Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1912825/2-1 du 30 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du préfet de police du 24 avril 2019, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 août et 23 septembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1912825/2-1 du 30 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la circonstance que Mme C... ait déclaré être entrée en France en 2001 ne peut suffire à elle-même à lui ouvrir un droit au séjour ; elle est sans charge de famille ; si elle produit une attestation du 9 mai 2019, postérieure à l'arrêté en litige, justifiant d'une relation de concubinage depuis trois ans, elle n'a jamais invoqué une telle situation lors de sa demande auprès des services de la préfecture ; les attestations de ses proches, rédigés en termes convenus, ne peuvent suffire à elles seules à justifier l'intensité de liens familiaux et amicaux sur le territoire français ; elle a été condamnée par le Tribunal correctionnel de Paris, le 19 mai 2017, à une peine d'emprisonnement de deux ans dont un an avec sursis et une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans, pour des faits de transport, détention, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, détention d'arme de catégorie A et détention non autorisée de catégorie B ; le caractère particulièrement grave des faits commis permet de faire regarder la présence de Mme C... sur le territoire national comme représentant une menace pour l'ordre public ; dans ces conditions, l'arrêté critiqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- pour le reste, il s'en remet à ses écritures de première instance et précise que, s'agissant du moyen tiré de l'incompétence, l'arrêté critiqué a été pris par Mme E... qui disposait d'une délégation de signature à cet effet.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me B... A..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thoninette, avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 13 avril 1991, qui indique être entrée en France en 2001, s'est présentée aux services de la préfecture de police le 8 avril 2019 aux fins de renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 avril 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour. Par un jugement n° 1912825/2-1 du 30 juin 2020, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Il résulte des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est subordonnée à l'absence de menace à l'ordre public.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 19 mai 2017, Mme C... a été condamnée à 5 000 euros d'amende, deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis et une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans pour transport, détention, offre ou cession non autorisé de stupéfiants, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, détention d'arme de catégorie A et détention non autorisée d'arme de catégorie B, pour des faits commis en 2015. Le juge d'application des peines a, par une décision du 12 juin 2018, et au vu des " efforts sérieux de réadaptation sociale, [de] son projet d'insertion professionnelle (...) sérieux et [de ce qu']elle justifie d'efforts pour payer son amende ", accordé à Mme C... un aménagement de peine ainsi qu'une libération conditionnelle. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que Mme C... est entrée sur le territoire français à l'âge de dix ans et s'y est maintenue continument et de façon régulière pendant toute sa scolarité et ses études jusqu'à la première année de licence. Elle réside, par ailleurs, aux côtés de sa mère, titulaire d'une carte de résident, et de ses deux demi-frères, de nationalité française, et travaille en qualité d'agent de maîtrise pour la SAS Beaumarchais depuis le mois d'octobre 2015. Enfin, la commission du titre de séjour, saisie du cas de l'intéressée a émis, le 12 mars 2019, un avis favorable au renouvellement du titre de séjour en raison de son attitude positive face aux faits qui lui étaient reprochés, malgré sa condamnation de 2017. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le préfet de police, l'arrêté contesté, pris au motif que la présence de Mme C... sur le territoire national constituait une menace suffisamment grave à l'ordre public, a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par la mesure et, de ce fait, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour ce motif, annulé son arrêté.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel il a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme C..., lui a enjoint de lui délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par de voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... devant la Cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.
Le rapporteur,
S. F...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02373