Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 1701734/6-1 du 9 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juillet 2017 et 6 juin 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701734/6-1 du 9 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté devant ce tribunal ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne lui ayant à aucun moment demandé de communiquer les éléments manquants à l'appui de sa demande, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; le préfet de police n'a pas davantage sollicité directement auprès de lui les pièces demandées à son employeur sans succès ; il n'a d'ailleurs pas été informé que de nouveaux documents étaient nécessaires pour l'examen de sa demande, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; il n'est pas établi que le préfet de police aurait pris la même décision de refus de séjour en l'absence de cet avis irrégulier de la DIRECCTE ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation tant professionnelle que familiale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation tant professionnelle que familiale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 juin 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, né le 16 décembre 1979, entré en France en 2004 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 décembre 2016, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire. M. B... relève appel du jugement n° 1701734/6-1 du 9 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Pour refuser la délivrance à M. B... du titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a estimé, en premier lieu, que les éléments qu'avait fait valoir l'intéressé, appréciés notamment au regard de la durée de sa résidence habituelle sur le territoire français, ne pouvaient être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, en deuxième lieu, que le fait de disposer d'un contrat de travail en qualité de manoeuvre ne constituait pas à lui seul un motif exceptionnel au sens de cet article, en troisième lieu, que la situation de M. B..., appréciée également au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi auquel il postulait, ne permettait pas davantage de le regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel et, enfin, au surplus, que le service de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avait émis le 7 octobre 2016 un avis défavorable au motif que la demande de pièces complémentaires adressée à l'employeur de l'intéressé était demeurée sans réponse. Le préfet a enfin précisé que M. B...était célibataire, sans charge de famille en France et n'était pas démuni d'attaches familiales à l'étranger, pour en conclure qu'il ne remplissait aucune des conditions prévues par l'article L. 313-14 pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou " salarié ".
3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".
4. La demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. Le préfet de police n'est ainsi pas tenu de saisir la DIRECCTE afin que cette dernière accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire, l'autorisation de travail visée à l'article L. 5221-2 du code du travail. Il est toutefois toujours loisible à l'autorité préfectorale, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de saisir cette direction pour recueillir son avis sur le projet d'emploi salarié invoqué par le demandeur à l'appui de sa demande de titre de séjour.
5. En l'espèce, la DIRECCTE n'a pas été saisie d'une demande d'autorisation de travail pour le compte du requérant mais a été seulement saisie, pour avis, par le préfet de police dans le cadre de l'instruction d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La DIRECCTE n'était ainsi pas saisie d'une demande au sens de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, l'autorisation de travail prévue par l'article L. 5221-2 du code du travail n'est pas au nombre des pièces et informations dont la production est exigée pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait dû lui indiquer que son employeur n'avait pas répondu à une demande de pièces adressée par la DIRECCTE avant que de rejeter sa demande de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à
l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. Si M. B... se prévaut d'une résidence continue en France depuis 2004, les pièces qu'il produit à l'appui de cette affirmation au titre des années 2006 à 2009 incluses ne permettent pas d'en justifier. A cet égard, il ressort de la " fiche de salle " produite en défense par le préfet de police que l'intéressé a déclaré être entré en France en dernier lieu en 2009. Si M. B...fait valoir qu'il a travaillé en France dans le secteur du bâtiment entre novembre 2009 et décembre 2010, puis entre février 2012 et décembre 2012 et enfin, dans la même entreprise depuis 2015, il ne fait par ailleurs état d'aucune formation ou qualification professionnelle particulière ni d'aucun autre élément caractérisant une particulière intégration professionnelle ou sociale. Notamment, il ressort des pièces du dossier qu'il a déclaré aux services de police, lors de son interpellation, qu'il exerçait le métier de mécanicien " au noir ". Si M. B... se prévaut d'une relation de concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour d'un an, il a déclaré être célibataire tant auprès des services de la préfecture lors de l'examen de sa demande de titre de séjour qu'auprès des services de police lors de son interpellation et être hébergé chez son cousin. Enfin, l'intéressé ne saurait se prévaloir de la naissance d'un enfant postérieurement à la décision en litige. Au demeurant, il a indiqué lors de son interpellation que cet enfant n'était pas à sa charge. Par ailleurs, si M. B... fait état de la présence en France de son père et de son frère, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et sa soeur et où il a vécu à tout le moins jusqu'à l'âge de 25 ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne justifiait pas d'un motif exceptionnel ou d'une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Au regard de la situation de M. B... telle que décrite au point 8, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Pour les motifs exposés ci-dessus, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte, et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 janvier 2019.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02309