Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association coordination des oeuvres sociales et médicales (COSEM) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 février 2016 de l'inspectrice du travail refusant d'autoriser le licenciement pour faute de MmeB..., ainsi que la décision du 19 août 2016 de la ministre chargée du travail rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement n° 1618433/3-3 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 février 2018, 7 mars 2018 et 7 mai 2019, l'association COSEM, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 12 décembre 2017 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail compétent de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme B...;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le COSEM a engagé la procédure disciplinaire moins de deux mois après avoir identifié Mme B...comme étant auteur des faits fautifs ;
- les faits reprochés sont matériellement établis, Mme B...ayant détourné à son profit, par divers procédés, des sommes réglées en espèce par des patients ;
- ces actes ont causé un important préjudice financier et d'image au COSEM ; ils ont également indirectement affecté la rémunération des praticiens ayant effectué les actes en cause ;
- ces actes sont suffisamment graves pour justifier un licenciement ;
- la demande de licenciement est sans lien avec le mandat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, Mme B...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge du COSEM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de licenciement formée à son égard s'inscrit dans un contexte de discrimination syndicale ;
- elle repose sur des griefs totalement fallacieux ;
- si des factures ont été annulées, elles n'ont pu l'être qu'à la demande des médecins ou des patients ;
- les pièces versées au dossier par la partie adverse n'ont aucun caractère probatoire ;
- les faits présentés par le COSEM comme des détournements de fonds qui ne sont en réalité que des discordances entre les facturations et les actes médicaux réalisés ont été connus par le COSEM dans des délais bien antérieurs aux deux mois avant la convocation à l'entretien préalable du 30 novembre 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle indique s'en remettre à ses écritures de première instance.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant le COSEM et de MeC..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B...a été recrutée par l'Association de coordination des oeuvres sociales et médicales (COSEM) en contrat à durée déterminée le 20 décembre 2008, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 20 février 2009 pour exercer les fonctions d'hôtesse d'accueil des patients. Le 9 octobre 2014, MmeB..., qui est membre suppléante du comité d'entreprise et déléguée du personnel depuis 2010, a été réélue à ces fonctions. Le 8 avril 2013, le Comité d'entreprise a mandaté un cabinet d'expertise comptable afin de l'assister dans l'examen des comptes de l'exercice 2012 et des comptes prévisionnels 2013. Le 25 juillet 2013, le COSEM a sollicité l'annulation de cette décision en référé devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 20 novembre 2013, a rejeté cette demande. Le 6 juin 2014, le COSEM a de nouveau assigné le Comité d'entreprise aux mêmes fins et il a été une nouvelle fois débouté par un jugement du 10 mars 2015 du tribunal de grande instance de Paris.
2. Dans ce contexte, Mme B...a, le 1er décembre 2015, fait l'objet d'une mesure de mise à pied, au motif qu'elle aurait commis des fautes en facturant des honoraires de médecin pour les annuler par la suite, étant en outre soupçonnée de vol en ce qu'elle aurait exigé des encaissements d'honoraires en liquide pour elle-même, le COSEM ayant, au mois de janvier 2016, déposé contre elle une plainte pour vol. Par lettre du 18 décembre 2015, le COSEM a sollicité auprès de l'inspection du travail le licenciement pour motif disciplinaire de l'intéressée. Le 12 janvier 2016, l'inspectrice du travail a refusé le licenciement au motif que les faits qui étaient reprochés à l'intéressée n'étaient pas matériellement établis, qu'ils ne pouvaient lui être imputés, qu'ils n'étaient pas suffisamment graves pour justifier un licenciement, enfin qu'il existait un lien entre les mandats exercés et le licenciement. Le 15 avril 2016, le COSEM a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par décision du 19 août 2016, la ministre chargée du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail au motif que les faits qui lui étaient reprochés étaient prescrits et ne pouvaient dès lors faire l'objet d'une sanction. Le COSEM a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de ces deux décisions.
3. Par un jugement du 12 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête après, d'une part, avoir jugé que les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 février 2016 étaient irrecevables en raison de leur disparition de l'ordonnancement juridique, d'autre part que c'est à bon droit que la ministre chargée du travail avait considéré, dans sa décision du 19 août 2016, que les faits fondant la demande de licenciement étaient prescrits. Le COSEM relève appel de ce jugement, demande qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance, et qu'il soit enjoint à l'inspecteur du travail compétent de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de MmeB....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
5. Pour contester le jugement attaqué, le COSEM soutient que la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de Mme B...l'a été dans les délais prescrits par l'article L. 1332-4 du code du travail, que les faits qui lui sont reprochés sont matériellement établis et qu'ils lui ont notamment causé un important préjudice financier. Toutefois, les enquêtes relatives au fonctionnement du service de radiologie où est affectée Mme B...depuis le 23 avril 2015, qui se sont tenues dans les locaux de l'inspection du travail puis dans ceux de l'entreprise au début de l'année 2016, ont mis en évidence le fait qu'aucune procédure écrite n'était mise en place concernant l'utilisation des deux logiciels utilisés par les chargées d'accueil. Celles-ci ont toutes confirmé qu'existait la possibilité d'annuler des factures alors que les actes médicaux afférents avaient bien eu lieu, notamment lorsque l'acte médical était modifié. Il ressort également des pièces du dossier que, non seulement les attestations fournies par l'employeur sont identiques les unes aux autres, sans jamais mettre directement en cause MmeB..., mais que des factures créées par d'autres chargées d'accueil ont également été supprimées alors que des actes médicaux avaient bien eu lieu. Dès lors, la matérialité des faits retenus à l'encontre de la salariée, qui n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, ne saurait être regardée comme établie, lesdits faits apparaissant au demeurant prescrits au moment de la demande d'autorisation de licenciement. De surcroît, il ressort des pièces du dossier, compte tenu du contexte social dans lequel Mme B...exerçait ses fonctions, lequel était particulièrement tendu depuis plusieurs années, que le licenciement envisagé n'était pas dénué de tout lien avec les mandats détenus par l'intéressée.
6. Il résulte de ce qui précède que le COSEM n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le COSEM demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du COSEM la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais à verser à MmeB....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du COSEM est rejetée.
Article 2 : Le COSEM versera à MmeB... une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association coordination des oeuvres sociales et médicales (COSEM), à la ministre du travail et à Mme A...B....
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA00483