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16/02/2021 | FRANCE | N°20PA01872

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 16 février 2021, 20PA01872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. P... B..., Mme M... G... épouse B..., M. Q... S..., M. J... D..., Mme C... R... épouse F..., M. V... R..., et la SCI Lotus C5, ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le permis de construire délivré le

6 juin 2019 par le ministre du logement et de l'aménagement du territoire en charge des transports interinsulaires à M. H... O..., mandataire de M. N... I..., pour des travaux de construction d'un bâtiment de 52 logements sis à la résidence " le Parc du Lotus "

à Punaauia.

Par un jugement n° 1900301 du 25 février 2020, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. P... B..., Mme M... G... épouse B..., M. Q... S..., M. J... D..., Mme C... R... épouse F..., M. V... R..., et la SCI Lotus C5, ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le permis de construire délivré le

6 juin 2019 par le ministre du logement et de l'aménagement du territoire en charge des transports interinsulaires à M. H... O..., mandataire de M. N... I..., pour des travaux de construction d'un bâtiment de 52 logements sis à la résidence " le Parc du Lotus " à Punaauia.

Par un jugement n° 1900301 du 25 février 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, M. P... B..., représenté par Me Jourdainne, demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif du 25 février 2020 ;

2°) d'annuler le permis de construire 18-1257-7MAL.AU du 6 juin 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 250 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le compromis de vente dont se prévaut le bénéficiaire du permis et qui lui confère un droit de passage et d'utilisation des réseaux a été conclu avec la SCI Le Lotus qui légalement n'existe pas ;

- la SCI Marina Lotus n'avait aucun droit sur l'accès aux réseaux et aux espaces communs du lotissement ;

- la Polynésie française qui était au courant de cette situation ne pouvait pas accorder le permis dès lors que le pétitionnaire ne disposait d'aucun droit de passage ni d'accès aux réseaux et que sa propriété était, de ce fait, enclavée.

Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2020 la SARL Parc du Lotus conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association syndicale libre du Lotus la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'appel ne lui a pas été notifié en méconnaissance de l'article R.600-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2020, la Polynésie française représentée par Me E... T..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que :

- le recours n'a pas été notifié en méconnaissance de l'article R.600-1 du code de l'urbanisme ;

- le pétitionnaire a justifié par la production d'un compromis de vente de son droit à construire ;

- l'administration, qui s'en tient aux apparences, n'a pas à s'assurer de la validité du droit d'utilisation sur les voies et réseaux que produit le pétitionnaire ;

- la propriété n'est pas enclavée.

La clôture de l'instruction est intervenue le 7 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- et les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 6 juin 2019 à M. H... O..., mandataire de M. N... I..., pour des travaux de construction d'un bâtiment de 52 logements sis à la résidence " le Parc du Lotus " à Punaauia.

2. D'une part, aux termes de l'article LP 114-6 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " (...) § 2. Les autorisations de travaux immobiliers ne peuvent être accordées que si les travaux, constructions et aménagements projetés sont conformes aux dispositions réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...). / § 3. L'autorité compétente en matière d'urbanisme vérifie, avant d'accorder une autorisation de travaux immobiliers, la conformité du projet avec les dispositions réglementaires mentionnées au §.2. (...) / Les autorisations de travaux immobiliers sont délivrées sous réserve des droits des tiers. Il appartient aux personnes qui s'estiment lésées par la construction, l'aménagement ou les travaux d'engager les démarches nécessaires devant le tribunal compétent. (...). ".

3. D'autre part, aux termes de l'article A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " 1.- La demande d'autorisation de travaux immobiliers est établie conformément à un modèle type. / Elle est présentée : / (...) par le propriétaire ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article A. 114-9 du même code, la demande de permis de construire comporte " l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article A.114-8 pour déposer une demande de permis ". L'article D.141-6 du même code prévoit que : " La demande d'autorisation (...) doit être également accompagnée des titres, accords constitutifs de servitudes ou conventions relatifs au passage des voies et réseaux nécessaires au projet ou à leur protection. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que les demandes d'autorisation de travaux immobiliers doivent comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article

A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article

A. 114-8 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande.

5. En l'espèce, il ne se déduit pas de l'arrêt de la Cour d'appel de Papeete du

15 novembre 2001, rendu en matière fiscale dans une affaire opposant le Trésor public à la SCI Le Lotus, ni du jugement du tribunal civil de première instance de Papeete du 30 mai 2018, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 7 novembre 2019, dans un litige opposant la SCI Lotus et la SCI Marina Lotus à M. A..., liquidateur judiciaire de la SCI Lotus, rendu au sujet d'un versement de loyers et de recouvrement de créances fiscales, que la SARL Le Parc du Lotus, pétitionnaire, était dépourvue de tout droit à déposer, ainsi qu'elle l'a fait le 31 octobre 2018, une demande de travaux immobiliers sur les parcelles cadastrées n°105 et 171 section AP à Punaauia, ni que les permis délivrés le 6 juin 2019 auraient été obtenus par fraude.

6. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors si les titres, accords constitutifs de servitudes ou conventions relatifs au passage des voies et réseaux nécessaires au projet ou à leur protection doivent être joints à la demande, il n'appartient pas à l'administration polynésienne de vérifier la validité de ces titres, accords ou conventions permettant l'utilisation de la voie qui dessert la parcelle, quand bien même cette voie serait-elle privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique et qu'elle permet un accès suffisant.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les parcelles sur lesquelles la construction a été autorisée sont accessibles par des voies du lotissement Lotus. Ces voies, dont l'accès n'est pas restreint par une barrière, une clôture ou un dispositif visant à réserver l'accès aux seuls résidents du lotissement et à leurs invités doivent être réputées ouvertes à la circulation publique par le consentement tacite des résidents. Le pétitionnaire a justifié, par la production du compromis de vente conclu entre la SCI Marina Lotus et M. N... I..., d'un droit à utiliser les réseaux divers du lotissement Lotus et il n'appartenait pas à l'administration de vérifier la validité des droits dont se prévalait le pétitionnaire. M. B..., requérant, ne peut dès lors utilement soutenir que le pétitionnaire ne justifierait d'aucune autorisation régulière de desserte de la parcelle. Dès lors qu'il est constant que la parcelle est matériellement desservie par des voies permettant d'y accéder dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble, elle n'est pas enclavée. Pour le surplus, il incombe à M. B..., résident du lotissement le Lotus, s'il s'y croit fondé, de porter devant le tribunal compétent le différend portant sur une servitude de droit privé qui l'oppose au pétitionnaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non -recevoir opposées par les défenseurs, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française 25 février 2020.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser à la Polynésie française sur le fondement de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la SARL Parc du Lotus.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Parc du Lotus présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. P... B..., à la SARL Parc du Lotus et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

Le rapporteur,

Ch. BernierLe président,

M. Bouleau

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 20PA01872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01872
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL GROUPAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-16;20pa01872 ?
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