Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les deux arrêtés du 8 juin 2020 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne, d'une part, a prononcé son transfert aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile, et d'autre part, l'a assignée à résidence.
Par un jugement n° 2004586 du 27 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête n°20PA02837 enregistrée le 25 septembre 2020, Mme A... C... doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les deux arrêtés du préfet de Seine-et-Marne du 8 juin 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête n°20PA03972, enregistrée le 15 décembre 2020, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les deux arrêtés du préfet de Seine-et-Marne du 8 juin 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles n'a pas été exécuté dans le délai de six mois, en conséquence de quoi il est devenu caduc ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 et l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle avait bien compris ses droits lors de l'entretien individuel, que les brochures requises lui ont été remises dans une langue qu'elle comprend et qu'elle a été assistée d'un interprète ;
- il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que le préfet ne justifie pas que l'entretien individuel a été mené par une personne qualifiée ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché d'un défaut de base légale à raison de la caducité de l'arrêté de transfert sur lequel il se fonde.
Les requêtes ont été communiquées au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1.Mme C... de nationalité congolaise, née le 16 décembre 1993 à Kinshasa, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile aux autorités françaises le 26 mai 2020. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités espagnoles le 21 août 2019, le préfet de Seine-et-Marne a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge le 27 mai 2020. Celles-ci ont fait connaître leur accord le 1er juin 2020. Par deux arrêtés du 8 juin 2020, le préfet de Seine-et-Marne a alors décidé de remettre Mme C... aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, il l'a également assignée à résidence. L'intéressée relève appel du jugement du 27 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. La requête enregistrée sous le n° 20PA02837, présentée sans avocat par Mme C..., a été régularisée après que l'aide juridictionnelle lui a été accordée. Une nouvelle requête introduite par son conseil dont l'objet était identique a été introduite sous le n° 20PA03972. Le document enregistré sous le n°20PA03972 doit être rayé du registre du greffe de la Cour et joint à la requête n° 20PA02837 sur laquelle il est statué par le présent arrêt.
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
3. Aux termes de l'article 29 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert peut en demander l'annulation au président du tribunal administratif. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, et que ce délai recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort de tout ce qui précède que si le délai de six mois à compter de la décision d'acceptation des autorités espagnoles, imparti à l'administration pour procéder au transfert de Mme C..., a été interrompu par la saisine du tribunal administratif par l'intéressée, ce délai a recommencé à courir à compter du 8 septembre 2020, date à laquelle le jugement du tribunal administratif a été notifié au préfet. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale aurait notifié aux autorités espagnoles une décision de porter à un an ou dix-huit mois le délai de remise après avoir constaté que l'intéressée aurait pris la fuite ou qu'elle aurait été emprisonnée. Dans ces conditions, la décision de transfert est devenue caduque dès le
8 mars 2021. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 8 juin 2020 sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
6. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant reçu application, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation présentées par Mme C....
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation des décisions du 8 juin 2020, que la situation de Mme C... a fait l'objet d'un examen personnel.
8. En second lieu, le préfet de Seine-et-Marne produit en défense en première instance les premières pages des brochures figurant en annexe X du règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014 " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela
signifie ' " (brochure B) rédigées en langue française. La traduction par téléphone a permis de s'assurer que la requérante comprenait le contenu de celles-ci. Ces documents sont revêtus de l'indication de la date de remise, le 26 mai 2020 et de la signature de l'intéressée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié d'un entretien individuel qui s'est tenu le 26 mai 2020 à la préfecture de Seine-et-Marne, en langue lingala, que la requérante a déclaré lire, parler et comprendre, par le biais d'un interprète par téléphone, en présence d'un agent de la préfecture, dont il n'est pas établi qu'il ne saurait être considéré comme une personne qualifiée, le résumé de cet entretien ayant été produit par le préfet de Seine-et-Marne. Il s'ensuit que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée d'un tel entretien ou que celui-ci se serait déroulé de façon irrégulière.
10. En quatrième lieu, l'arrêté de transfert avait pour seul objet de remettre Mme C... aux autorités espagnoles responsables du traitement de sa demande d'asile et non de la renvoyer dans son pays d'origine. Il n'est pas établi que les autorités espagnoles ne seraient pas en mesure d'assurer le traitement de sa demande de protection internationale dans le respect des traités auxquels l'Espagne est partie. Mme C... ne justifie d'aucune attache forte sur le territoire français. En refusant de faire usage de la clause discrétionnaire prévue par le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
11. L'arrêté de transfert n'étant pas entaché d'illégalité, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté décidant son assignation à résidence.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2020 du préfet de Seine-et-Marne portant transfert aux autorités espagnoles.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. D..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
L'assesseur le plus ancien,
M-D. JAYER Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,
Ch. D... Le rapporteur,
Ch. D...Le président,
M. D...
Le greffier,
E. MOULIN
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°20PA02837, 20PA03972