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26/05/2021 | FRANCE | N°21PA01737

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2021, 21PA01737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, la Fédération CGT commerce, distribution et services d'une part, Mme A..., M. G..., Mme O..., Mme D..., M. C..., et M. I... d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

24 septembre 2020 par laquelle le directeur des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Samsonite.

Par un jugement n° 2019553-

2019554 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris, après les avoir join...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, la Fédération CGT commerce, distribution et services d'une part, Mme A..., M. G..., Mme O..., Mme D..., M. C..., et M. I... d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

24 septembre 2020 par laquelle le directeur des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Samsonite.

Par un jugement n° 2019553-2019554 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 avril 2021, et un mémoire enregistré le 12 mai 2021, la Fédération CGT commerce, distribution et services, Mme A..., M. G..., Mme O..., Mme D..., M. C..., et M. I..., représentés par la SELARL Campagnolo, demandent à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 24 septembre 2020 par laquelle le directeur des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Samsonite ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Samsonite la somme de 1 000 euros à verser à chaque requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la déloyauté de la procédure d'information du comité social et économique et à l'ensemble de ses arguments ;

- la DIRRECTE n'a pas correctement contrôlé la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ;

- ainsi la décision vise des réponses de l'employeur inexistantes ;

- elle a homologué le plan alors que l'employeur n'avait pas satisfait à ses demandes de produire des documents qu'elle jugeait indispensables ;

- la procédure de consultation du comité social et économique a été déloyale ;

- le comité social et économique, qui a été saisi de documents comptables incomplets ou contradictoires sans que l'expert soit mis en mesure de l'éclairer, n'a pas pu se prononcer en connaissance de cause ;

- la société n'a pas communiqué à la DIRRECTE ni au CSE le plan de prévention des risques ni de diagnostic socio-professionnel ;

- ni la DIRRECTE ni le CSE n'ont été informés dès l'origine des moyens du groupe, appréciés à l'échelle mondiale ;

- la société Samsonite a entravé la désignation de l'expert et fait obstacle au bon exercice de sa mission ;

- le CSE n'avait pas été consulté sur les orientations stratégiques de la société ;

- aucune base de données économiques et sociales n'avait été mise en place ;

- les résultats provisoires de la société, tardivement communiqués étaient faux ; l'employeur a délibérément retardé l'établissement des comptes ;

- aucune information n'a été donnée sur les résultats de Samsonite International et Samsonite Europe, maisons-mères de Samsonite France, qui sont les véritables décideurs ;

- le volet du plan tendant à éviter les licenciements est inexistant ;

- la détermination des catégories socio-professionnelles est irrégulière, les postes commerciaux ayant été arbitrairement scindés ; une permutation est possible ;

- le périmètre des zones d'emploi est arbitraire ;

- les qualités professionnelles ne peuvent être appréciées que sur la base des évaluations passées et non d'évaluation à venir, qui ne sauraient être objectives ;

- les mesures de reclassement interne sont floues ;

- les mesures du plan ne sont pas à la hauteur des moyens du groupe.

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2021, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2021, la société Samsonite, représentée par Capstan LMS conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de chacun des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l'épidémie de covid-19 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... ;

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., pour la société Samsonite.

Considérant ce qui suit :

1. La société Samsonite, qui commercialise sous diverses marques des produits de bagagerie, employait 203 salariés en France au 31 mai 2020. Ses activités ayant été perturbées par la crise du secteur touristique et la fermeture des points de vente consécutives à la pandémie provoquée par la covid 19, elle a mis au point un plan de licenciements collectifs prévoyant la suppression de 57 postes, dont 33 postes de vendeurs en boutique, 6 postes dans les équipes commerciales, 15 postes dans les fonctions de support, et 3 postes de management opérationnel susceptible d'aboutir à 51 licenciements économiques. Le projet a été notifié à l'administration le 23 juin 2020 et présenté pour la première fois au comité social et économique le 26 juin 2020. Les négociations avec les organisations syndicales en vue de la conclusion d'un accord majoritaire n'ont pas abouti. Le comité social et économique a rendu un avis le 31 août 2020. Par une décision du 24 septembre 2020, le directeur des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société Samsonite. Par un jugement du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la Fédération CGT commerce, distribution et services, et de Mme A... et d'autres salariés de la société tendant à l'annulation de cette décision d'homologation. Les requérants relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérants font grief aux premiers juges d'avoir omis de statuer sur le moyen tiré de la déloyauté de l'employeur dans la procédure d'information et de consultation du comité social et économique et dans l'élaboration du plan social pour l'emploi, le tribunal a répondu de manière détaillée au point 7 de son jugement au moyen tiré de ce que l'expert-comptable n'aurait pas pu exercer sa mission dans des conditions permettant aux membres du comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause, et au point 8 au moyen tiré de ce que ce comité n'aurait pas disposé des informations qui lui auraient permis de se prononcer congrument. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des requérants, a suffisamment motivé son jugement et, en jugeant que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique avait été régulière, il a nécessairement écarté le moyen, à le supposer opérant, tiré de la déloyauté de la direction de la société Samsonite. Les autres critiques utiles des requérants portant sur le bien-fondé de l'appréciation des premiers juges, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen tiré des lacunes de l'examen par l'administration de la demande d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi :

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière et de vérifier la conformité du plan aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. Elle doit également, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, pour cela, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe.

4. Si le respect de la règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Que doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

5. En l'espèce, il ressort de la motivation de la décision contestée que le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France s'est assuré que le comité social et économique de la société Samsonite avait été régulièrement informé et consulté lors des réunions des 26 juin, 3, 9 et 23 juillet, 10, 18, 24, 28 et 31 août 2020 sur le projet de réorganisation de l'entreprise Samsonite. Cette motivation mentionne la décision d'injonction du 7 août 2020 et les réponses de la société les 6, 7 et 27 août à la lettre d'injonction, elle vise le rapport provisoire de l'expert-comptable présenté au comité social et économique le 28 aout 2020, elle fait état de ce que la lettre d'observation adressée par la DIRRECTE à la direction de la société Samsonite le 7 août 2020 et la réponse de la société le 20 août 2020 ont été communiquées aux élus au cours des différentes réunions. Elle analyse les principales dispositions du plan pour conclure que la procédure d'information-consultation a été régulière et que le contenu du plan satisfait aux exigences légales.

6. Si les requérants font valoir que les réponses de la société des 6, 7 et 27 août n'ont pas été communiquées au comité social et économique, l'administration n'était pas légalement tenue de le faire et il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des comptes-rendus de réunion que cette instance aurait été privée de ce fait de la possibilité de formuler un avis éclairé. La circonstance que la société n'ait pas produit l'ensemble des documents mentionnés dans l'injonction du 7 août 2020 ne faisait pas obligation à l'administration de refuser d'homologuer le plan dès lors qu'elle estimait que le comité social et économique disposait, en leur absence, de suffisamment d'éléments pour se prononcer. Enfin, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'instruction n° 2013-13 du 19 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de la procédure de licenciement économique collectif est inopérant, cette circulaire ne présentant pas de caractère réglementaire.

7. Il résulte de ce qui précède que le contrôle exercé par le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France sur le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Samsonite a été complet et qu'il n'est entaché d'aucune irrégularité. Les autres critiques des requérants ne portent pas sur la régularité et l'étendue du contrôle mais sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

8. En premier lieu, l'article L. 1233-30 du code du travail dispose : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / (...) / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / II.- Le comité social et économique rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : / 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent :(...) / En l'absence d'avis du comité social et économique dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté ". L'article L. 1233-31 du code du travail dispose : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées ; 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ". Aux termes de l'article L. 1233-34 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité social et économique peut, le cas échéant sur proposition des commissions constituées en son sein, décider, lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30, de recourir à une expertise pouvant porter sur les domaines économique et comptable ainsi que sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail (...) ". L'article L. 1233-35 de ce code dispose : " L'expert désigné par le comité social et économique demande à l'employeur, dans les dix jours à compter de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les huit jours. Le cas échéant, l'expert demande, dans les dix jours, des informations complémentaires à l'employeur, qui répond à cette demande dans les huit jours à compter de la date à laquelle la demande de l'expert est formulée ".

9. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, ou désormais du comité social et économique, a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque le comité d'entreprise a décidé de recourir à l'assistance d'un expert en application de ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause.

S'agissant des insuffisances de la note économique :

10. Le 1° de l'article L. 1233-31 du code du travail dispose que l'employeur adresse aux représentants du personnel dès la première réunion les renseignements utiles portant notamment sur " la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ". En l'espèce, le livre II du projet de réorganisation de la société Samsonite transmis au comité social et économique comporte une présentation du groupe, des marques qu'il commercialise, de son implantation en France et de ses effectifs. Il analyse de manière précise comment la crise sanitaire provoquée par l'épidémie de covid 19 a frappé le secteur des voyages et du tourisme et a conduit à la fermeture des points de vente en période de confinement. Il mesure le recul des ventes qui en a résulté pour la société. Il expose les raisons pour lesquelles aucun redressement significatif n'est attendu dans les mois et les années à venir et celles pour lesquelles les mesures palliatives décidées par les pouvoirs publics pour faire face aux conséquences de la crise ne dispensent pas la société de réduire ses coûts fixes, en ajustant le nombre de points de vente et les effectifs du personnel en boutique aux perspectives négatives qui s'annoncent durables et aux changements structurels des habitudes de la clientèle tels qu'ils peuvent être anticipés. Ce document comporte des données chiffrées relatives à la baisse des ventes telle qu'elle était mesurée en mai 2020, un compte de résultats établi fin avril 2020, et des prévisions de vente et de résultats jusqu'en 2022. Cette note de renseignements économiques, alors même qu'elle comportait à la date à laquelle elle a été rédigée des données qui n'étaient que provisoires et prospectives, satisfait aux exigences du code du travail.

S'agissant des entraves mises par la direction de Samsonite à la mission de l'expert :

11. Lors de sa première réunion, le 26 juin 2020, le comité social et économique a décidé le recours à l'expertise comptable du cabinet Diagoris. Si les requérants font valoir que l'employeur a mal accueilli cette initiative en demandant à chaque élu de motiver son choix de recourir à cette expertise, en annonçant que la dépense afférente impacterait les mesures sociales envisagées et, par la suite, en ne coopérant qu'avec réticence avec le cabinet Diagoris, la mauvaise grâce dont ils font grief à la direction n'est de nature à avoir affecté la régularité de la consultation du comité social et économique que pour autant qu'au final elle aurait privé cette instance de formuler des avis éclairés.

12. Il ressort des pièces du dossier que la société Samsonite a transmis le 6 juillet 2020 les éléments comptables qui avaient été demandés le 28 juin 2020 par le cabinet Diagoris à l'exception des éléments relatifs aux comptes annuels 2019 qui, à cette date, n'avaient pas été définitivement établis. En effet, ainsi que le permettaient les dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l'épidémie de covid-19, les documents comptables réclamés n'ont été définitivement validés que le 24 septembre 2020, postérieurement à l'avis rendu par le comité social et économique le 31 août 2020 mais avant la date butoir du 30 septembre 2020. Il n'est pas établi qu'une validation à cette date, conforme aux délais légaux, ni que les différences existantes entre les comptes provisoires et les comptes définitifs présenteraient le caractère d'une manœuvre destinée à tromper le comité social et économique et l'administration, ainsi que le prétendent les requérants.

13. Le 7 août 2020, le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, à la demande du syndicat CGT, a enjoint à la direction de la société Samsonite de produire les rapports des commissaires aux comptes et le rapport de gestion pour l'année 2019, ainsi que les comptes annuels, les rapports des commissaires aux comptes et les balances générales pour les exercices 2017, 2018 et 2019 des sociétés Samsonite Europe NV Belgique, Delilah Europe investments SARL, Samsonite internationale SA Luxembourg. S'agissant des rapports des commissaires aux comptes relatifs à l'activité de Samsonite France, il ne saurait être fait grief à la société de ne pas avoir produit des rapports qui à cette date, ainsi qu'il a été dit précédemment, n'existaient pas encore. S'agissant des rapports relatifs aux activités de sociétés étrangères, ils ont été sollicités tardivement par l'expert alors que les délais mentionnés par l'article L. 1233-35 du code du travail étaient expirés et leur absence, compte tenu des éléments fournis, par ailleurs, n'a pas privé le comité social et économique d'émettre un avis éclairé. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier que la société Samsonite aurait entravé la mission de l'expert-comptable dans des conditions qui auraient privé le comité social et économique de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

S'agissant des erreurs et omissions qui entacheraient la documentation économique remise au comité social et économique :

14. Il ne saurait être fait grief à la société Samsonite de ne pas avoir transmis au comité social et économique les documents comptables afférents à l'exercice 2019 lors de la première consultation de cette instance dès lors que ces documents n'avaient pas été arrêtés à cette date. Il ressort du rapport du cabinet Diagoris que la liasse fiscale de l'exercice 2019 a été en définitive remise à l'expert-comptable et qu'il a pu en faire une présentation au comité social et économique. Si les requérants relèvent que le résultat d'exploitation de la société mentionné dans le plan de sauvegarde qui lui a été transmis est contredit par le montant figurant dans la liasse fiscale 2019, cet écart a été souligné par le rapport d'expertise du cabinet Diagoris. S'ils font également valoir que les éléments transmis n'avaient pas été encore validés par les commissaires aux comptes, cette circonstance est indifférente dès lors que le comité social et économique disposait en l'espèce d'éléments suffisants pour émettre un avis sur le plan de sauvegarde de l'emploi. S'ils font également valoir que des éléments complets sur la situation financière des sociétés du groupe Samsonite établies hors de France leur étaient nécessaires, le rapport de l'expert-comptable, de 250 pages, comporte l'ensemble des données utiles disponibles relatives à la situation financière non seulement de la société Samsonite France mais également du groupe auquel elle appartient. Il ressort des pièces du dossier et notamment des comptes-rendus des dernières réunions du comité social et économique des 24, 28 et

31 août 2020 que cette instance a été en mesure de formuler un avis éclairé au terme de débats nourris d'éléments précis qui révèlent une connaissance suffisante de la situation économique de l'entreprise et du groupe, sans que d'éventuelles erreurs ou insuffisances aient été de nature à entacher la qualité de l'examen, à tromper les représentants du personnel et à fausser l'avis alors émis.

S'agissant de l'absence d'information sur les orientations stratégiques du groupe et de mise à jour de la base de données économique et sociale :

15. La circonstance que le comité social et économique n'ait pas été amené à débattre aux cours des douze mois qui ont précédé la mise au point du plan de sauvegarde de l'emploi des orientations stratégiques de l'entreprise en méconnaissance des dispositions de l'article

L. 2312-24 du code du travail ne révèle pas en elle-même que l'ensemble des éléments qui lui ont été fournis lors de l'examen du plan de sauvegarde pour l'emploi auraient été insuffisants pour qu'il puisse exprimer un avis éclairé sur ce plan. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition du code du travail que la base de données économiques et sociales mentionnée par les dispositions des articles L. 2312-18 et L. 2312-36 du code du travail doive être mise à jour et transmise au comité social et économique à l'occasion de la procédure d'information et de consultation se tenant lorsque l'employeur envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés, une telle procédure ne pouvant être regardée comme une procédure récurrente au sens de l'article L. 2312-18.

S'agissant de l'absence de mesures de prévention des risques :

16. Il ressort des pièces du dossier qu'au titre des mesures de prévention des risques, le document remis au comité social et économique prévoit un point d'information conseil, un soutien psychologique pour l'ensemble des collaborateurs et la mise en place d'une cellule d'écoute par un psychologue d'une société spécialisée, joignable en permanence par téléphone, accompagnés d'entretiens en face à face et l'intervention des acteurs de la santé au travail et une méthodologie de gestion du stress. Le moyen tiré de ce que le comité social et économique n'aurait pas été mis à même de porter un avis éclairé sur les mesures envisagées, alors qu'elles ont été évoquées lors des réunions de cette instance, manque en fait.

17. Il résulte de ce qui précède que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation, que le comité a bénéficié de l'assistance d'un expert qui a été mis en mesure d'exercer effectivement sa mission, et que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique n'a pas été entachée de manœuvres déloyales qui en affecteraient la régularité.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

S'agissant des catégories professionnelles :

18. L'article L. 1233-24-2 du code du travail dispose : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4 ". L'article L. 1233-57-3 du même code prévoit que : " En l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ".

19. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 cité ci-dessus, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

20. En premier lieu si les requérants font valoir que les postes de runners, démonstrateurs et conseillers de vente ne seraient pas visés par le plan, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agit d'appellations correspondant à des fonctions de vendeurs. Les conseillers de vente opèrent dans les magasins de luxe, les démonstrateurs dans les grands magasins, et les runners sont des vendeurs chargés plus particulièrement de récupérer les marchandises dans les réserves du point de vente. Il s'agit donc de fonctions de même nature justifiant qu'ils soient regroupés dans une catégorie commune.

21. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le poste de " business development manager " qui est un emploi de haut niveau portant sur la négociation avec un très petit nombre de gros clients, qui implique une spécialisation et une expérience à l'international et une parfaite maitrise de l'anglais, serait de même nature et interchangeable avec les postes de " commerciaux WSL Terrain " préposés à la prospection de client locaux, pour lesquels le niveau d'exigence, notamment linguistique, et les responsabilités sont plus réduits, et cela quand bien même les titulaires de ces postes auraient tous une formation de base commerciale. De manière générale, la circonstance qu'au cours d'une carrière parfois longue, certains salariés, à la faveur de promotions ou de changement d'affectation, aient occupés des postes classés par le plan dans des catégories socio-professionnelles distinctes n'implique pas en elle-même que ces catégories aient été déterminées en se fondant sur des considérations étrangères à leur nature ni qu'une permutabilité serait assurée de ce seul fait. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les différentes catégories de postes commerciaux identifiées par le plan auraient été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi dont la suppression est recherchée. Au demeurant, au cours de la procédure organisée conformément aux dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail sur le projet de licenciement, le comité social et économique n'a formulé aucune demande d'injonction ni aucune contestation sur la définition des catégories professionnelles.

22. En troisième lieu, les requérants relèvent que le plan fait apparaitre pour chacune des catégories qu'il définit des sous-catégories de postes en annonçant les emplois qui seront supprimés, et qu'il en résulterait un manque de clarté quant aux conditions de mise en œuvre des critères aux sein des catégories socio-professionnelles. Cependant, ces subdivisions sont sans incidence sur l'application des critères d'ordre des licenciements et ne constituent pas, par suite, des catégories professionnelles distinctes. Les requérants ne sont, dès lors, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que, en raison de ces subdivisions, les catégories professionnelles méconnaîtraient le principe selon lequel elles doivent regrouper l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

S'agissant des critères d'ordre des licenciements et du périmètre de leur mise en œuvre :

23. Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. / En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois (...) ". L'article D. 1233-2 du même code dispose : " Les zones d'emploi mentionnées à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1233-5 sont celles référencées dans l'atlas des zones d'emploi établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l'emploi ".

24. Si le tableau figurant au livre I du plan procédé à la répartition géographique des catégories socio-professionnelles détaille les emplois supprimés et maintenus par sites de vente dont certains relèvent de la même zone d'emploi, ce document précise que " l'ordre des licenciements sera établi par zone d'emplois, conformément à l'article L. 1233-5 du Code du travail ". Dès lors, aucune obscurité ou ambiguïté n'existant sur ce point, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les zones d'emploi auxquelles doivent être appliqués les critères de priorité des licenciements seraient plus réduites que celles figurant dans l'atlas des zones d'emploi établi par l'institut national de la statistique et des études économiques auquel renvoie l'article D. 1233-2 du code du travail.

25. Si les requérants font valoir que l'appréciation des qualités professionnelles est fonction du résultat de la campagne d'entretiens d'évaluation actuellement en cours, et que l'absence de prise en compte des résultats des années précédentes ne garantit pas une démarche objective et indépendante, cette contestation n'est pas assortie d'une argumentation précise ni d'éléments concrets dont il devrait se déduire que ce critère n'a été retenu que pour mieux cibler les salariés que l'on entendait licencier. Il résulte par ailleurs des pièces du dossier et notamment des comptes-rendus des 10 et 18 août 2020 que ce point a fait l'objet de discussions approfondies en vue de parvenir à une solution prenant en compte les situations très diverses susceptibles de se présenter, tenant notamment aux lacunes des évaluations antérieures et à la présence de salariés très récemment embauchés. Le choix de se fonder sur la campagne d'évaluation en cours menée en juillet 2020 pour apprécier les qualités professionnelles alors qu'un plan de licenciement est en discussion n'est pas intrinsèquement illégal. En tout état de cause, un détournement de la campagne d'évaluation 2020 en vue de cibler certains salariés relèverait de l'application du plan de sauvegarde de l'emploi et les contestations ressortiraient donc de la compétence du juge judiciaire.

S'agissant du caractère incomplet et insuffisant du plan de reclassement au regard du groupe Samsonite :

26. L'article L. 1233-57-3 du code prévoit que pour vérifier le respect de l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur en vertu de l'article L. 1233-61, l'autorité administrative se fonde sur : " 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 ".

27. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. Elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, pour cela, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, celles-ci devant s'entendre comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

28. En premier lieu, la décision d'homologation fait référence aux moyens du groupe Samsonite. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration n'aurait pas exercé son contrôle sur ce point.

29. En second lieu, si les requérants font valoir que le plan de sauvegarde pour l'emploi ne comporte pas de mesure pour éviter les licenciements et qu'aucun poste n'est offert au reclassement interne, il ressort des pièces du dossier que les suppressions d'emplois sont motivées par une réduction significative des points de vente, et par conséquent du nombre de vendeurs et d'agents préposés aux fonctions commerciales. Dans ces conditions l'absence de perspectives offertes pour un reclassement interne n'entache pas le plan d'illégalité. Si le plan fait état de la possibilité de création d'un poste, cette création, à la date de l'homologation du plan présentait un caractère purement hypothétique, ce qui ne permettait pas d'offrir le poste au reclassement.

30. En troisième lieu, le plan de sauvegarde de l'emploi dont l'homologation est contestée prévoit un dispositif de départs volontaires et un dispositif de départs anticipés ainsi qu'un dispositif de reclassement externe comportant plusieurs types d'aides. Au titre de celles-ci figure un congé de reclassement d'une durée de 8 mois, et de 10 mois pour les salariés de

50 ans et plus, assorti d'une allocation de reclassement de 75 % de la rémunération brute moyenne perçue par le salarié les douze derniers mois précédant le congé, ou bien de 85 % du SMIC, alors que la réglementation prévue à l'article R. 1233-32 du code du travail prévoit un montant minimum de 65 % de la rémunération brute mensuelle. Des aides financières sont prévues sous la forme d'une allocation de formation et de validation des acquis de l'expérience, d'un montant de 2 000 à 4 000 euros, et d'une aide à la création ou à la reprise d'entreprise s'élevant à 7 000 euros bruts augmentés de 5 000 euros en cas d'embauche d'un autre salarié de l'entreprise Samsonite, ainsi que d'une allocation en vue d'une formation de longue durée d'un montant de 7 000 euros. Des mesures d'aide à la recherche d'emploi sont également prévues sous la forme d'une indemnité différentielle de salaire d'un montant de 1 200 euros bruts sur douze mois, d'une indemnité de reclassement rapide correspondant à 50 % de ce que le salarié aurait perçu jusqu'au terme du congé de reclassement, d'une aide au déménagement d'un montant maximal de 5 000 euros, d'une aide à la recherche de logement, d'une allocation d'installation équivalent à un mois de salaire ainsi que d'une aide pour limiter les frais de double résidence. Le plan de sauvegarde prévoit encore l'intervention d'un cabinet de conseil spécialisé dans l'accompagnement des salariés vers un nouveau poste qui s'est contractuellement engagé à proposer à chaque salarié licencié au moins deux offres d'emploi correspondant à leur profil et à leurs aspirations. Au regard de ces éléments, les requérants, après avoir souligné le caractère international du groupe Samsonite, la solidité de son actionnariat, ses bons résultats et l'aisance de sa trésorerie avant qu'elle ne soit affectée par la crise sanitaire, se bornent à arguer de manière générale de l'insuffisance des mesures prévues au regard des moyens financiers du groupe Samsonite sans qu'il ressorte de leur contestation que les mesures concrètes envisagées par le plan de sauvegarde de l'emploi en litige ne seraient pas, prises dans leurs ensemble, propres à satisfaire aux objectifs mentionnés par les articles

L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail.

31. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération CGT commerce, distribution et services, Mme A... et les autres salariés requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Samsonite, qui ne sont pas les parties qui succombent dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la société Samsonite sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la Fédération CGT commerce, distribution et services, Mme A..., M. G..., Mme O..., Mme D..., M. C..., et M. I... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Samsonite sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération CGT commerce, distribution et services, Mme M... A..., M. K... G..., Mme H... O..., Mme N... D..., M. J... C..., et M. L... I... d'une part, au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion d'autre part, et à la société Samsonite.

Copie en sera adressée pour information au directeur des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. E..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2021.

L'assesseur le plus ancien,

M-F... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. E...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01737 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01737
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CAMPAGNOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-26;21pa01737 ?
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