Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 juin 2016 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice en France de la profession de médecin dans la spécialité " anesthésie-réanimation ", ensemble la décision du 4 octobre 2016 ayant rejeté son recours gracieux contre cette décision.
Par un jugement n° 1622368 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018 et un mémoire de régularisation enregistré le 12 juillet 2019, Mme E..., représentée par Me D... A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 2 juin 2016 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice en France de la profession de médecin dans la spécialité " anesthésie-réanimation ", ensemble le rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle remplit les conditions de diplôme et d'expérience exigées par le IV de l'article 83 de la loi n°2006-1640 décembre 2006 ;
- les chefs de service ont formulé des avis favorables ;
- les difficultés d'intégration aux équipes médicales sont limitées à une expérience de six mois à l'hôpital de la Conception à Marseille de mai à novembre 2015.
Par un mémoire, enregistré le 24 février 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les rapports d'évaluation ont mis en lumière des graves difficultés relationnelles dans tous les postes que Mme F... E... a occupés.
Par une décision du 9 avril 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris a accordé à Mme E... l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi de financement de la sécurité sociale n°2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante biélorusse, titulaire d'un diplôme de médecin délivré le 27 juin 1998 par l'école supérieure de médecine de Minsk, ainsi que d'un diplôme de spécialiste en anesthésiologie-réanimation chirurgicale délivré le 2 juillet 1999 par la même université, a sollicité l'autorisation d'exercer la profession de médecin dans la spécialité " anesthésie-réanimation " au titre des dispositions du IV de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007. Après un avis défavorable de la commission d'autorisation d'exercice rendu le 17 février 2016, le ministre de la santé a refusé à l'intéressée, le 2 juin 2016, l'autorisation d'exercer la médecine en France dans la spécialité " anesthésie-réanimation ". Mme E... relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 2 juin 2016, ensemble le rejet par le ministre de son recours gracieux.
2. Aux termes des dispositions du IV de l'article 83 de la loi n°2006-1640
décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) Les praticiens se présentent à une épreuve de vérification des connaissances, organisée chaque année jusqu'en 2016, dès lors qu'ils justifient : 1° Avoir exercé des fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le
31 décembre 2011 ; 2° Avoir exercé trois ans en équivalent temps plein dans des conditions fixées par décret à la date de clôture des inscriptions à l'épreuve à laquelle ils se présentent. (...). Les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes ayant satisfait à l'épreuve de vérification des connaissances exercent durant une année probatoire des fonctions rémunérées, dans des conditions fixées par décret, dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d'intérêt collectif. A l'issue de cette année probatoire, l'autorisation d'exercer leur profession peut leur être délivrée par le ministre chargé de la santé, qui se prononce après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique ou du Conseil supérieur de la pharmacie. Les fonctions exercées avant la réussite à cette épreuve peuvent être prises en compte après avis de ces mêmes instances, dans des conditions fixées par décret. Les modalités d'organisation de l'épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sont fixées par décret. ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'une précédente demande d'autorisation d'exercer la médecine avait été rejetée par le ministre chargé de la santé le 19 janvier 2012, refus confirmé le 27 avril 2012, au motif que Mme E... " rencontrait de manière récurrente de sérieuses difficultés relationnelles qui compromettaient son intégration au sein d'une équipe alors même que la spécialité d'anesthésie réanimation requérait tout particulièrement et pour des raisons de sécurité notamment, de réelles capacités de travail en équipe ". Le ministre lui avait alors recommandé d'effectuer une année supplémentaire de fonctions hospitalières sur un nouveau poste en lui demandant de " s'intégrer au mieux au sein de l'équipe en place ".
4. De janvier 2012 à janvier 2014, Mme E... ne justifie pas avoir exercé d'activités hospitalières. Elle a ensuite fait partie de l'équipe médicale du service anesthésie réanimation du centre hospitalier de Saverne de février 2014 à février 2015, puis a servi comme praticien hospitalier associé dans le service d'anesthésie réanimation de l'hôpital de la Conception dépendant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille de mai à novembre 2015. A la suite de ces deux expériences professionnelles supplémentaires, elle a sollicité à nouveau le bénéfice des dispositions du IV de l'article 83 de la loi n°2006-1640 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.
5. Pour rejeter sa demande, par la décision contestée du 2 juin 2016, confirmée le
4 octobre 2016 sur recours gracieux, le ministre chargé de la santé a relevé que si le responsable du service d'anesthésie réanimation du centre hospitalier de Saverne l'avait créditée de connaissances théoriques satisfaisantes (notées B), ses autres notes étaient uniformément moyennes (classées C) s'agissant notamment de son intégration dans l'équipe médicale et paramédicale et de ses capacités relationnelles avec les patients, les familles, les confrères et les autres membres du personnel. L'évaluation du chef du service d'anesthésie réanimation de l'hôpital de la Conception à Marseille est, quant à elle, encore plus négative puisque les capacités relationnelles avec les confrères et les équipes non-médicales sont notées D (mauvaises). Il ressort par ailleurs des autres pièces du dossier que la version originale de cette évaluation portait l'appréciation manuscrite : " médecin ayant de bonnes connaissances médicales mais présentant de gros problèmes d'intégration et d'adaptation avec les équipes médico-chirurgicales ".
6. Si Mme E... fait valoir que ses difficultés d'intégration à Marseille répondent à une situation particulière et qu'elles ont été isolées, ces allégations sont démenties par l'ensemble des pièces du dossier qui font état de problèmes relationnels récurrents, avec une intensité variable, dans les services hospitaliers où elle est intervenue. Si elle soutient avoir fait beaucoup d'efforts pour avoir une entente correcte avec ses collègues du corps médical, ses efforts n'ont pas porté de fruit et l'existence des difficultés relationnelles doit être regardée comme établie. Si la requérante soutient également que la précarité de sa situation ne lui a pas permis de développer l'entente qu'elle aurait souhaité avec ses confrères, il ressort des pièces du dossier que les rapports professionnels et humains compliqués qu'elle entretenait avec eux ne sont pas étrangers à son instabilité professionnelle. Enfin, si les qualités d'anesthésiste de
Mme E... ne sont pas véritablement en cause, ses difficultés d'intégration dans une équipe médicale constituent un obstacle à l'exercice de sa pratique dans des conditions optimales pour le patient. Dès lors, en se fondant sur la persistance de ses difficultés d'intégration dans les équipes médicales de plusieurs services et établissements, relevée par la commission d'autorisation d'exercice qui a rendu à l'unanimité un avis défavorable, pour refuser à
Mme E... l'autorisation qu'elle sollicitait, le ministre des affaires sociales et de la santé n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le conseil de la requérante sur le fondement de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Me A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., au ministre des solidarités et de la santé et à Me D... A....
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2020.
L'assesseur le plus ancien,
M-C... Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,
Ch. B...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N°18PA03863