Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 20 octobre 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1609334 du 31 mai 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2017, M. E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement précité du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre en charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen approfondi de la situation personnelle du requérant ;
- le jugement est entaché d'erreurs de fait dès lors qu'il justifie par les pièces produites de l'ancienneté de la communauté de vie avec son épouse, de sa résidence habituelle en France depuis 2009 et de son intégration professionnelle
- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la vie personnelle et familiale de l'intéressé ;
- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. E..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 20 octobre 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...est entré sur le territoire français depuis le mois d'août 2009 et y réside depuis de manière continue ; qu'après s'être marié une première fois avec une ressortissante de nationalité française en janvier 2013, il s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'entre sa séparation avec cette dernière et le prononcé de son divorce le 29 mars 2016, il a rencontré une autre ressortissante de nationalité française, Mme A...D..., avec laquelle il établit vivre en concubinage depuis le mois de février 2015 et qu'il a épousé le 13 août 2016 ; que, dans les circonstances de l'espèce, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français pris à l'encontre de M. E...ont porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ; que
M. E...est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance pour l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. E...un titre de séjour au titre de sa " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 31 mai 2017 et la décision du
20 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. E...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à Me B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA02091