes mentionnés ci-dessus au point 3 a fait appel à des techniques existantes et n'a résolu aucune incertitude scientifique ou technique ; qu'ainsi en l'état du dossier, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que les projets développés par la société requérante, auraient, au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts susmentionné, un caractère de recherche fondamentale apportant une contribution théorique ou expérimentale à la résolution de problèmes techniques, ni un caractère de recherche appliquée visant à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance, ni un caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes permettant la production de nouveaux bijoux, qui ne découleraient pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes ; que, par suite, alors même que la SARL Brigitte Ermel Joaillier aurait résolu les problématiques qui se posaient avant les études qu'elle a conduites telles que l'articulation selon deux axes de nombreux éléments indépendants, le phénomène de cloquage ou la sécurisation d'un système de clip à caractère universel, les projets en cause ne peuvent être regardés comme apportant des améliorations substantielles présentant un caractère de nouveauté ; que, dès lors, si la société requérante soutient en outre que les procédés mis en oeuvre ont nécessité la collaboration de joailliers et infographistes venant d'univers différents, c'est à bon droit que l'administration fiscale n'a pas admis l'éligibilité de ces projets au bénéfice du crédit d'impôt recherche ;

Sur le bénéfice de la doctrine :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / (...) 3° Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de trois mois à un redevable de bonne foi qui a demandé, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'avant-dernier alinéa du 2°, si son projet de dépenses de recherche est éligible au bénéfice des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts. (...) " ;

7. Considérant que la SARL Brigitte Ermel Joaillier soutient que la procédure d'imposition méconnaîtrait les droits et garanties reconnus au contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A et du 3° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales au motif que, le service n'ayant pas répondu dans un délai de trois mois à la demande d'avis préalable qu'elle aurait présentée le 20 juillet 2011 relatif à l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de l'acquisition du logiciel Solidworks couplé à une imprimante 3D, cette demande devrait être regardée comme implicitement acceptée ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que le courrier du 20 juillet 2011, dont la société requérante ne s'est au demeurant prévalue que postérieurement aux opérations de contrôle et au recours hiérarchique exercé, qui ont pourtant essentiellement porté sur le crédit d'impôt recherche en litige, se borne à évoquer un projet informatique de recours au logiciel Solidworks couplé à un outil de prototypage, telle une imprimante 3D, afin de moderniser ses méthodes de travail, de conserver un lien privilégié avec ses clients, d'optimiser la conception et la production, de réaliser un gain de productivité et de conquérir de nouveaux marchés sans nullement évoquer les projets de fabrication de bijoux tels que décrits au point 3 ci-dessus que la société considère comme éligibles au crédit d'impôt recherche ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Brigitte Ermel Joaillier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, pour un montant total de 87 812 euros, assorti des intérêts de retard ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant au remboursement de la somme acquittée pour le recouvrement de l'imposition en litige ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Brigitte Ermel Joaillier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Brigitte Ermel Joaillier et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (direction de contrôle fiscal Ile-de-France - division juridique Est).

Délibéré après l'audience du 20 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 juillet 2017.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00414
Date de la décision : 07/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MAISON ECK SCP AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-07;17pa00414 ?
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