Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 12 septembre 2016 par lesquelles le préfet de la région Ile-de-France l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de trois locaux dont il est propriétaire au 313 rue de Vaugirard à Paris dans un délai de trois mois, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°s 1703944, 1703945, 1703947 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 septembre 2018, M. F... B..., représenté par Me I... G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les trois décisions du préfet de la région Ile-de-France du 12 septembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- les décisions contestées n'ont pas été précédées d'une information préalable sur la nature des mesures susceptibles d'être prises à son encontre ;
- les rapports du service technique de l'habitat de la ville de Paris ne lui ont été communiqués qu'après son recours gracieux ;
- le préfet de la région Ile-de-France qui s'est uniquement fondé sur la méconnaissance du règlement sanitaire départemental ne pouvait automatiquement en déduire qu'une superficie de chacun des locaux inférieure à 9m2 les rendaient impropres à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ;
- les lots n°18 et 25 qui ont été entretemps réunis par la suppression d'une cloison forment une pièce principale de 12,5m2 ; la cour qui statue comme juge de plein contentieux doit constater que l'exiguïté ne saurait fonder les arrêtés au jour de sa décision ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il pouvait être remédié à l'exigüité de chacune des pièces par un remaniement intérieur et que les locaux n'étaient pas, de ce fait, impropres par nature à l'habitation.
Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de la construction et de l'habitation,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire de deux lots situés au 313 rue Vaugirard à Paris, divisés en trois logements. Après une enquête effectuée le 17 juin 2016 par des inspecteurs assermentés service technique de l'habitat de la ville de Paris, le préfet de la région Ile-de-France a, par trois décisions du 12 septembre 2016, mis en demeure M. B... de mettre fin à l'occupation aux fins d'habitation de ces logements dans un délai de trois mois. Par une décision du 3 janvier 2017, le préfet d'Ile-de-France a rejeté le recours gracieux formé par M. B.... M. B... relève appel du jugement nos 1703944, 1703945, 1703947 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces mises en demeure.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B... a soulevé devant le tribunal administratif de Paris le moyen tiré de ce que l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, qui n'est applicable qu'aux locaux par nature impropres à l'habitation, ne trouvait pas à s'appliquer en l'espèce dès lors qu'ainsi que l'avait implicitement admis le préfet dans la décision du 3 janvier 2017 rejetant son recours gracieux, il pouvait être remédié à l'exigüité des locaux mis en location par des aménagements techniques susceptibles de permettre la régularisation administrative de la situation. Les premiers juges, qui se sont bornés à relever que la réunion des deux pièces constituant le lot n° 25 en un seul logement n'était pas suffisamment établie par les documents photographiques joints à la demande et que la mise en demeure de faire cesser définitivement l'occupation aux fins d'habitation des trois locaux en cause n'était pas sans proportion avec le but poursuivi par cette mesure de police, n'ont pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Leur jugement doit donc être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les demandes de M. B... :
En ce qui concerne les deux locaux formant le lot de copropriété n° 25 :
4. Il résulte de l'instruction que le lot de copropriété n°25 a été divisé en deux par une cloison et que les deux chambres issues de cette division ont été données en location. Par un arrêté n°16010287 du 12 septembre 2016, le préfet de Paris a enjoint M. B..., sur le fondement de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique de faire cesser définitivement l'occupation à fin d'habitation du local dit pièce A (6eme étage, 3eme porte à droite). Par un arrêté n° 16010303 du même jour, il a mis en demeure ce propriétaire de faire cesser définitivement l'occupation du local adjacent dit pièce B (6eme étage, 2eme porte à droite).
5. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe ".
6. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au préfet d'apprécier si les caractéristiques propres d'un local particulièrement exigu font obstacle de manière structurelle et pérenne à ce qu'il soit utilisé comme logement, en tenant compte des aménagements réalisés et de l'importance des imperfections qui subsisteraient au terme de ces améliorations.
7. En premier lieu, saisi d'un recours gracieux par lequel M. B... contestait que les locaux constituent des logements distincts, le préfet a implicitement admis dans la décision du
3 janvier 2017 qu'il pouvait être remédié à l'exigüité des locaux mis en location par des aménagements techniques susceptibles de permettre la régularisation administrative de la situation. Les deux locaux n'étaient donc pas par nature impropres à l'habitation. M. B... est fondé à soutenir que les deux arrêtés visant les chambres constituant le lot n°25 sont entachés d'erreur de droit.
8. Par ailleurs, le présent litige relève du contentieux de pleine juridiction. Il appartient donc à la Cour de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle elle statue.
9. S'il résulte de l'instruction qu'à la date des décisions attaquées, les deux logements issus du lot n°25, étaient mis à en location séparément sous la forme de logement distincts, les photographies versées par le requérant permettent de constater que depuis cette date M. B... a créé une ouverture qui relie ces deux pièces. Le nouveau logement ainsi formé dispose désormais de deux pièces, de deux ouvertures et d'une surface habitable d'environ 10,89 m², de sorte que sa structure actuelle ne le rend pas par nature impropre à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. Les deux arrêtés attaqués sont donc également entachés d'une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de ce qui précède que les arrêtés n°16010287 et n° 16010303 du
12 septembre 2016 doivent être annulés.
En ce qui concerne le local formant le lot de copropriété n°18 :
11. Par un arrêté n°16010289 du 12 septembre 2016, le préfet de Paris a également enjoint M. B..., sur le fondement de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique de faire cesser définitivement l'occupation à fin d'habitation du local dit pièce C (6eme étage, 3eme porte à gauche) correspondant au lot de copropriété n° 18. Cette chambre n'est pas contigüe aux deux précédentes, constituant le lot n°25 dont la situation a été précédemment évoquée.
12. En premier lieu, par un arrêté no 2016.04.13-004 du 13 avril 2016, publié au recueil des actes administratifs spécial no 75-2006-006 du 14 avril 2016, le préfet de la région
d'Ile-de-France, préfet de Paris, a donné délégation au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France à fin de signer notamment en matière d'habitat, les mises en demeure de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation, des locaux par nature impropres à l'habitation. Ce même arrêté précise en son article 2 qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. J... A..., directeur général, la délégation était donnée à M. C... H..., délégué territorial de Paris, signataire des arrêtés attaqués. Le requérant n'établit pas que le précédent délégataire n'aurait pas été absent ou empêché. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
13. En second lieu, les mesures prévues par les dispositions précitées de l'article
L. 1331-22 du code de la santé publique, qui présentent le caractère de mesures de police, doivent être précédées, en application des dispositions combinées des articles L. 121-1 et
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, d'une information préalable de la personne mise en demeure, qui doit être mise à même de présenter des observations sur les mesures que l'administration envisage de prendre.
14. Par un courrier du 7 juillet 2016, le préfet de la région Ile-de-France a informé M. B... de ce que les trois locaux dont il est propriétaire et qu'il mettait à disposition avaient fait l'objet d'une enquête par des inspecteurs assermentés du service technique de l'habitat de la ville de Paris ayant permis de révéler qu'eu égard à leur surface, ils étaient par nature impropres à l'habitation et que la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique était engagée. Par suite, M. B..., qui était informé des résultats des rapports du 17 juin 2016 et des mesures susceptibles d'être prises par le préfet Ile-de-France et a par ailleurs fait valoir ses observations dans un courrier du 7 novembre 2016, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.
15. En troisième lieu, il ressort de la motivation des décisions contestées ainsi que de ses courriers du 7 juillet 2016 et du 3 janvier 2017, que le préfet de la région Ile-de-France, s'il a apprécié les conditions d'habitabilité au vu notamment du règlement sanitaire départemental, ne s'est pas uniquement fondé sur les dispositions de ce dernier mais a procédé à une appréciation d'ensemble du local, en relevant que sa configuration et ses caractéristiques ne permettent pas l'hébergement de personnes dans des conditions conformes à la dignité humaines et sont susceptibles de nuire à leur santé. Dès lors, le préfet de la région Ile-de-France, qui n'a pas déduit de la seule méconnaissance des dispositions du règlement sanitaire départemental prescrivant une surface habitable minimale la qualification de local par nature impropre à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 précité, n'a pas commis d'erreur de droit.
16. En quatrième lieu, il ne résulte pas du plan des lieux que le local correspondant au lot n° 18 serait susceptible de former un seul logement avec les pièces formant le lot n° 25 ni qu'un quelconque aménagement serait susceptible de remédier à l'exigüité de ce local.
17. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'inspecteur assermenté du 17 juin 2016, que ce logement mis à disposition par M. B... aux fins d'habitation présente une surface habitable de 5,6 m², une seule ouverture et qu'il est dépourvu de système de ventilation. Compte tenu des caractéristiques de ce lot, dont la surface est très sensiblement inférieure à la surface minimale de 9 m² prescrite par le règlement sanitaire départemental et qui, de par sa structure, ne peut faire l'objet d'une mise à une habitation conforme à la dignité de la personne humaine, le moyen tiré de ce que le préfet de la région Ile-de-France aurait commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il était par nature impropre à l'habitation doit être écarté.
18. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté n°16010289 du 12 septembre 2016 est entaché d'illégalité.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés n°16010287 et n° 16010303 du préfet de la région Ile-de-France du
12 septembre 2016 portant sur les deux locaux composant le lot n°25 de l'immeuble sis 313 rue de Vaugirard sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera transmise au préfet de la région Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. E..., premier vice-président,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
Le rapporteur,
Ch. D...Le président,
M. E...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA03078